Michel Maus
“Le secteur de l’art doit être mieux réglementé fiscalement et mieux soutenu économiquement”
La proposition de loi des parlementaires Carina Van Cauter et Luk Van Biesen (Open Vld) “en vue de promouvoir l’économie des arts plastiques” mérite qu’on lui donne crédit, d’après Michel Maus, avocat et professeur de droit fiscal.
Les parlementaires Carina Van Cauter et Luk Van Biesen (Open Vld) ont récemment déposé une proposition de loi “en vue de promouvoir l’économie des arts plastiques”. Je vous entends d’ici : un énième artifice fiscal en perspective. Détrompez-vous car la proposition est bien étayée.
Ses auteurs pointent à juste titre la plus-value sociétale des arts plastiques. Ils souhaitent rendre le secteur de l’art moins dépendant des subventions publiques afin qu’il puisse non seulement continuer de se développer sur le plan culturel, mais aussi offrir des perspectives économiques à différents acteurs, allant des artistes eux-mêmes aux collectionneurs et aux galeristes en passant par les conservateurs et les musées.
Le secteur de l’art doit être mieux réglementé fiscalement et mieux soutenu économiquement
La proposition énonce avec raison que la législation fiscale est loin de favoriser l’économie des arts plastiques. Tant au niveau des impôts sur les revenus que de la TVA, les oeuvres d’art ne sont pas déductibles au titre de frais professionnels, contrairement au mobilier design et à la décoration d’un bureau. Elles ne sont pas non plus amortissables. Cette situation a des conséquences économiques néfastes. Non seulement l’épanouissement de l’économie des arts s’en voit limité, mais il est en outre courant que l’achat et la vente d’oeuvres d’art se fasse en dehors des circuits officiels et que la valeur ajoutée sur une vente reste ainsi non imposée. Les auteurs de la proposition de loi veulent mieux réglementer le secteur des arts plastiques sur le plan fiscal.
Ils proposent, en guise de première mesure, d’admettre la déductibilité fiscale des acquisitions d’oeuvres d’art au titre de frais professionnels. Celles-ci tomberaient alors sous le même régime fiscal que tout autre achat professionnel. Cela implique que l’art puisse être amorti, mais aussi que la valeur ajoutée sur une oeuvre d’art soit imposable si elle est revendue ultérieurement. Outre cet effet de retour, la mesure aura pour conséquence que l’achat et la vente d’art sortent de la zone grise, ce dont on ne peut que se réjouir.
La deuxième mesure consiste à instaurer une déduction fiscale majorée pour l’achat d’oeuvres d’art qui appartiennent au patrimoine culturel mobilier belge ou qui jouissent d’une renommée internationale. Ces acquisitions seraient alors ajoutées à la liste des actifs qui sont déductibles à 120 %. Cette déduction majorée est bien entendu soumise à condition. Les oeuvres d’arts doivent être mises à la disposition des musées publics.
Espérons que la proposition devienne rapidement loi
Cette mesure vise à lutter contre l’exode artistique et à stimuler les riches mécènes à acheter individuellement ou en groupe des oeuvres d’art de valeur et à les exposer au public en Belgique. Elle induit aussi des effets économiques positifs, étant donné que l’achat et l’exposition d’oeuvres d’art de valeur participent au rayonnement de notre pays en tant que pôle culturel et touristique.
Carina Van Cauter et Luk Van Biesen proposent en outre que les investissements dans des espaces d’exposition publics consacrés aux arts plastiques soient fiscalement déductibles à 120 %. Cette réglementation ouvre également la porte à des partenariats public-privé et soutient les musées qui pourront ainsi faire appel au secteur privé afin de construire des espaces d’exposition de qualité. Elle entraînera aussi une croissance économique dans le secteur de la construction.
Il est par ailleurs également proposé d’étendre le régime de tax shelter aux expositions d’arts plastiques. La tax shelter existant pour les arts cinématographiques a profilé la Belgique comme un pays de cinéma et boosté le secteur audiovisuel. En étendant la tax shelter aux arts plastiques, le but est de stimuler également ce secteur sur le plan économique, ce qui pourra multiplier les possibilités de collaborations public-privé, comme l’organisation d’expositions internationales de haut niveau, et bénéficier à nos villes d’art et au secteur touristique.
C’est pourquoi la proposition de loi de Carina Van Cauter et de Luk Van Biesen mérite qu’on lui donne crédit. Le secteur de l’art doit être mieux réglementé fiscalement et mieux soutenu économiquement. La proposition répond à ce double objectif. Espérons que les partis de gouvernement prennent conscience de l’intérêt de cette proposition et que celle-ci devienne rapidement loi.
Traduction : virginie·dupont·sprl
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici