Le réveil des actions chinoises: les bourses de Shanghai et de Shenzhen en progression solide depuis janvier
Le seul pays à avoir connu une véritable reprise économique en V séduit de plus en plus d’investisseurs. Les actions chinoises ne manquent, il est vrai, pas d’atouts, entre innovation et croissance économique.
Alors que l’Europe affronte une deuxième vague de contaminations particulièrement forte, la Chine semble avoir tourné la page du Covid-19. Le pays ne déplore qu’une vingtaine de cas par jour en moyenne et lorsqu’un cluster d’une douzaine de personnes a menacé la ville de Qingdao, les 9 millions d’habitants de la mégalopole ont été testés. Même à
Wuhan, berceau de l’épidémie, la vie a retrouvé une certaine normalité. “Tous les étudiants sont revenus, les boîtes de nuit sont pleines”, témoignait ainsi récemment un étudiant français au micro de BFM TV.
Ce retour au quotidien transparaît dans les chiffres du PIB. Au troisième trimestre, la deuxième économie mondiale a enregistré une croissance de 4,9%, confirmant la reprise observée au printemps après la nette contraction du premier trimestre. Pour l’année entière, le Fonds monétaire international (FMI) a récemment revu sa prévision de croissance à la hausse à 1,9%. La Chine serait ainsi la seule (grande) économie à croître cette année. Une tendance favorable qui devrait se confirmer en 2021, le FMI tablant sur une croissance de 8,2%. Seule l’Inde (8,8%) ferait mieux après une année 2020 marquée par une profonde récession (-10,7%).
Stratégiquement, le 14e plan quinquennal de la Chine couvrant la période 2021-2025 et baptisé “Made in China 2025” met l’accent sur l’innovation et la montée en gamme de son industrie. Son objectif est d’atteindre d’ici 2035 un PIB par habitant comparable aux pays modérément développés. Selon les économistes, cela implique un triplement de son PIB par habitant de 10.262 dollars l’année dernière à 30.000, comparable à l’Italie ou la Corée du Sud aujourd’hui. La Chine pourrait alors lorgner la position de première économie mondiale qu’occupent les Etats-Unis depuis 1916, selon l’historien britannique Adam Tooze.
L’appétit des investisseurs pour les valeurs chinoises est également renforcé par l’introduction en Bourse d’Ant Group qui a choisi de se faire coter à Hong Kong et Shanghai et non pas à Wall Street comme sa maison mère Alibaba. A l’heure d’écrire ces lignes, la fintech chinoise finalise l’opération qui doit lui permettre de lever 34 milliards de dollars, soit la plus importante introduction en Bourse de l’histoire. En cas de réussite, Ant Group pourrait rapidement rejoindre ses compatriotes Alibaba et Tencent dans le top 10 des capitalisations boursières mondiales.
Faible valorisation pour entreprises fragiles
Les actions chinoises ont ainsi entamé un redressement cette année, l’indice CSI 300 des Bourses de Shanghai et Shenzhen affichant une progression solide depuis janvier contrairement au S&P 500 américain et surtout au Stoxx 600 Europe, loin derrière. Le CSI 300 n’est toutefois pas encore revenu à son niveau de début juin 2015, avant une chute brutale, et a fortiori à son record d’octobre 2007.
Dans l’ensemble, le niveau de valorisation des actions chinoises demeure assez raisonnable. Selon l’agence Bloomberg, l’indice CSI 300 s’échange ainsi actuellement à un peu plus de 17 fois les bénéfices. Comme sur les marchés occidentaux, les écarts de valorisation sont toutefois conséquents. Ping An Insurance, première société de l’indice avec une pondération de 5%, ne cote que 10 fois les profits. L’actionnaire de référence d’Ageas est décoté en raison des perspectives moroses du secteur financier.
Au premier semestre, la croissance annuelle de sa clientèle est passée sous 10%. Si la pandémie a pu ralentir le groupe, cela confirme une tendance structurelle: +20% en 2016, 19% en 2017, +15% en 2018, +11% en 2019.
La baisse des taux pèse aussi sur le segment financier en Chine, de même que la menace de pertes sur crédits. Selon l’Institut de la finance internationale, l’endettement total des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics du pays a quadruplé depuis 2008 à plus de 40.000 milliards de dollars, notamment afin de soutenir des grandes industries en difficulté ou des projets d’investissement dans les infrastructures pas toujours productifs.
Dans le CSI 300, on trouve également Kweichow Moutai. Inconnue de la plupart des investisseurs occidentaux, cette société est pourtant deuxième entreprise de l’indice (pondération de 4,95%) et pourrait rapidement en devenir la première vu les dynamiques actuelles. Son cours a bondi de 36% en un an alors que celui de Ping An a fondu de 11%.
Kweichow Moutai est surtout connu comme le fabricant du Moutai, une marque haut de gamme de baijiu, le spiritueux le plus consommé en Chine (et donc dans le monde…). Le groupe, qui produit aussi d’autre alcools, est devenu le numéro un mondial des spiritueux, ayant dépassé Diageo et Pernod Ricard. Il profite évidemment du développement de la classe moyenne en Chine avec, à la clé, une hausse de plus de 160% de ses revenus et de ses profits entre 2015 et 2019. Cette croissance se paie cher puisque le titre cote 44 fois le bénéfice prévu pour 2020 selon le consensus Reuters.
De même, les valeurs technologiques comme Alibaba et Tencent, qui sont cotés à Hong Kong et ne sont donc pas reprises dans l’indice CSI 300, cotent respectivement 48 fois et 46 fois leurs bénéfices.
Les thèmes porteurs
Pour Jack Lee, gestionnaire de fonds en actions chinoises chez le gestionnaire d’actifs Schroders, il faut pourtant “chercher les opportunités parmi les valorisations élevées”. Cela semble contre-intuitif, mais s’explique si on établit une comparaison internationale. A 10 fois les bénéfices, Ping An est certes plus cher que Bank of America ou Allianz, et PetroChina pas moins cher que Total ou Exxon Mobil. Par contre, Alibaba vaut 44 fois ses bénéfices des 12 derniers mois en Bourse, soit beaucoup moins que le multiple de 123 d’Amazon selon les données de Reuters. Le constructeur automobile et producteur de batteries BYD cote 134 fois ses bénéfices prévus pour 2020 contre 235 fois pour Tesla. Et si l’on compare Kweichow Moutai à une marque haut de gamme en forte croissance comme Hermès, sa valorisation est aussi plus attractive (44 fois les profits contre 73). Quant au rapport cours-bénéfice estimé pour 2021 de Ant Group lors de son introduction en Bourse, il n’est que de 31, contre un multiple de 43 pour PayPal.
Mais encore faut-il connaître les grands thèmes porteurs. Jack Lee cible tout particulièrement “les entreprises bien positionnées par rapport à la tendance de croissance à long terme”. Il cite notamment les véhicules électriques, la 5G et l’automatisation industrielle. Globalement, on peut distinguer deux grands vecteurs de croissance pour les entreprises chinoises. D’abord, le développement et l’enrichissement de la classe moyenne. Selon le China Consumer Report 2020 de McKinsey, la part des ménages aisés et riches a bondi de 8% à 48% entre 2010 et 2018. Cette classe (moyenne) supérieure privilégie de plus en plus les marques locales au détriment de leurs concurrentes internationales. Si la tendance a commencé avec des produits courants comme les produits de nettoyage ou la nourriture, elle touche désormais même le luxe, la mode ou les équipement high-tech, selon McKinsey.
Second vecteur de croissance: les grandes tendances mondiales. La Chine n’échappe pas à la numérisation et le commerce en ligne y est même très développé. Malgré son image de pollueur, le pays s’est aussi engagé dans la voie du développement durable avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2060. Si l’impact est mondial, le but est avant tout de débarrasser les grandes métropoles de l’épais smog qui les entoure régulièrement. Le segment des voitures électriques avec de nombreuses start-up comme BYD, Nio, Li Auto et Xpeng est ainsi en plein boom. L’année dernière, pas moins de 1,2 million de voitures électriques ont été vendues en Chine, soit 5% du marché. Pékin veut atteindre les 25% en 2025.
Comment investir en Chine?
Reste qu’investir directement en Chine ou à Hong Kong demeure compliqué, d’autant que les versions anglaises des sites des entreprises se révèlent volontiers très sommaires et truffés d'”erreur 404″.
Il est ainsi préférable de vous cantonner aux actions chinoises cotées sur les Bourses occidentales, essentiellement aux Etats-Unis, comme le géant du commerce Alibaba, son concurrent JD.com, le spécialiste des voitures électriques Nio, le moteur de recherche sur Internet Baidu, le développeur de jeux NetEase ou le e-discounter Pinduoduo, à la croissance parabolique mais déficitaire.
L’autre option est de passer par les fonds négociés en Bourse ou ETF. Vous avez alors le choix entre différents indices. Le MSCI China englobe toutes les sociétés chinoises où qu’elles soient cotées. Alibaba et Tencent représentent ainsi 35% de l’indice, les financières (13%), l’industrie (5%) et l’énergie (3,5%) étant plus discrets. Le S&P China 500 rassemble les 500 principales entreprises chinoises. Sa dépendance à Alibaba et Tencent (22%) est moins importante, avec une plus grande diversification vers les secteurs industriels et défensifs.
Le MSCI China A (inclusion) se concentre sur les actions A, c’est-à-dire celles cotées seulement en Chine continentale (sans Alibaba et Tencent donc). Les secteurs les mieux représentés sont la finance (21%) et la consommation défensive (17%) dont Kweichow Moutai et son concurrent Wuliangye Yibin. En combinant par exemple le MSCI China et le MSCI China A, vous obtiendrez une exposition globale aux actions chinoises sans être surinvesti dans les deux géants que sont Alibaba et Tencent.
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