Le naufrage annoncé de Peugeot
Trois jours après la surprise, le rachat d’Opel par PSA Peugeot Citroën (PSA) semble déjà bien emmanché. L’opération est destinée à réduire les coûts mais aggraverait également les faiblesses du constructeur automobile français.
Même si PSA n’a pas confirmé son intérêt officiellement, son patron Carlos Tavares a déjà demandé “audience” auprès d’Angela Merkel. Les syndicats allemands se sont déclarés ouverts aux discussions après avoir été rassurés par General Motors (GM), maison-mère américaine actuelle d’Opel. Les analystes ont même déjà fixé le prix de vente : un peu plus de 2 milliards. Un montant relativement limité pour le 6e constructeur automobile européen. En faisant main basse sur Opel, PSA retrouverait sa place de numéro deux en Europe derrière l’intouchable Volkswagen et devant son compatriote Renault qui lui a subtilisé la seconde marche du podium l’année dernière.
Réduction des coûts
Pour GM, il s’agit avant tout de se défaire d’une encombrante filiale (depuis 1929…) qui accumule les pertes depuis trop d’années (plus de 20 milliards de dollars depuis 1999). Du côté de PSA, le principal objectif serait de réaliser des économies de coûts en partageant les coûts de développement, les usines d’assemblage. Les analystes de Barclays estiment que ces économies pourraient atteindre 1,9 milliard par an… À terme car le processus d’intégration s’annonce déjà long et laborieux dans un secteur hautement politisé. À brève échéance, PSA risque donc fort d’essuyer les pertes d’Opel.
Moteurs électriques
Par ailleurs, le rachat d’Opel permettrait à PSA d’avoir accès aux motorisations électriques de GM, ce qui n’est pas un mince avantage alors que le groupe français est complétement largué dans le domaine en raison de la fin de son partenariat avec Mitsubishi et d’années de sous-investissement. Cet accès ne se fera toutefois pas sans conditions. On imagine mal GM permettre à PSA d’utiliser ses moteurs électriques à l’international, surtout sur le crucial marché chinois. GM est en effet à la lutte avec Volkswagen pour la place de leader sur le plus grand marché automobile mondial où les constructeurs locaux (notamment de véhicules propres) retrouvent grâce aux yeux des acheteurs.
Quid de Dongfeng ?
On peut également s’interroger sur l’avenir des relations entre PSA et Dongfeng. Les deux groupes doivent notamment collaborer dans les moteurs électriques, un partenariat consécutif à la montée au capital du groupe chinois au capital de PSA en 2014. La situation est d’autant plus compliquée que les ventes de la co-entreprise entre PSA et Dongfeng en Chine ont lourdement chuté en 2016, la part de marché s’étant effondrée de 2,9% à 2,2% au premier semestre. Épinglons également que Dongfeng est surtout dépendant de l’alliance Renault-Nissan au niveau opérationnel.
Parts de marchés en berne
Les ratés en Chine remettent de nouveau les projets d’internationalisation de PSA en doute. Un rachat d’Opel renforcerait encore sa dépendance au marché européen, contrairement à Renault lors de la prise de contrôle de Nissan ou à Fiat quand il a fait main basse sur Chrysler. D’autant plus inquiétant que les perspectives du marché automobile européen apparaissent d’ores et déjà plus difficiles après 3 années de croissance. Tout retournement du marché deviendrait catastrophique pour “PSA Opel”, d’autant plus que PSA a largué plusieurs bouées qui l’ont maintenu à flot entre 2010 et 2014 comme Gefco ou les activités financières (prêts aux clients et aux concessionnaires) qui ont fait l’objet d’un partenariat avec Banco Santander. Le plus inquiétant est toutefois l’évolution de la part de marché européenne de PSA : de 12,9% en 2007 à 9,7% en 2016. Signe que ses 3 marques (Peugeot, Citroën et DS) peinent à séduire les acheteurs. Un handicap de taille que le groupe français partage avec … Opel. Sa part de marché a également fondu de 8,4% à 6,6% sur la même période.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici