Le bitcoin fait la Une des médias, mais êtes-vous sûr d’avoir tout compris ?

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Bart Vereecke Rédacteur MoneyTalk et Trends

Les monnaies virtuelles, et en particulier le bitcoin, sont omniprésentes dans les médias ces derniers mois. Mais pour beaucoup, cela reste un phénomène difficile à se représenter. Vous avez le sentiment d’être le (la) seul(e) à ne pas comprendre cette hype et quels en sont les risques ? Voici ce qu’il faut absolument savoir.

Pour tout système monétaire réussi, les conventions sur lesquelles les utilisateurs s’accordent sont fondamentales. En soi, vous ne pouvez rien faire dans la vie quotidienne avec un billet de 500 euros. Nous y accordons néanmoins beaucoup de valeur car, à un certain moment, nous avons décidé qu’en échange d’un tel billet, nous pouvions recevoir une quantité de biens ou de services dont on peut bel et bien faire quelque chose.

Conventions

En d’autres mots, l’argent n’a pas de valeur intrinsèque. Le système dans lequel il est utilisé comme moyen de paiement est dès lors entièrement basé sur des conventions et des accords, soutenus ou non par une autorité. Cela vaut également pour le bitcoin et les autres monnaies numériques: elles n’ont de la valeur que parce que les utilisateurs en ont convenu ainsi.

Les monnaies numériques n’ont de la valeur que parce que les utilisateurs en ont convenu ainsi.

Delen

La grande différence est que les bitcoins sont entièrement virtuels. Contrairement aux pièces et billets, nous ne pouvons donc pas les échanger physiquement. Ils ne peuvent même pas être stockés sur un ordinateur. Il a simplement été déterminé conjointement par les développeurs et les utilisateurs du bitcoin qu’il existe une certaine quantité d’unités, sans qu’il y en ait de preuve tangible. En réalité, le bitcoin est donc une convention sociale.

Chaque propriétaire ou utilisateur des bitcoins a une adresse – une sorte de portefeuille virtuel – où il peut héberger ses bitcoins. L’échange des bitcoins est également une affaire purement virtuelle. Une transaction se résume à la déclaration par un utilisateur qu’une certaine quantité de bitcoins déménage de son portefeuille vers le portefeuille d’un bénéficiaire.

Technologie versus fraude

L’avantage des paiements en monnaies virtuelles se situe en partie dans la prolongation de la raison pour laquelle nous avons massivement adopté la banque en ligne. Il n’est plus nécessaire de détenir une quantité physique d’argent ni de remettre des pièces ou des billets lors des achats: les paiements peuvent être effectués de chez soi, derrière un écran d’ordinateur. Il suffit à cet égard de convenir avec un autre utilisateur qu’une quantité de bitcoins est transmise de l’un à l’autre.

Comment pouvez-vous vérifier que les bitcoins promis par un utilisateur sont réellement en sa possession ?

L’obstacle principal à un système de paiement basé sur des conventions mutuelles est évident. Comment pouvez-vous vérifier que les bitcoins qu’un utilisateur vous promet sont réellement en sa possession ? Si une personne paie un pain avec une pièce de 2 euros dans un magasin, le boulanger est quasi certain d’être correctement rémunéré pour son produit. Les paiements par carte bancaire ou par virement sont également fiables : ils sont canalisés par les banques. Pour les monnaies virtuelles, il n’existe pas de cadre réglementé et aucune banque ne contrôle les transactions.

Sans système de contrôle suffisant, un système de paiement sur base d’une monnaie virtuelle n’est donc pas viable. La technologie sous-jacente, la blockchain, est cruciale dans l’émergence des monnaies virtuelles comme le bitcoin. Elle rend toute autorité centrale superflue, tant pour l’exécution des paiements que pour contrer la fraude.

Le développement de la technologie blockchain a engendré une croissance débridée des monnaies virtuelles. L’usage des monnaies virtuelles a particulièrement gagné du terrain dans les domaines où les gens désiraient échapper au contrôle financier. En Chine par exemple, l’utilisation des monnaies virtuelles s’est avérée un instrument commode pour échapper aux contrôles des capitaux. Pour les transactions financières dans les milieux criminels, l’absence de contrôle est bien sûr également intéressante.

Hype chez les investisseurs

À mesure que la monnaie devenait populaire et que sa renommée prenait de l’ampleur, divers acteurs financiers ont sauté dans le train en marche, à la recherche de rendement. Du fait de l’intérêt des investisseurs particuliers, mais aussi des banques d’affaires et des fonds d’investissement, la demande en bitcoins a fortement augmenté, avec les hausses de cours spectaculaires qui en ont résulté.

Dans l’article Bitcoin: 5 questions à se poser avant d’investir, vous trouverez davantage d’informations sur les monnaies virtuelles en tant qu’investissement.

Progressivement, le nombre de mises en garde a toutefois également augmenté. Plusieurs éminents économistes et autorités du secteur financier ont déconseillé le bitcoin comme investissement. Le cours du bitcoin a fait quelques cabrioles surprenantes récemment, ce qui semble confirmer la réputation spéculative et incertaine de la monnaie virtuelle comme instrument d’investissement.

Koen De Leus, l’économiste en chef de BNP Paribas Fortis, fait également partie des détracteurs: “Celui qui investit dans des monnaies traditionnelles, comme l’euro ou le dollar, achète quelque chose dont la valeur est garantie par une banque centrale. Pour les monnaies virtuelles, qui sont créées par des spécialistes informatiques, cette valeur légale fait entièrement défaut.”

En ce moment, il n’y a pas le moindre État ou la moindre autorité qui garantit la valeur des bitcoins achetés, ou qui puisse ne fût-ce que confirmer que vous possédez quelque chose

“En ce moment, il n’y a aucun État ou autorité qui garantit la valeur des bitcoins achetés, ou qui puisse ne fût-ce que confirmer que vous possédez quelque chose. En pratique, cela signifie notamment que vous ne pouvez vous adresser à personne si vous vous faites arnaquer lors du paiement d’un achat en bitcoins.”

Les monnaies virtuelles ont donc beau être considérées comme un moyen de paiement à part entière par de plus en plus de personnes, tant qu’aucune autorité ne reconnaîtra ni établira légalement qu’elles contiennent de la valeur, vous resterez très vulnérable au vol ou à l’escroquerie en tant que propriétaire et utilisateur.

“Les applications du bitcoin sont en outre très limitées. Le nombre certes croissant d’entreprises qui acceptent la monnaie virtuelle comme moyen de paiement reste faible. Pour les obligations civiques, comme le paiement des impôts, le bitcoin est inutile”, explique De Leus.

Bulle

Selon De Leus, les avantages d’un investissement en bitcoin sont donc très incertains et ils ne font pas le poids devant les éventuels inconvénients. Mais en dépit de toutes les mises en garde, la hype autour des monnaies virtuelles se poursuit inexorablement. Aux États-Unis, il est par exemple déjà possible de parier sur l’orientation du cours du bitcoin au moyen de contrats à terme. Beaucoup d’entreprises émettent également leur propre variante de monnaie virtuelle. Le danger d’une nouvelle bulle menace-t-il ? Et quelles seront les conséquences macroéconomiques en cas d’éclatement de cette bulle ?

Les ICO

De plus en plus de sociétés créent leur propre variante de monnaie numérique et les proposent lors de ce qu’on appelle des ICO (initial coin offerings). Ce terme est une variante de l’IPO (initial public offering) d’une société qui entre en bourse pour la première fois. De Leus explique la philosophie sur laquelle reposent les ICO.

“Imaginez par exemple qu’une société immobilière décide de créer une plateforme pour vendre des maisons sur base de la technologie blockchain. Pour en financer la conception, la société émet un token. À celui qui le possède, ce token donne accès à la plateforme de transaction. Si ce service, qui a pour effet de rendre la transaction d’une maison beaucoup plus souple et transparente, fonctionne, le prix du token augmentera. Si le service fait un flop, en tant qu’investisseur, votre ticket d’accès perd sa valeur.”

“En outre, ce token doit en général être acheté avec une monnaie virtuelle existante. Il s’agit souvent de l’ether. En tant qu’investisseur, vous êtes donc exposé tant au risque que le service en question ne fonctionne pas, qu’au risque de change de la monnaie virtuelle avec laquelle vous avez acheté le token.”

“En ce moment, beaucoup d’investisseurs sont persuadés que le bitcoin va évoluer en monnaie communément acceptée et décentralisée. Un tel scénario est irréaliste. Cela impliquerait que les banques centrales abandonnent leur monopole de création monétaire. En même temps, l’ensemble de la politique monétaire serait entièrement déstabilisée.”

“Il n’est pas seulement hautement improbable, mais également non souhaitable que les banques centrales laissent les choses aller aussi loin: on ne peut pas confier les tâches assurées par la Banque Centrale européenne ou la Federal Reserve à une communauté d’informaticiens.”

En ce moment, beaucoup d’investisseurs sont persuadés que le bitcoin va évoluer en monnaie communément acceptée et décentralisée. Un tel scénario est irréaliste

“Quand les investisseurs encore enthousiastes aujourd’hui se rendront compte que le bitcoin ne provoquera pas de révolution immédiate dans le monde financier et n’évinceront pas les monnaies traditionnelles, la bulle éclatera. Cela touchera bien sûr d’abord les gens qui ont acheté des bitcoins en dernier lieu. Et en conséquence de leurs pertes, ils feront davantage attention à leurs dépenses et ils consommeront moins. Il y aura donc probablement un effet indirect. Tant que ce groupe d’investisseurs reste relativement limité, les conséquences macroéconomiques seront également négligeables.”

“Tout comme pour d’autres bulles, cela deviendrait bien sûr une tout autre histoire si le nombre d’investisseurs en monnaies virtuelles continuait à augmenter. Cela deviendra surtout dangereux si des particuliers ou des sociétés d’investissement commencent à ouvrir des crédits pour acheter des bitcoins. En cas de chute de cours du bitcoin, les investisseurs qui ne pourront pas rembourser leur crédit risqueront alors de contaminer les bilans des banques, avec en conséquence, un plus grand impact macroéconomique. On n’en est heureusement pas encore aussi loin, mais sur les marchés financiers, cela peut parfois aller vite.”

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