L’amende pour infraction routière de 6,2 millions n’était pas une erreur
L’amende monstre de 6.2 millions n’était pas un faux. Et le contrevenant n’est pas un inconnu en Flandre. Il était actif dans le monde de la F1 et avait déjà fait la une des médias. Retour sur une histoire ubuesque qui ne manque pas d’une certaine ironie.
6.238.607 euros. C’est le montant monstre qu’un conducteur doit payer suite à un simple contrôle routier en Belgique. Le montant affiché en scannant la plaque d’immatriculation dans le système semblait même tellement hallucinant que les autorités compétentes ont dû vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une erreur administrative. Une chose pas totalement improbable lorsqu’on sait que certaines données sont encore introduites à la main. Ainsi, il y a quelques mois, un conducteur avait déjà écopé, à tort, d’une amende d’un milliard. On avait inscrit la date à la place du montant.
Hélas, pour le conducteur – un certain Jean-Paul N (81 ans) – une telle erreur n’était pas de mise dans l’affaire qui le concerne. Il n’avait certes pas commis à ce moment là d’infraction, mais il écope tout de même de ce qui est, à peu de chose près, tout simplement la plus grosse amende en Belgique.
Que les distraits ne s’inquiètent pas trop pour autant. Il ne s’agit pas ici d’une accumulation d’amendes impayées, mais d’une saisie. Cela fait en effet quelques années maintenant que le SPF Justice et le SPF Finances collaborent étroitement pour percevoir les amendes. Ainsi le SPF Justice transmet tous les montants impayés au SPF Finances pour que les autorités policières aient une vue d’ensemble. Celui qui figure en tant que mauvais payeur dans la base de données de Finances risque donc d’être arrêté lors d’un contrôle mobile. La dette impayée doit alors être payée immédiatement sur place. Si ce n’est pas le cas, la voiture reste immobilisée.
Il y a actuellement encore près de 34 millions d’euros (34.9) d’amendes impayées. Cela peut sembler beaucoup, mais le taux de recouvrement atteint tout de même 94% (soit seuls 6% des amendes restent impayées). Environ 193 500 mauvais payeurs sont répertoriés avec, en moyenne, une dette d’environ 175 euros.
Cette dette reprend aussi les confiscations spéciales émises lors de jugements. La confiscation spéciale sert à empêcher les délinquants de profiter des infractions qu’ils commettent et permet aussi de récupérer des biens acquis de façon criminelle. S’il s’agit d’une peine accessoire, c’est-à-dire qu’elle s’ajoute à une autre peine, elle peut être conséquente.
Une affaire florissante dans le monde de la F1
Le montant astronomique de 6.238.607 euros s’explique donc surtout par un jugement rendu en 2016 pour une affaire de fraude s’élevant à plusieurs millions. L’homme n’est en effet pas un inconnu en Flandre. Il était à la tête de Publi Belgium, une boîte publicitaire spécialisée dans les publicités en Formule 1. C’était cette entreprise qui livrait les panneaux publicitaires que l’on voyait les longs des circuits. Une affaire particulièrement florissante puisque la firme recevait 220 000 euros de recettes publicitaires par Grand Prix. Une belle histoire entrepreneuriale qui va prendre fin en 2012, lorsque sort une affaire de fraude et de blanchiment d’argent à grande échelle. Jean-Paul et son comptable auraient sérieusement piqué dans la caisse. Basée sur un vaste système de société à l’étranger, la fraude s’élèverait à pas moins de 50 millions d’euros. Des revenus qui auraient été investis dans des assurances-vie, des biens immobiliers au Luxembourg, en Namibie et en Turquie.
Lors du procès en 2016, Jean-Paul sera condamné à quatre ans d’emprisonnement et à une amende de 60 000 euros. À cela s’ajoutera une confiscation spéciale de plus de 6,2 millions d’euros. Soit le montant qui correspond à l’amende routière.
L’ancien comptable de Publi Belgium a également écopé d’une interdiction d’exercer pendant dix ans. La femme et les enfants de Jean-Paul seront aussi poursuivis et écoperont respectivement de peines de prison respectives de douze et dix-huit mois. Publi Belgium est toujours active aujourd’hui, mais aucun des membres de la famille n’a plus de participation dans l’entreprise.
Ce qui signifie aussi que malgré la confiscation spéciale, le Trésor n’a huit ans plus tard toujours presque rien reçu de Jean-Paul. Pourtant le SPF Finances dispose d’un arsenal de moyens pour recouvrer la somme. Il peut faire des saisies sur salaire ou sur les avoirs locatifs ou bancaires, ou encore faire appel à des huissiers de justice. Sauf que les criminels en col blanc savent mieux que d’autres comment se protéger… ou officiellement s’appauvrir. Par exemple en cachant leurs biens à l’étranger. Une habilité qui rend toute récupération beaucoup plus complexe. Rien que l’année dernière, les juges ont déclaré la confiscation de pas moins de 518 millions d’euros dans 8 885 dossiers. Il s’agit notamment de cas de fraude fiscale, de blanchiment d’argent, d’escroquerie, de fraude et de faillites frauduleuses, mais aussi de trafic de drogue. Or seulement 85 millions ont été récupérés jusqu’à présent. L’année précédente, les juges avaient imposé des amendes pénales pour un montant de 360 millions d’euros. Seulement 118 millions d’euros ont fait l’objet d’un recouvrement.
En attendant, Jean-Paul a 30 jours pour régler son amende. S’il ne le fait pas, sa voiture sera saisie. Les petits cours d’eau font les grandes rivières, n’est-ce pas ?
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