La Turquie fait trembler les Bourses
Le plongeon de livre turque a déplacé le sujet d’inquiétude numéro un des marchés du conflit commercial sino-américain à la Turquie. Panorama des investissements les plus exposés au pays dirigé d’une main de fer par Erdogan.
La livre turque a vu sa déroute s’accélérer ces derniers jours, la banque centrale turque ne parvenant plus à endiguer le flux de vente. La TRY a ainsi perdu plus de la moitié de sa valeur depuis septembre à plus de 7 pour un dollar. La panique s’est emparée de l’ensemble des marchés financiers en Turquie. Le taux de référence à 10 ans s’est envolé jusqu’à 22% alors que les autorités monétaires ne sont pas parvenues à endiguer l’inflation (15,85% en juillet). Les actions turques sont revenues à leur niveau de mars 2009 (en dollars).
Le secteur bancaire
Les valeurs bancaires ont été rapidement sanctionnées, d’autant plus après la publication d’un article du Financial Times selon lequel la Banque centrale européenne est préoccupée par l’exposition aux marchés turcs de certaines banques. BBVA, Unicredit et BNP Paribas seraient tout particulièrement concernés. La deuxième banque espagnole a réalisé 14% de son profit du 1er semestre en Turquie selon les analystes de Jefferies. La dépendance d’Unicredit à la Turquie est un peu plus faible (9%) mais les analystes de Goldman Sachs estiment que sa filiale locale (Yapi Kredi) est particulièrement vulnérable. BNP Paribas détient pour sa part 72% de Türk Ekonomi Bankasi (TEB), une des principales banques privées du pays.
Les marchés émergents
La chute de livre turque constitue un douloureux rappel pour l’ensemble des pays émergents. Le peso mexicain, le real brésilien ou le rand sud-africain ont ainsi chuté dans le sillage de la monnaie turque. Les investisseurs se montraient déjà plus prudents ces derniers mois envers les pays émergents en raison de la remontée des taux par la Réserve fédérale américaine et des conflits commerciaux attisés par Washington. Des tensions politiques locales et des pressions inflationnistes, potentiellement accentuées par une dépréciation de la monnaie, ont renforcé les craintes de répétition du scénario turc.
Les voyagistes
Dans un premier temps, la chute de la livre turque est plutôt favorable à TUI et Thomas Cook, rendant les séjours sur place moins chers. Neil Wilson de markets.com souligne toutefois qu’un effondrement de la monnaie et de l’économie locales auraient un impact bien plus négatif en raison de la volatilité des changes, du moindre intérêt des touristes. TUI indiquait d’ailleurs déjà la semaine dernière que la Turquie pèserait sur ses résultats annuels. Plus petit acteur, le spécialiste du catering Do & Co est encore plus dépendant à la Turquie, y réalisant un tiers de son chiffre d’affaires.
Le secteur du transport
DFDS a bouclé en juin le rachat d’UN Ro-Ro, leader turc du fret maritime entre la Turquie et l’Europe, pour 1,2 milliard de dollars. L’opération n’aurait pas pu connaître pire timing. Le gouvernement français doit également trouver que la crise turque arrive au moment. Il a en effet lancé le processus de privatisation d’Aéroport de Paris (ADP) qui détient 46% de TAV Airports, exploitant de l’aéroport international Ataturk d’Istanbul et 4 autres complexes en Turquie.
Deceuninck
Le géant européen des châssis en PVC est actif depuis longtemps en Turquie, le 2e marché en importance en Europe. Deceuninck ne publie pas de chiffres spécifiques pour la Turquie mais le pays, où il est leader depuis le rachat de Pimas en 2014, est clairement le plus important de la zone “Turquie et pays émergents”. Cette dernière représentait en 2017 pas moins de 32% de son chiffre d’affaires et 49% de son excédent brut d’exploitation.
Balta
Toujours dans le domaine de la construction, Balta est également très actif en Turquie. Le leader européen des moquettes et tapis y compte 2 de ses 5 sites de production de carpettes et un centre de distribution. Cette importante production en Turquie peut être un atout, la chute de la livre turque améliorant la compétitivité de la production locale. Mais il s’agit d’une arme à double tranchant si elle dérive comme actuellement, renchérissant le coût des matières premières, les coûts financiers (assurance-crédit), plombe l’économie locale et s’inscrit dans un contexte international plus protectionniste. Donald Trump a ainsi d’ores et déjà doublé les droits de douane sur l’acier et l’aluminium turcs.
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