Investissement éthique et durable: quels sont les opportunités et les pièges à éviter?
Épargnant ou investisseur, vous ne voulez plus que votre argent soit placé dans des secteurs controversés ? Et vous souhaitez même aller un pas plus loin en finançant des projets durables ? Voici un aperçu des opportunités à saisir et des pièges à éviter.
Les possibilités de faire une différence sociale avec votre argent dépendent en premier lieu du temps et de l’énergie que vous voulez y consacrer. Pour les personnes qui ne sont intéressées que par un compte d’épargne durable, les options sont limitées dans notre pays. “Celui qui confie ses économies à Triodos Bank peut dormir sur ses deux oreilles. vdk bank et Van Lanschot proposent également un compte d’épargne durable à part entière, mais il faut en faire explicitement le choix”, déclare Sebastien Mortier, chercheur chez FairFin, l’asbl qui contrôle la durabilité du secteur financier.
À l’exception de Triodos, vdk et Van Lanschot, aucune banque en Belgique ne propose aux épargnants une alternative vraiment durable
À l’exception de ces trois banques, aucune en Belgique ne propose aux épargnants une alternative vraiment durable. De plus, les banques peuvent investir l’argent des dépôts d’épargne dans quasi tous les types de sociétés ou de secteurs. En d’autres termes, l’épargne durable a encore du chemin à parcourir dans notre pays. Et, selon FairFin, c’est le cas aussi de l’épargne-pension. Sur la base d’un examen récent de l’offre, l’asbl a retenu trois initiatives “relativement durables”.
Pour les investisseurs, l’éventail des possibilités semble à première vue nettement plus vaste. Mais le risque de greenwashing augmente aussi avec l’offre. Ce terme désigne l’utilisation abusive ou mensongère de l’argument durable pour promouvoir un produit. Comment percer à jour les slogans publicitaires ? Voici un aperçu des choses à faire et à ne pas faire à l’aide de six questions fréquemment posées.
Ma banque s’engage-t-elle dans une politique d’investissement durable (fiable) ? Et comment m’en assurer ?
Une déclaration d’intention ou une description de la méthode de sélection appliquée par une banque dans le cadre de ses placements durables constitue un minimum. Par ailleurs, la valeur d’une politique d’investissement dépend bien entendu de sa mise en oeuvre effective. Lorsqu’une banque prétend par exemple exclure du champ de ses investissements certain·e·s secteurs ou entreprises, elle ne sera crédible que si elle publie aussi une liste de noms concrets dans lesquels elle compte investir ou non. Actuellement, seules Triodos et KBC l’ont fait en Belgique. Ces banques disposent respectivement d’un univers d’investissement bien défini et d’une liste d’exclusion publique.
Il est possible que votre banque adopte une approche best-in-class et investisse par exemple dans les acteurs “les moins polluants” d’un secteur donné. Pour défendre cette méthode, il est souvent allégué qu’un secteur est incité à fournir davantage d’efforts.
Demandez explicitement à votre banquier ou gestionnaire de patrimoine pourquoi le placement qu’il vous propose est qualifié de “durable
Un argument similaire est avancé dans le cadre de l’actionnariat actif, qui permet aux actionnaires d’établir un dialogue avec la direction tout en insistant sur la durabilité. Pour en évaluer la crédibilité, il est important que cette démarche s’accompagne d’une communication transparente sur les objectifs et les délais fixés, avec des conséquences pour les entreprises qui ne respectent pas les dates butoirs.
Pour de nombreuses personnes, il n’est évidemment pas toujours simple de vérifier dans quelle mesure une banque met en place sa politique. Les amateurs du genre se plongeront dans les rapports annuels, tandis que les autres pourront envisager des initiatives plus accessibles comme le Scan des banques. Avec cet outil, FairFin attribue des scores aux banques sur le plan de la durabilité. À cet effet, l’asbl se base sur leur politique d’investissement publique et examine leur implication réelle.
Quelles sont les caractéristiques d’un produit financier soupçonné d’écoblanchiment ?
Cela dépend largement des critères appliqués par les investisseurs eux-mêmes. Pour certains, il est impossible de parler de placement durable en cas d’investissement dans une exploitation minière ou des carburants fossiles. D’autres croient en la récompense d’une “bonne conduite” par l’approche best-in-class.
En général, la transparence est le mot-clé : une communication claire sur la politique d’investissement est-elle en place ? Demandez explicitement à votre banquier ou gestionnaire de patrimoine pourquoi le placement qu’il vous propose est qualifié de “durable”.
En outre, plus le montage est compliqué, plus il est difficile à contrôler. Ceux qui investissent dans un fonds composé d’actions d’entreprises ou d’autres fonds qui effectuent des placements à leur tour disposent bien entendu d’une visibilité moindre sur la destination finale de leur argent.
Existe-t-il des labels qui certifient les investissements durables ?
À l’instar des biens de consommation, il existe de nombreux labels de durabilité pour les produits financiers. Les uns étant plus fiables ou ambitieux que les autres. C’est pourquoi nous avons posé la question à FairFin et Triodos.
“Triodos fait notamment confiance à la certification Nordic Swan, qui couvre aussi des produits non financiers. Un atout considérable de ce label est sa notoriété en Scandinavie par exemple”, répond Erik Breen, directeur SRI de Triodos Investment Management. “Plus un label bénéficie d’une reconnaissance, plus il est contrôlé.”
La fiabilité d’une certification dépend aussi, selon Sebastien Mortier, du niveau d’exigence de l’investisseur en termes de durabilité. “Febelfin, la fédération belge qui chapeaute le secteur bancaire, a lancé un label. Mais nous estimons que cette initiative manque encore d’ambition : d’après nous, ce label de durabilité n’exclut pas suffisamment les investissements dans les carburants fossiles. Nous sommes davantage convaincus par Ethibel. Enfin, l’Écolabel européen est en préparation. Déjà attribué à des produits de consommation, il se concentrerait dans un premier temps surtout sur l’impact environnemental d’un placement.”
Le rendement des placements durables est-il plus faible que celui d’autres investissements ?
On ne sait pas très bien d’où vient l’idée selon laquelle les placements durables rapporteraient moins. Il n’existe en tout cas aucune indication qui le prouve. L’examen des investissements possibles s’ajoute en effet à l’analyse financière, il ne la remplace pas.
Par ailleurs, de nombreuses études scientifiques suggèrent que les placements durables génèrent au moins autant de rendement à long terme, comme en témoigne l’étude menée par Gunnar Friede, Timo Busch et Alexander Bassen. Ceux-ci ont rassemblé les résultats de plus de 2.000 études universitaires qui examinaient la relation entre les investissements durables et le rendement. Sur cette base, ils sont arrivés à la conclusion que “dans la grande majorité des cas”, il existe un lien positif entre le caractère durable d’un investissement et sa performance financière.
Quels sont les secteurs à recommander ou à déconseiller pour un placement durable ?
Selon Erik Breen, tous les placements à impact social qui tiennent compte des Objectifs de développement durable des Nations Unies sont potentiellement porteurs. “Le changement climatique à lui seul pousse notre société à opérer une transition. Les thèmes dans lesquels nous investissons, comme l’alimentation et l’agriculture durables, l’économie circulaire ou les matières premières renouvelables, ne feront que gagner en importance dans le futur. Je perçois beaucoup de potentiel dans la mobilité durable, comme les investissements dans les voitures autonomes. Finalement, un nouveau modèle de marché, comme l’autopartage, peut véritablement répondre à la mobilité durable, avec le confort et la facilité d’aujourd’hui mais sans la possession d’une voiture.”
“À ceux qui veulent réaliser un investissement durable, je déconseille les placements passifs ou indiciels. Ici le rendement dépend d’un ensemble de sociétés, qui sont généralement sélectionnées de manière historique sans tenir compte de critères de durabilité.”
Et Sebastien Mortier de souligner que chaque secteur compte des entreprises qui tiennent plus ou moins compte des critères durables. “En tant qu’investisseur, vous pouvez vous montrer critique envers ce que l’on cherche à promouvoir comme une innovation durable. Si les voitures électriques constituent une solution aux émissions de CO2 trop élevées, leurs batteries exigent aussi l’extraction de matières premières. Bon nombre des plus grandes exploitations minières ont une réputation préoccupante en termes de conditions de travail ou d’impact sur l’environnement. Au Brésil, la récente rupture d’un barrage a ravivé la polémique sur la sécurité des complexes miniers.”
Bon nombre des plus grandes exploitations minières ont une réputation préoccupante en termes de conditions de travail ou d’impact sur l’environnement – Sebastien Mortier, FairFin asbl
Enfin, il est utile de savoir que de nombreuses sociétés se diversifient. Alors qu’elles sont connues auprès du grand public pour leur activité principale innocente, elles ont également des sources de revenus moins reluisantes. Ainsi, le constructeur d’avions Boeing se trouve sur la liste d’exclusion du Fonds de pension norvégien pour son implication dans la production d’armes nucléaires.
Quelles sont les alternatives aux placements dans des actions d’entreprises (cotées en Bourse) ?
La Belgique est l’un des rares pays à avoir déjà émis des obligations d’État vertes. Vous pouvez aussi placer votre argent dans une coopérative. Mais bien que cette dernière option soit souvent associée à l’entrepreneuriat et au placement socialement responsables, ce n’est pas toujours le cas. Pour séparer, ici aussi, le bon grain de l’ivraie, FairFin et son pendant francophone Financité ont développé un label de durabilité.
Traduction : virginie·dupont·sprl
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