Si “il n’y a pas d’anomalie belge dans l’évolution des prix”, ceux-ci sont plus élevés en Belgique
L’inflation des produits alimentaires suit la même tendance en Belgique que dans les pays voisins, constate le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne après avoir suivi l’évolution pendant plusieurs mois. Certes, mais les prix sont plus élevés en Belgique et de plus en plus de personnes vont faire leurs courses à l’étranger. Et les choses ne semblent pas près de changer.
La conclusion du ministre fédéral de l’Économie après avoir suivi les prix des denrées alimentaires pendant les mois de l’été : “Il n’y a pas d’anomalie belge dans l’évolution des prix”. Ou comment répondre à une question que personne n’a posée.
Deux fois par mois (une première fois pour une estimation puis une deuxième fois pour une confirmation) Eurostat, l’agence des statistiques de l’Union européenne, publie les chiffres – harmonisés – de l’inflation de la zone euro. On sait donc que l’inflation des denrées alimentaires suit le même parcours dans tous les pays européens, plus ou moins. Ils sont tous impactés par les mêmes problèmes : énergie, guerre en Ukraine, catastrophes climatiques, hausse des coûts, etc. (et les effets peuvent mettre plusieurs mois avant d’être sensibles dans les rayons des magasins). Cette flambée a largement été commentée par de nombreux experts ces derniers mois. Bref, la réponse à cette question était déjà devant nos yeux depuis de nombreux mois.
Pour mémoire, Dermagne s’est appuyé sur un “monitoring mensuel du prix des denrées alimentaires”, activé mi-juillet. Il critiquait alors le fait que malgré la baisse des pris des matières premières et de l’énergie à échelle mondiale, les prix dans les magasins continuaient à augmenter. Mais aujourd’hui il constate que “les entreprises rognent sur leurs marges (pour suivre la hausse automatique des salaires, NDLR) plutôt que de créer une inflation par les marges et les profits, comme cela a pu être constaté dans d’autres pays.”
Les Belges font leurs courses à l’étranger
Ainsi, la question qu’il fallait se poser est plutôt celle-ci : “Pourquoi les prix sont-ils plus élevés en Belgique ?” On le sait, de nombreux Belges font leurs courses à l’étranger, et notamment en France. Ce mardi, le même jour que la conclusion du ministre de l’Économie, trois personnes témoignent dans Le Soir, faisant état d’économies d’ordre de 200 à 250 euros par mois, d’une différence de 50% sur des produits à lessiver, d’une différence totale de 30% sur le ticket de caisse pour les mêmes produits, ou d’une différence “spectaculaire” pour les produits laitiers.
C’est vrai aussi pour d’autres pays voisins. L’Allemagne est le prix du hard discount. Au Luxembourg, malgré un salaire médian qui est le double de ce qu’il est en Belgique, on peut aussi trouver de nombreux produits moins chers qu’en Belgique : pâtes, produits d’hygiène, café… Aux Pays-Bas, le rayon épicerie et alimentation sèche est aussi moins cher qu’en Belgique (mais c’est l’inverse pour d’autres rayons).
Comment expliquer cette différence, et pourrait-on y remédier ?
En France, les salaires sont un peu moins élevés qu’en Belgique – les prix dans les magasins sont donc logiquement plus bas. Mais la différence dans les rayons devrait davantage se creuser : la semaine dernière, Paris a bloqué les prix de 5.000 produits.
Au Luxembourg, la TVA est plus basse que dans notre pays. Avec l’inflation, le gouvernement y a d’ailleurs temporairement réduit la TVA (jusque fin 2023). En réduisant la TVA, le gouvernement fédéral pourrait par exemple intervenir sur les prix des denrées alimentaires. Dans son projet de réforme fiscale, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem voulait d’ailleurs baisser certaines catégories de la TVA (et en augmenter d’autres). Mais l’échec de cette réforme ne laisse que difficilement imaginer qu’un nouvel effort serait encore possible. Et au vu de l’état des finances publiques (dette et déficit), une baisse de la TVA à la luxembourgeoise ou à l’ibérique (Espagne et Portugal ont même réduit à zéro le taux pour certains biens alimentaires, le temps de la crise), en un claquement de doigts, serait impossible.
L’autre frein par rapport à une baisse des prix est la hausse des salaires, en Belgique, via l’indexation automatique. Tandis que les prix de certaines matières premières alimentaires et de l’énergie baissent, d’autres coûts augmentent donc, ne laissant pas toujours la liberté aux entreprises de baisser leurs prix. La preuve : entre hausse des prix de vente et hausse des coûts, les entreprises belges n’ont, pour la plupart d’entre elles, pas pu augmenter leurs marges, selon une récente étude de la Banque nationale.
Voilà pourquoi les prix sont élevés en Belgique, et pourquoi il semble difficile d’y changer quelque chose (sans réformes structurelles de la fiscalité ou autres).
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