Héritage: peut-on donner son argent à qui l’on veut ?
Est-il possible de léguer son argent à qui l’on veut et peut-on hériter de tout le monde ? La réponse est plus subtile qu’on ne le pense.
On peut, en théorie, faire de n’importe qui son héritier, et il est possible d’hériter de tout le monde. La loi a tout de même introduit certaines limites.
La première est ce qu’on appelle la “réserve”. Soit une part minimale d’héritage réservé aux héritiers réservataires (enfants, conjoint survivant,…). Elle est intouchable et concerne généralement la moitié des biens.
Certaines professions sont interdites
Ensuite, pour limiter les abus de faiblesses et protéger les personnes vulnérables contre des manipulations potentielles, il existe une interdiction de dons et legs à certaines professions. C’est ce qu’on appelle l’incapacité de recevoir des libéralités, selon l’article 909 du Code civil. Par libéralités, on entend le transfert au profit d’un(e) autre, un droit ou un bien dépendant de son patrimoine.
Ainsi les professionnels de santé ne peuvent pas être bénéficiaires des donations ou legs des personnes qu’ils assistent. Concrètement les médecins, infirmiers, pharmaciens, kiné, psychologues ou autres professionnels qui ont pris soin du testateur en fin de vie ne peuvent pas être désignés comme bénéficiaires. Deux conditions doivent cependant être remplies pour que cette interdiction s’applique : ils doivent avoir traité le malade de manière continue et le traitement doit avoir eu lieu pendant la dernière maladie du patient.
Les gestionnaires et le personnel des maisons de repos ne peuvent pas plus hériter ou recevoir une donation de personne qu’ils hébergent. Il en va de même pour le prêtre. On retrouve aussi dans cette catégorie les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, ou encore le tuteur ou le curateur. Ce dernier au travers de sa fonction de gestionnaire de patrimoine pourrait, s’il était mal intentionné, s’auto-désigner comme bénéficiaire d’une donation, ou d’un legs.
Il y a cependant trois exceptions à ces incapacités de recevoir. Sont considérées comme valables les libéralités :
- destinées essentiellement à tenir lieu d’honoraires, si elles ont été consenties à titre particulier et si elles sont proportionnelles à la fortune du disposant et aux services rendus.
- à des parents jusqu’au quatrième degré, sauf si des héritiers en ligne directe existent.
- en faveur du conjoint, du cohabitant légal ou de la personne vivant maritalement avec le disposant.
Pour certaines fonctions, il y a aussi des interdictions d’ordre éthiques et clairement indiquées dans le règlement de travail. C’est par exemple le cas pour le personnel de certaines banques. Si cela n’est pas punissable par la loi, accepter l’héritage est alors considéré comme une faute grave et signifierait la fin de son contrat de travail.
Enfin, les aidants non professionnels et bénévoles peuvent être bénéficiaires dans un testament, car ces personnes ne sont pas soumises aux mêmes restrictions que les professionnels de santé.
Un testament clair et précis
Les notaires jouent un rôle essentiel pour s’assurer que ces limitations soient respectées. Néanmoins, légalement, vous n’êtes pas obligé de faire appel à un notaire pour rédiger votre testament. En cas de libéralités non encadrées par un notaire, comme les testaments olographes (un testament fait soi-même et écrit à la main), le risque qu’il soit contesté est plus grand.
Dans tous les cas, il faut veiller à désigner précisément un héritier. Un légataire trop flou comme « pour aider les enfants du monde » ou « les deux caissières du supermarché » ne sera probablement pas pris en compte.
En cas de doute, il est toujours possible de contester un héritage notamment grâce à ce qu’on appelle la sanction de l’abus de faiblesse. Un notaire seul ne peut contester un legs. Une action en justice est nécessaire si l’on souhaite faire annuler les legs non conformes. En cas de mauvaise foi avérée du bénéficiaire, l’annulation décidée par la justice pourra être accompagnée de l’obligation à verser des dommages-intérêts significatifs aux héritiers qui ont failli être lésés.
Que se passe-t-il si je n’ai pas d’héritier et que je ne fais pas de testament ?
Si vous n’avez ni époux (ou cohabitant légal), ni enfants ou petits-enfants, ce sont vos parents qui héritent. Soit vos frères et/ou sœurs, suivis de vos neveux, nièces et membres plus éloignés de votre famille. En l’absence de testament, la loi prévoit la répartition de l’héritage selon les principes de la “dévolution légale de la succession”, soit en fonction de la ligne d’héritiers (ascendante (parents, grands-parents) et descendante (enfants, petits-enfants)), mais aussi l’ordre des héritiers (les enfants avant parents), du degré de parenté (enfants avant frères et sœurs), la substitution (le remplacement d’un héritier décédé par ses propres descendants) et ce qu’on appelle la « fente ». Soit une division de la succession entre les deux côtés de la famille (paternelle et maternelle).
Pour les successions vacantes, soit lorsqu’aucun héritier ne se manifeste, le Bureau des Successions en déshérence intervient pour en chercher un. Si lui ne trouve personne, l’État peut demander la possession définitive de la succession. En gros, l’argent et les biens de l’héritage finiront in fine dans les poches de l’état.
À qui donner si l’on n’a personne ?
Si vous ne souhaitez éviter cela, vous pouvez donc vous choisir un héritier en une personne physique. Et cela peut être le jardinier si le cœur vous en dit. Attention cependant, les droits de succession augmentent en fonction de la somme, de la région et de la somme léguée. Cela peut aller jusqu’à 80% pour les montants de plus de 75.000 euros sans lien de parenté en Wallonie ( à partir de 175.000 à Bruxelles). En Flandres, c’est maximum 55%.
Une autre option est de faire des donations par testaments à certaines institutions (communes, province, institutions publiques, intercommunales,…), des associations sans but lucratif, les mutualités, les unions professionnelles et aux associations internationales sans but lucratif, aux fondations privées et aux fondations d’utilité publique. Si les taux varient en fonctions des régions et des montants, les taux d’imposition sont bien moindres que pour les personnes physiques. Par exemple c’est 7% pour les ASBL à Bruxelles et en Wallonie.
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