Soyez un investisseur intelligent en 2025

Sorti il y a trois quarts de siècle, “L’Investisseur intelligent” de Benjamin Graham demeure LA référence en matière d’ouvrages financiers. Et il regorge toujours de précieux conseils dans l’environnement de marchés actuel.

Considéré comme “le meilleur livre sur l’investissement jamais écrit” par Warren Buffett, The Intelligent Investor a atterri pour la première fois sur les étals des librairies en 1949. Son auteur, Benjamin Graham, l’a ensuite actualisé à plusieurs reprises jusqu’à sa version finale publiée en 1973, quelques années avant son décès.
Le livre a ensuite été réédité en 2003 avec les commentaires et actualisations de Jason Zweig, journaliste financier américain.
Enfin, pour fêter le 75e anniversaire de cette bible des investisseurs, HarperCollins a sorti fin octobre une nouvelle version annotée par Jason Zweig. Précisons que cette dernière n’est pas encore traduite.
Histoire des marchés
La lecture de L’Investisseur intelligent ressemble à un grand plongeon dans le passé des marchés boursiers, allant des débuts professionnels de Benjamin Graham sur Wall Street en 1914 au “krach salami” de 2000 à 2003.
Nombre de références semblent ainsi un peu datées comme un indice Dow Jones à 900 points – contre plus de 44.000 aujourd’hui –, IBM cité en exemple de valeur de croissance – une denrée devenue rare depuis 2011 chez “Big Blue” –, le recours à un indice S&P 425 qui a disparu des tablettes boursières ou encore les fameuses obligations de compagnies de chemin de fer. Dont la Chicago, Milwaukee, St Paul and Pacific Railroad, un nom résumant à lui seul l’épopée du rail américain.
Mais les grands enseignements décrits par Benjamin Graham demeurent pleinement d’actualité.
Sentiments et investissements
L’Investisseur intelligent est avant tout un précurseur de la finance comportementale. Même s’il n’était pas encore question explicitement de biais cognitifs, c’est bien de cela dont il s’agit. Il épingle notamment “la nature humaine qui est à l’origine des excès boursiers faits de bulles et de krachs”.
Il observe également que “si tout le monde sait qu’il faut acheter bon marché et vendre cher, en réalité c’est souvent l’inverse qui se produit”. Son credo est ainsi de s’écarter des effets de mode.
L’ouvrage de Benjamin Graham est avant tout un précurseur de la finance comportementale.
Illustrant ces propos, Jason Zweig a repris des sondages réalisés par Gallup auprès d’investisseurs. Début 2000, au sommet de la bulle boursière, ils anticipaient en moyenne une hausse de 18% par an de leur portefeuille. En 2002, ils n’escomptaient plus que 7% par an, alors qu’ils pouvaient acheter à des cours 50% inférieurs.
Timing inutile
Dans un monde idéal, l’investisseur devrait donc acheter des actions au plancher et les vendre au sommet. Mais comme le précise Benjamin Graham, “il est pratiquement impossible de faire des prédictions valables sur les prix des actions”, même pour les experts financiers.
Dans le New York Times du 7 janvier 1973, Alan Greenspan déclarait : “on ne peut pas être plus optimiste qu’aujourd’hui”. Le futur président emblématique de la Réserve fédéral américaine ne pouvait être plus à côté de la plaque, les années 1973 et 1974 s’étant avérées être les pires de la deuxième moitié du 20e siècle en matière de croissance économique et de performance boursière.
Investisseur actif
Un des axes du livre est de distinguer l’investisseur actif du passif. Pour Benjamin Graham, investir activement pour faire mieux que la moyenne du marché ne s’improvise pas. “L’investisseur actif doit avoir une maîtrise suffisante de l’évaluation financière pour exercer cette activité en professionnel. Il n’est pas possible d’être à mi-chemin entre le profil de l’investisseur actif et celui de l’investisseur passif.”
La plupart d’entre nous devrait ainsi se ranger dans la catégorie des investisseurs passifs. Au début des années 1970, les fonds indiciels n’existaient pas encore, le premier ayant été lancé en 1976. Mais nul doute que Benjamin Graham se rangerait derrière son disciple, Warren Buffett, pour recommander un ETF sur l’indice américain S&P 500. À moins d’y ajouter une touche globale en ciblant plutôt un fonds indiciel sur le MSCI World.
L’investisseur actif doit pour sa part s’appuyer sur de solides évaluations financières pour déterminer la valeur intrinsèque de chaque titre. Il préconise ensuite trois types de stratégies d’investissement :
- les grandes capitalisations délaissées,
- les bonnes affaires (quand la valeur intrinsèque dépasse le cours de plus de 50%) et
- les situations spéciales (obligations d’entreprises en redressement judiciaire, actions de cibles de fusions et acquisitions).
À noter que la deuxième partie du livre est consacrée à l’analyse financière pour les néophytes. Celle-ci reprend nombre d’exemples concrets.
Portefeuille équilibré
En matière de stratégie de portefeuille, Benjamin Graham adopte une approche relativement simple, une répartition à parts égales entre actions et obligations. L’investisseur passif a tout intérêt à maintenir ce niveau en rééquilibrant régulièrement son portefeuille, par exemple si le poids des actions a augmenté en raison de solides performances boursières.
L’investisseur actif peut davantage modifier les grands équilibres du portefeuille. Quand les actions sont chères par rapport aux obligations, il peut ainsi être indiqué de réduire leur poids jusqu’à 25%. A contrario, quand les cours des actions ont chuté, leur pondération peut être relevée jusqu’à 75% maximum.
Les obligations (et assimilés comme les comptes d’épargne) constituent ainsi toujours un pilier important de tout portefeuille de l’investisseur intelligent. Une partie de l’ouvrage est d’ailleurs dédiée à la sélection des obligations pour laquelle il préconise la prudence. Il se montre notamment méfiant par rapport aux obligations à haut rendement, estimant stupide de risquer une perte en capital pour un surcroît de rendement de 1% ou 2%.
Les interdits
Benjamin Graham a également établi une liste d’exclusions, tout particulièrement pour les investisseurs passifs :
- les obligations étrangères (à une période où les marchés internationaux étaient moins développés),
- les actions de préférence et les actions de second ordre qui englobent les petites capitalisations et
- les introductions en Bourse.
Benjamin Graham se méfie en effet grandement des nouveaux venus sur les marchés, en raison surtout de l’effet de mode qui gonfle la valorisation à des niveaux trop élevés.
Par ailleurs, il insiste aussi sur l’indispensable distinction à faire entre spéculer et investir. Il proscrit l’utilisation de comptes sur marge et plus largement tout placement qui n’est pas réalisé après une analyse approfondie des fondamentaux. Si vous appréciez le côté grisant de la spéculation, de parier sur un événement ou le destin à court terme d’une entreprise, n’utilisez “qu’une fraction de votre capital (la plus petite possible)”.
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