SIR : la consolidation s’accélère, les investisseurs reviennent

© Illustration réalisée par une intelligence artificielle (Midjourney ®) - crédit : Roularta Media Group

Après trois années de crise, les sociétés immobilières réglementées (SIR) retrouvent les faveurs des investisseurs. Entre consolidation, baisse des taux et stabilisation des prix, des opportunités se dessinent.

Après les acquisitions de Befimmo et d’Intervest O&W, ainsi que la fusion de Vastned Belgium avec sa maison mère Vastned Retail, le mouvement de consolidation dans le secteur immobilier belge se poursuit. Dernier épisode en date : la proposition de fusion entre Cofinimmo et Aedifica, deux acteurs majeurs du marché.

L’annonce a été globalement bien accueillie par les marchés et par les analystes. Le conseil d’administration de Cofinimmo s’est montré plus réservé, estimant la proposition d’Aedifica (1,16 action Aedifica pour une action Cofinimmo) trop chiche. Aedifica peut désormais abandonner son projet, relever sa proposition ou décider de lancer une offre hostile – laissant alors le dernier mot aux actionnaires de Cofinimmo. Au-delà de cette fusion, la question qui taraude les investisseurs est toutefois de savoir si l’actuelle consolidation est le signe qu’il y a des opportunités parmi les foncières belges.

Trois années de crise

Considéré, aux côtés des biotechs, comme l’un des deux piliers stratégiques d’Euronext Bruxelles – en témoignent les quatre foncières figurant au sein du Bel 20 (Cofinimmo, Aedifica, WDP et Montea) –, le secteur de l’immobilier coté traverse une passe difficile depuis le retour de l’inflation en 2022.
Cette poussée inflationniste a entraîné une remontée rapide des taux d’intérêt, fragilisant un secteur qui bénéficiait jusque-là d’un accès au crédit bon marché et séduisait les investisseurs par la régularité de ses dividendes. Ces deux atouts historiques se sont transformés en handicaps avec la remontée du loyer de l’argent.

À cet environnement global défavorable sont venus s’ajouter plusieurs chocs sectoriels. D’abord, l’essor du télétravail durant la pandémie a profondément déstabilisé le segment des bureaux, remettant en question les besoins en surfaces traditionnelles. Ensuite, le ralentissement brutal du commerce en ligne, après l’euphorie de la période covid, a ravivé le spectre du vide locatif dans le secteur logistique, jusqu’alors considéré comme l’un des plus prometteurs.

Mais le coup le plus dur est sans doute venu du segment de l’immobilier de santé. La parution du livre Les Fossoyeurs, qui révélait des maltraitances au sein des maisons de repos du groupe Orpea, a déclenché une onde de choc durable. Ce scandale a entaché l’image de tout un secteur et déstabilisé les équilibres financiers. Cofinimmo, Aedifica et Care Property Invest, qui s’étaient positionnés comme des leaders européens de l’immobilier de soins, ont vu leur stratégie fragilisée.

Entre janvier 2022 et janvier 2025, le titre Cofinimmo a ainsi perdu plus de 60% de sa valeur.

Des signes de redressement

Ces derniers mois, plusieurs signaux sont toutefois passés au vert. Cofinimmo a ainsi enregistré au premier trimestre une légère revalorisation positive de son portefeuille immobilier (+ 0,1%), une première après neuf trimestres consécutifs de revalorisations négatives. Ce frémissement suggère une stabilisation des conditions de marché, notamment dans le segment de l’immobilier de santé, qui affiche une revalorisation de + 0,2%. Une évolution encourageante alors que ce segment était particulièrement sous pression depuis l’éclatement du scandale Orpea. Du côté des marchés financiers, les taux d’intérêt ont amorcé un recul, dans le sillage de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Cette dernière a abaissé ses taux directeurs à plusieurs reprises depuis juin dans le sillage du reflux de l’inflation dans la zone euro.

Enfin, dans un contexte boursier plus volatil et marqué par les incertitudes, les valeurs défensives retrouvent la faveur des investisseurs. Les sociétés immobilières réglementées – SIR en Belgique, REIT à l’international – bénéficient à cet égard d’un statut attractif. Encadrées par une réglementation stricte (endettement plafonné, diversification obligatoire, distribution d’au moins 80% des bénéfices sous forme de dividendes), elles apparaissent comme des valeurs refuges pour les investisseurs en quête de rendement régulier.

Les SIR apparaissent comme des valeurs refuges pour les investisseurs en quête de rendement régulier.

“Aedifinimmo”

Pour miser sur l’embellie du secteur, Aedifica et Cofinimmo s’imposent comme incontournables – tout particulièrement si le projet de fusion aboutit. Fort d’un portefeuille combiné de 12 milliards d’euros, le nouvel ensemble, surnommé par certains observateurs “Aedifinimmo”, deviendrait le numéro un de l’immobilier coté en Belgique, détrônant ainsi WDP.

Le premier avantage d’un tel rapprochement réside dans la diversification. Même si l’immobilier de santé représentait 88% du portefeuille consolidé, l’empreinte géographique du groupe serait large, avec des actifs répartis dans neuf pays : Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Finlande, Pays-Bas, France, Irlande, Espagne et Italie.

Au-delà de cette diversification, un autre levier stratégique se dessine : l’amélioration de la qualité de crédit. L’agence Standard & Poor’s a ainsi estimé que le nouvel ensemble pourrait viser une notation BBB+, soit un cran au-dessus de celle actuellement attribuée séparément à Aedifica et Cofinimmo (BBB). Une amélioration qui, si elle se concrétise, permettrait d’abaisser les coûts de financement du groupe fusionné. Pour les investisseurs, Aedifica constitue aujourd’hui un choix plus sûr. Cofinimmo se négocie en effet à un prix très proche de celui proposé dans le cadre de la fusion, le titre ayant rebondi de 15%. Ce qui limite le potentiel de gain, tout en exposant à un risque accru en cas d’échec de l’opération — qui ne peut être écarté à l’heure d’écrire ces lignes.

Individuellement, Aedifica ne manque pas d’atouts. Le titre s’échange avec une décote de 15% par rapport à sa valeur intrinsèque (77,86 euros par action fin mars) et un rendement de dividende net prévu de 5,1% pour 2025.

Repositionner la Belgique

En cas d’issue positive, “Aedifinimmo” se hisserait à la quatrième place de l’indice paneuropéen Stoxx 600 REITs, ce qui offrirait une visibilité accrue aux SIR belges. Une évolution saluée par Joost Uwents, CEO de WDP. “Nous avons un très beau secteur immobilier coté en Belgique, grâce au meilleur statut REIT de l’Union européenne. Il faut capitaliser sur cet avantage, mais aussi oser se projeter dans l’avenir”, plaide-t-il. Et d’ajouter : “Nos investisseurs et nos clients recherchent des partenaires solides, liquides et capables de porter des projets immobiliers complexes. Cela passe par des groupes européens dépassant les 10 milliards d’euros d’actifs. Dans notre secteur, la taille est devenue un levier essentiel pour créer de la valeur.”

WDP ne cache d’ailleurs pas ses propres ambitions. Le groupe logistique entend franchir, lui aussi, le cap symbolique des 10 milliards d’actifs en poursuivant ses investissements ciblés dans des entrepôts logistiques de premier plan, en Europe occidentale et en Roumanie, ses deux marchés clés.

WDP, retour en grâce

La chute de l’action WDP depuis les sommets de 2021 a ramené la valorisation de la SIR logistique à des niveaux attractifs. Sur la base du dividende brut prévu pour 2025 (1,23 euro), le rendement net ressort à 4,1%, sans compter le potentiel d’appréciation du portefeuille immobilier.

WDP est spécialisé dans les sites logistiques de premier ordre, ce qui lui assure un taux d’occupation élevé (98%). Dans un contexte de stabilisation progressive du marché, ce positionnement porte ses fruits : les bénéfices de la société ont progressé de 12% au premier trimestre.

Par ailleurs, WDP affiche un taux d’endettement maîtrisé à 42%, bien en deçà de la limite légale fixée à 65% pour les SIR, et sous le seuil de 50% considéré comme le plafond pour une situation financière saine. Conjuguée à la mise en réserve d’environ 20% des bénéfices et à la possibilité pour les actionnaires d’opter pour un dividende en actions, cette latitude financière permet à l’entreprise de poursuivre son développement.

WDP dispose actuellement d’un pipeline d’investissements de 820 millions d’euros, soit environ 10% de la taille de son portefeuille actuel. Le rendement locatif attendu sur ces projets s’élève à 6,7%.

Depuis quelques mois, les analystes se repositionnent sur la valeur. On recense aujourd’hui huit recommandations d’achat pour deux avis de vente sur 15 opinions publiées – une nette amélioration par rapport à l’automne dernier, où les conseils à l’achat et à la vente se partageaient équitablement.

Xior, un bilan assaini

Parmi les autres SIR malmenées ces dernières années figure Xior, acteur de référence du logement étudiant en Europe. La société a subi de plein fouet la remontée brutale des taux d’intérêt, intervenue alors qu’elle se trouvait en pleine phase d’expansion. Son taux d’endettement a grimpé jusqu’à 55% à la mi-2023, exposant l’entreprise à une pression financière accrue.

Depuis, Xior a procédé à une augmentation de capital pour assainir son bilan, lui permettant de réduire son taux d’endettement à 48%. Sa croissance s’est ralentie, mais reste tangible, avec une progression attendue de 5% des loyers en 2025. Autre signe encourageant, le portefeuille a enregistré une revalorisation positive de 0,9% au premier trimestre.

Dans ce contexte, Xior pourrait à nouveau envisager une hausse de son dividende dans les années à venir. Le titre offre déjà un rendement net attractif de 4,3% sur la base d’un dividende brut de 1,768 euro. Les analystes se montrent en tout cas confiants avec huit recommandations d’achat sur neuf avis.

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