Rencontre avec Frank Lipowski (FVS Bond opportunities): l’autre atout de Flossbach von Storch

Frank Lipowski (FVS Bond opportunities)

L’année 2024 devrait jouer en faveur des gestionnaires obligataires en mesure d’adopter une approche flexible, tout en restant prudents dans les allocations entre les différentes classes d’actifs.

Flossbach von Storch est devenu un des gestionnaires d’actifs les plus populaires du marché belge ces dernières années, grâce au succès du fonds flexible FvS Multiple Opportunities dont les encours dépassent 11 milliards d’euros, avec une performance annualisée de 5,1% durant la dernière décennie et une notation Morningstar actuellement à quatre étoiles. Sur d’autres marchés européens, c’est toutefois le fonds FvS Bond Opportunities qui est au moins aussi connu des investisseurs.

Géré par Frank Lipowski depuis son lancement en 2009, ce produit fait partie des fonds obligataires qui ont une liberté totale dans la manière dont ils s’exposent sur les différentes classes d’actifs obligataires. Le fonds est noté cinq étoiles chez Morningstar, avec une performance annualisée tournant autour de 3,2% durant la dernière décennie et des encours sous gestion qui dépassent désormais les 6 milliards 
d’euros.

TRENDS-TENDANCES. Comment en êtes-vous arrivé à gérer ce fonds ?

FRANK LIPOWSKI. Je suis arrivé chez Flossbach von Storch avec une carrière qui n’avait pas du tout été réalisée sur les marchés obli­gataires. A l’époque, la sortie de la crise financière avait entraîné une explosion du nombre d’émissions de la part d’entreprises qui payaient des primes importantes pour convaincre les investisseurs d’acheter leur dette. Du coup, le marché du crédit était devenu un marché qui recelait des opportunités intéressantes, ce qui nous a poussés à lancer cette stratégie en juin 2009. Ce n’est toutefois que quelques années plus tard que nous avons commencé à utiliser ce fonds vers les clients externes au groupe.

Quels grands principes appliquez-vous ?

L’approche est avant tout flexible, avec la possibilité d’aller vers toutes les classes obligataires (obligations souveraines, crédit aux entreprises, etc.) en fonction des conditions de marché, tout en n’allant pas dans des produits trop complexes ou peu trans­parents. Nous avons seulement quelques contraintes dans la gestion, notamment pour limiter l’impact des taux de change qui sont toujours susceptibles d’anéantir la performance du fonds même si vous avez un positionnement idéal sur les différentes classes obligataires. De même, nous évitons la dette à haut rendement trop risquée, sur des notations inférieures à B-, et certaines émissions subordonnées bancaires.

Pourquoi le niveau de rotation des actifs est-il aussi élevé ?

FvS Bond Opportunities est effectivement le fonds qui affiche la plus forte rotation de notre gamme. Sur les marchés obligataires, il faut constamment rester à l’affût des opportunités qui peuvent changer d’un trimestre à l’autre. Et ce fut encore plus vrai ces dernières années, lorsque la faiblesse des taux nous poussait à être très réactifs face aux opportunités qui se présentaient à nous.

Qu’est ce qui explique la forte surperformance de votre fonds par rapport à vos concurrents ?

Elle vient de plusieurs sources, mais nous avons été souvent habiles dans notre manière de gérer le positionnement entre les différentes classes d’actifs et d’être dans le bon marché au bon moment. Ceci nous a amenés à détenir par exemple plus de 80% de nos actifs sur le crédit aux entreprises au sortir de la grande crise financière, ou de nous positionner de manière sélective sur la dette périphérique au sortir de la crise de la zone euro. Nous avons également un approche active de notre sensibilité au niveau des taux d’intérêt (duration), afin de limiter l’impact des mouvements des taux sur la performance. Une hausse des taux d’intérêt rend en effet une obligation déjà émise moins attrayante et fait baisser son cours, alors qu’un mouvement de baisse fait monter la valeur des émissions affichant un rendement plus élevé.

L’année 2022 a toutefois été plus difficile…

Nous avons tout de même été en mesure de surperformer le marché obligataire dans des conditions difficiles même si nous étions mal positionnés au début de l’année, car nous ne pensions pas que les banques centrales étaient prêtes à s’engager si rapidement et sérieusement dans la lutte contre l’inflation. Nous avons assez rapidement ajusté notre exposition sur les taux courts, mais le mal était fait pour la performance. Par contre, nous avons assez largement battu le reste du marché en 2023, en commençant assez tôt à anticiper la fin du resserrement des taux, et en augmentant progressivement la sensibilité de la performance à un mouvement de baisse des taux (duration).

Comment analysez-vous la situation macroéconomique actuelle ?

Pour le cycle actuel, nous pensons que nous avons vu le sommet des chiffres d’inflation et de croissance aux Etats-Unis, avec des consommateurs qui vont bientôt avoir fini d’épuiser les réserves d’épargne accumu­lées durant la crise sanitaire. Dans le même temps, les conditions financières restent res­trictives, avec des taux réels très élevés d’un point de vue historique qui pèsent sur les prêts hypothécaires et sur le crédit. En outre, nous n’attendons pas de soutien des politiques fiscales dans le courant de l’année prochaine en raison des différentes échéan­ces électorales. Et comme la situation est également mitigée en Europe et en Chine, nous pensons qu’il y a actuellement peu d’éléments susceptibles de soutenir la croissance et l’inflation avec des banques centrales qui devraient détendre progressivement leur politique monétaire.

Nous n’attendons pas de soutien des politiques fiscales dans le courant de l’année prochaine en raison des différentes échéances électorales.”

Quel est votre positionnement actuel sur les marchés obligataires ?

Notre approche est relativement prudente sur l’ensemble du cycle afin de ne pas effrayer les investisseurs et de leur permettre de dormir convenablement la nuit. Nous ne cherchons donc pas à prendre des risques inconsidérés. D’un autre côté, les mouvements du marché offrent toujours des opportunités. Même si nous avons récemment réduit notre exposition sur la dette indexée sur l’inflation, elle reste fortement pondérée dans notre allocation sur les marchés obligataires. La valorisation de cette classe d’actifs reste historiquement attractive en raison du niveau élevé des taux réels, plus particulièrement sur les maturités longues. Enfin, nous avons également réduit récemment la sensibilité de notre portefeuille aux mouvements des taux d’intérêt.

Et pour le marché du crédit ?

Nous sommes beaucoup plus prudents suite à la forte reprise qui s’est produite depuis mars 2023, avec des différentiels de taux qui sont désormais sur des niveaux historiquement bas avec un potentiel désormais très limité par rapport à la dette souveraine. Cette poche représente un peu moins de 40% de nos encours, et encore moins en termes de sensibilité aux mouvements de taux. Dans ce domaine, nous apprécions des émetteurs de bonne qualité et moins cycliques, notamment des émetteurs actifs dans les biens de consommation ou dans l’immobilier résidentiel.

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