Les actions immobilières belges à la traîne: faut-il en profiter ou s’en inquiéter?

Alors que les principaux indices boursiers atteignent des sommets, les actions immobilières (belges) ne parviennent pas à rebondir depuis un an. Pire, la baisse a même repris de plus belle ces dernières semaines, faut-il en profiter ou s’en inquiéter ?

Considérées comme des valeurs de bon père de famille, les sociétés immobilières réglementées (SIR en Belgique) ne manquent pas d’atouts fondamentaux. Premièrement, elles sont relativement sûres car leur niveau d’endettement est plafonné légalement à un niveau soutenable et elles sont (essentiellement) actives dans la location de biens. Les SIR sont donc peu exposées aux risques liés à des activités comme la promotion immobilière. Deuxièmement, elles offrent un rendement récurrent, les SIR belges devant reverser chaque année au moins 80% de leur bénéfice courant sous forme de dividende. Troisièmement, elles offrent une certaine protection contre l’inflation, leurs loyers étant indexés.

Hausse des taux

Ce qui n’a clairement pas suffi ces trois dernières années, comme vous pouvez le constater sur le graphique ci-contre. Les trois principales SIR belges, à savoir Cofinimmo, WDP et Aedifica qui sont membres du Bel 20, ont accusé une baisse allant de 47% à 59% sur 36 mois. Dans un premier temps, cette chute a surtout été causée par la hausse des taux qui a plusieurs impacts sur les SIR. Tout d’abord, la remontée du loyer de l’argent renchérit le coût de leurs crédits.

Ensuite, la hausse des taux est de nature à peser sur les prix de l’immobilier, justement en raison du renchérissement du coût du crédit. Cofinimmo a ainsi déprécié son portefeuille immobilier de 182 millions d’euros en 2023, soit une baisse de 2,7%. Enfin, la remontée des taux signifie que le rendement de dividende des actions immobilières est comparativement moins intéressant par rapport à des obligations d’entreprises par exemple.

Pic des taux

À l’image des grands indices boursiers, les SIR ont ainsi profité du pic des taux intervenu en octobre 2023. Cette reprise a toutefois été de courte durée pour les immobilières. Dès le mois de mai, les cours ont commencé à s’essouffler. Six mois plus tard, la plupart des SIR sont revenues autour de leur plancher de l’automne 2023, voire plus bas.
Une contre-performance qui s’explique notamment par la baisse relativement limitée des taux longs (voir graphique ci-dessous”Taux belges à 10 ans”), surtout en comparaison avec la hausse intervenue en 2022. Ce qui freine la reprise du marché immobilier et donc également la valorisation des portefeuilles.

La SIR diversifiée Cofinimmo avait ainsi connu un premier semestre maussade avec une nouvelle dépréciation de son portefeuille de 1,4%, à peu près la même cadence qu’en 2023. Différents segments ont également connu des difficultés spécifiques à l’image de la santé : crise des maisons de repos dans le sillage du scandale Orpea. Plus récemment, WDP (immobilier logistique) a prévenu que l’environnement économique pesait sur ses perspectives à court terme.

Signes de stabilisation

Toutefois, des premiers indicateurs pointent vers un redressement. Au troisième trimestre, le rythme des dépréciations de Cofinimmo a nettement décéléré à 0,3% et les banques centrales ont enfin accéléré les baisses de taux. Les investisseurs semblent également plus confiants pour l’avenir selon le sondage réalisé par Degroof Petercam en marge d’une conférence annuelle dédiée au secteur immobilier. Sur les 57 investisseurs institutionnels sondés, 67% tablent sur une surperformance des actions immobilières, plus du triple de 2023 (20%). Et seuls 7% anticipent une sous-performance par rapport à la tendance boursière globale.

Autre enseignement intéressant, 70% des sondés prévoient une réouverture du marché de l’investissement immobilier au quatrième trimestre ou dans le courant de 2025, ce qui serait de nature à dynamiser la gestion et la valorisation des portefeuilles des SIR.

Rendement de dividende

Si cela se confirme, le moment serait donc opportun pour miser à nouveau sur les actions immobilières. D’autant plus qu’elles affichent des niveaux de valorisation historiquement bas, selon Vivien Maquet, Amal Aboulkhouatem et Vincent Koppmair, analystes chez Degroof Petercam.
“Le secteur de l’immobilier coté affiche des signaux de valorisation relative qui suggèrent un potentiel plancher. L’EPRA Eurozone Index (indice des actions immobilières de la zone euro, ndlr) offre actuellement un rendement de 8,7% sur la base des flux de trésorerie. Ce rendement traduit une prime de risque élevée de 6,5% (par rapport au rendement des obligations allemandes à 10 ans, ndlr), bien au-dessus de la moyenne historique de 4,4%.” La lente baisse des taux ne fait que rendre cette valorisation encore plus intéressante et devrait ainsi soutenir la reprise des actions immobilières réglementées.

Logistique et commerces

Toutefois, tous les segments ne sont pas logés à la même enseigne. Les bureaux restent ainsi largement délaissés, n’étant cités que par 3% des sondés. La principale raison est la suroffre. Selon Savills, le vide locatif atteignait 8,8% à la mi-2024 en Europe avec des pics jusqu’à 15% pour La Défense à Paris. À Bruxelles, la situation est aggravée par la stratégie de rationalisation de la Commission européenne qui vise à passer de 50 à 25 bâtiments entre 2020 et 2030.

Autrefois prisé, le secteur des soins de santé inquiète désormais, alors que la crise connue par les exploitants de maisons de repos se traduit par des pressions sur les loyers. D’autant plus que la demande n’est pas aussi importante qu’escompté. À Bruxelles, plus d’un lit sur cinq était inoccupé l’année dernière. En France, le taux d’occupation des places d’Ehpad est passé de 93% avant le covid à 89% en 2023, selon le think tank Matières Grises.

Les deux segments à privilégier sont ainsi la logistique et les commerces, estiment les investisseurs institutionnels. Le premier domine le sondage annuel depuis de nombreuses années en raison notamment des besoins liés à l’e-commerce, mais aussi à la complexification des chaînes d’approvisionnement. Le taux d’inoccupation restait ainsi contenu à 3,9% fin juin en Belgique, malgré le tassement quasiment continu de la production industrielle dans la zone euro depuis la mi-2023.

En deuxième position, on retrouve le segment des commerces qui poursuit son redressement. Largement délaissé en 2021 en raison de l’impact de la crise sanitaire (fermetures, abandon de créances, boom de l’e-commerce), le segment était très faiblement valorisé. Les loyers et taux d’occupation s’étant avérés plus résilients que redouté, cela en fait aujourd’hui le segment le plus attractif selon 27% des sondés.

Les trois principales SIR belges ont accusé une baisse allant de 47% à 59% sur 36 mois. © Getty Images

Valeurs à privilégier

Dans le top 10, on retrouve logiquement les cinq immobilières logistiques couvertes par le sondage. WDP a toutefois perdu de sa superbe, étant passé de leader entre 2021 et 2023 à la 10e place en 2024. Du côté belge, Montea et VGP sont à conseiller. La première s’est muée ces dernières années en acteur de croissance avec le développement de projets bien situés, ce qui lui a permis d’afficher un taux d’occupation d’au moins 99,9% lors des sept derniers trimestres. Le rendement de dividende reste très attractif à 5,6% brut (3,9% net) en se basant uniquement sur le coupon ordinaire prévu pour 2024 (3,60 euros). VGP offre une diversification géographique intéressante, la société étant surtout active en Europe centrale et méridionale. Elle n’a toutefois pas le statut de SIR, étant plus active dans le développement immobilier.

Le groupe néerlandais CTP, leader européen de l’immobilier logistique avec une superficie de 12 millions de m², est également plébiscité en raison de sa forte croissance : doublement du portefeuille depuis son introduction en Bourse en 2021. Toutefois, le dividende est soumis à un double précompte (15% aux Pays-Bas et 30% en Belgique) limitant l’intérêt pour l’investisseur belge. Le même raisonnement s’applique au groupe français Argan.

Le deuxième choix des investisseurs institutionnels derrière Montea est également une SIR belge, à savoir Xior qui est spécialisée dans les kots pour étudiants. Le titre s’est montré volatil cette année, mais résiste globalement mieux que la moyenne grâce à son développement paneuropéen, son taux d’occupation élevé (98%) et un rendement de dividende prévu de 6% brut (coupon de 1,768 euro), soit 4,2% net. Dans le segment commercial, Retail Estates fait office de meilleur choix. Ses magasins en périphérie de centres résidentiels ou le long d’axes routiers (en Belgique et aux Pays-Bas) font toujours le plein. Son rendement de dividende prévu (5,10 euros) atteint 8,5% brut et 6% net. À noter enfin la présence d’Aedifica dans le top 10, seule représentante du segment de l’immobilier de santé alors que la SIR a récemment relevé ses prévisions annuelles sur fond de stabilisation de son portefeuille. Le rendement de dividende brut attendu est de 6,8% (coupon de 3,90 euros), soit 5,8% net grâce à un précompte réduit de 15% (qui risque toutefois de passer à 30% en 2026).

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