“Nous sommes positionnés pour une récession en 2024”

Eléonore Bunel - "Le marché des obligations vertes reste un segment dynamique."

La gestionnaire du fonds Lazard Credit Opportunities s’attend à un ralentissement en 2024, ce qui poussera les grands argentiers à diminuer leur taux directeur assez rapidement.

Proposé par Lazard Frères Gestion, Lazard Credit Opportunities est un des produits les plus populaires, avec ses cinq étoiles Morningstar et une performance annualisée tournant autour de 5,1% sur les cinq dernières années. Cette performance a été obtenue dans un contexte qui n’a pas été favorable aux stratégies “taux” en raison des politiques de taux bas et de rachats d’actifs menées jusqu’en 2021 par les grands argentiers, mais aussi à cause de la folle ascension des taux directeurs depuis le début 2022. Ce fonds a même réussi l’exploit de progresser de 6% en 2022 alors que la plupart des autres fonds sur le crédit d’entreprise encaissaient des pertes supérieures à 10%.

Eléonore Bunel est à la tête de cette stratégie, et supervise également l’ensemble des stratégies crédit du gestionnaire (soit des encours sous gestion proches de 14 milliards d’euros) ainsi qu’une équipe de 15 personnes (dont 13 analystes/gérants) supervisant les destinées d’une dizaine de fonds. Elle était récemment de passage à Bruxelles pour présenter les perspectives sur les marchés obligataires en 2024.

TRENDS-TENDANCES. Pouvez-vous faire une analyse rapide de la situation macroéconomique actuelle?

ELEONORE BUNEL. Nous sommes sortis de la phase d’inflation très élevée, ce qui a permis aux banques centrales de se mettre en pause. Dans le même temps, nous avons retrouvé des rendements attractifs sur les marchés obligataires, notamment sur la dette souveraine et le crédit de bonne qualité. Il faudra se positionner sur ces classes d’actifs si l’environnement vient à ralentir trop fortement, ce que nous anticipons pour le début de l’année prochaine.

Comment sont valorisés les marchés du crédit ?

Nous avons eu de très bonnes performances depuis le début de l’année, avec par exemple une progression de 4,3% sur la dette de bonne qualité Investment Grade (notations BBB et supérieures) en euros, et de 7,6% pour la dette à haut rendement (notations BB et inférieures). Et en cette fin 2023, ces classes d’actifs affichent des rendements attendus similaires pour les 12 prochains mois.

Quels sont les segments que vous préférez ?

Le contexte reste globalement favorable pour le crédit de bonne qualité, avec un rendement attractif (autour de 4%) et un potentiel d’appréciation des cours si les autorités monétaires en arrivent à détendre leur taux dans le courant de l’année. Les rendements sur l’investment grade sont aujourd’hui supérieurs aux rendements sur les marchés actions, soit des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis longtemps, et les flux entrants se dirigent d’ailleurs massivement sur cette tranche du marché. Nous sommes par contre plus prudents sur la dette à haut rendement dans un contexte où les taux de défaut se sont déjà orientés à la hausse durant les derniers mois aux Etats-unis et, dans une moindre mesure, en Europe. Dans ce segment, nous préférons les notations de meilleure qualité (BB) et les entreprises européennes, qui sont généralement moins endettées que les américaines.

Comment s’est comporté le fonds Lazard Credit Opportunities après l’excellente année 2022 ?

Notre bonne performance en 2022 avait été causée par notre analyse correcte quant à un relèvement massif des taux directeurs pour les banques centrales, ce qui nous a permis d’être positionnés de manière adéquate pour entamer cette année qui a été particulièrement difficile pour les fonds investis sur le crédit. L’année 2023 a été plus difficile, notamment parce que nous avons fortement allongé notre sensibilité aux taux depuis le début de l’exercice, en anticipant une récession pour les prochains trimestres avec des banques centrales qui n’auront pas d’autre choix que de détendre leur taux directeur.

Si ce scénario se confirme en 2024, cette stratégie devrait avoir une très fort potentiel de rebond.

Vous restez positifs sur les dettes bancaires subordonnées dans cette stratégie ?

Le portage reste assez confortable sur ces émissions, de l’ordre de 8 à 10% sur les émissions AT1 (les plus risquées, Ndlr) alors que le secteur financier européen est solide et affi­che une santé nettement meilleure qu’en 2008. Même si le marché reste volatil au début de l’année prochaine, nous pensons que cette classe obligataire, qui représente encore 50% de nos actifs sous gestion, devrait rapidement rebondir.

Quelles sont les qualités de cette stratégie ?

Nous avons une marge de manœu­vre très large dans notre exposition, avec un positionnement sur la dette à haut rendement qui peut aller de 0 à 100% de nos encours, avec également la possibilité de réduire fortement la sensibilité par rapport à l’évolution des taux (en utilisant des produits dérivés), un élément qui peut nous permet d’avoir une progression de notre valeur nette d’inventaire même quand les taux montent. Nous avons également une très forte diversification, avec 115 émetteurs différents, répartis sur 200 lignes individuelles. Il s’agit enfin d’un fonds de performance absolue (Absolute Return) qui vise à dégager une performance favorable dans toutes les phases du marché obligataire.

Est-ce que vous pouvez rapidement nous présenter Lazard Global Green Bond Opportunities ?

Il s’agit d’une stratégie répondant aux exigences de l’article 9 de la législation européenne SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) lancée il y a un an et qui partage la même philosophie que le fonds Lazard Credit Opportunities en termes de diversification sectorielle, de protection contre les mouvements de taux et d’objectif d’une performance absolue positive. Le marché des obligations vertes reste un segment dynamique, avec environ 500 milliards euros en nouvelles émissions en 2023, un volume qui devrait être similaire l’année prochaine. Elles sont souvent liées à des projets d’infrastructure avec des maturités très longues (entre 10 et 20 ans), avec des cours qui vont être fortement impactés par les mouvements sur les taux longs. Ce fonds va avoir la possibilité de se protéger contre cette incertitude, et se différencier des autres fonds spécialisés sur les obligations ver­tes, qui ont souvent tendance à sui­vre les performances des fonds investis en obligations souveraines.

Un fonds à maturité 2028 sur le crédit de bonne qualité

Lazard Frères Gestion vient également de lancer un nouveau fonds à maturité qui propose une exposition sur une sélection de 80 émetteurs investment grade (note moyenne BBB) principalement européens, avec des émissions qui arriveront à échéance durant l’année 2028. La souscription au produit restera ouverte jusqu’à la fin de l’année 2025, avec la possibilité de fixer actuellement un rendement brut de 4,5% par an tout en récupérant le capital investis en conservant le fonds jusqu’à son échéance.

« Nous lançons régulièrement ce type de produits obligataires depuis 2017 lorsque la situation le permet », explique Eléonore Bunel.

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