L’heure des actions à dividende a-t-elle sonné?
Loin des records à répétition de Wall Street, les actions à dividende font plutôt grise mine ces dernières années. Les récentes baisses de taux sont toutefois de bon augure pour les amateurs de généreux coupons.
Alors que le S&P 500 américain a décollé de 79% ces cinq dernières années, l’indice Dow Jones Select Dividend, rassemblant actions à haut dividende des marchés développés et émergents, fait quasiment du surplace. Même en tenant compte du rendement total, incluant les dividendes (réinvestis), l’écart reste considérable comme l’illustre le graphique ci-contre.
Hausse des taux
De piètres performances qui s’expliquent notamment par la nette remontée des taux, comme l’illustrent les deux décrochages connus par le Dow Jones Global Select Dividend Net Total Return. Le premier est intervenu au printemps 2022, quand les banquiers centraux ont été forcés d’abandonner la rhétorique d’une inflation temporaire alors que la hausse du prix des biens (liée aux problèmes d’approvisionnement post-covid) et de l’énergie se propageait vers les services et les salaires. Le taux américain à 10 ans avait ainsi quasiment triplé entre janvier (plancher de 1,53%) et octobre (pic de 4,34%).
L’attrait d’une action offrant un dividende de 3% est évidemment nettement moindre quand l’obligation de référence sur les marchés mondiaux rapporte du 4%. D’autant plus que la hausse des taux a repris de plus belle à partir du printemps 2023. Face à la résilience de l’inflation, les marchés ont en effet dû réajuster leurs anticipations concernant la politique monétaire des banques centrales. Ce qui a poussé le taux américain à 10 ans jusqu’à plus de 5%.
Désinflation
Douze mois plus tard, le processus de désinflation a enfin fait son œuvre, le rythme de hausse des prix ayant ralenti à 1,7% dans la zone euro et 2,4% aux États-Unis. La Banque centrale européenne a commencé à baisser ses taux directeurs en juin et la Réserve fédérale américaine l’a imitée en septembre.
Sur les marchés obligataires, le taux américain à 10 ans a enfin reflué, repassant sous 4%. Les actions à dividende n’en ont toutefois pas encore véritablement profité avec des performances bien inférieures à la moyenne depuis le début de l’année. Ce qui s’explique avant tout par les envolées des Sept fantastiques (Microsoft, Apple, Nvidia, Alphabet, Amazon, Meta Platforms et Tesla). Même si cinq de ces géants versent aujourd’hui un dividende régulier, les deux exceptions étant Amazon et Tesla, le rendement par rapport à leur valeur boursière demeure bien trop limité pour en faire des actions à dividende.
Stratégie ennuyeuse
Le vent est toutefois en train de tourner sur les marchés boursiers selon Savita Subramanian, stratégiste spécialisée dans les actions chez Bank of America. Soulignant les différents risques actuels, elle insiste sur la nécessité de privilégier les dividendes sûrs. Une stratégie à 1.000 lieues de l’excitation des marchés pour l’intelligence artificielle (IA) et qu’elle qualifie elle-même de “plus ennuyeuse de tous les temps… Mais parfois, l’ennui a du bon”.
Il faut privilégier les dividendes sûrs. La stratégie la plus ennuyeuse de tous les temps … Mais parfois, l’ennui a du bon.
Savita Subramanian
stratégiste spécialisée dans les actions chez Bank of America
Cependant, ennuyeux ne signifie pas simple. Les meilleures actions à dividende ne sont pas nécessairement celles qui ont le rendement le plus élevé. “Il est essentiel d’être sélectif lorsqu’il s’agit d’acheter des actions à dividende et de rechercher le rendement”, pointe ainsi Dan Lefkovitz, stratégiste chez Morningstar. Se contenter d’identifier les catégories d’actions offrant les meilleurs rendements “peut souvent vous conduire dans des zones troublées et des pièges à dividende – des sociétés qui ont un beau rendement, mais qui n’est finalement pas pérenne”.
Approche sectorielle
Dans un environnement marqué par les baisses de taux des banques centrales, Savita Subramanian estime que des secteurs comme les financières, les services d’utilité publique (gaz et électricité, eau, déchets) et l’immobilier devraient profiter d’un afflux de capitaux en provenance des fonds monétaires (dont les taux suivent ceux des banques centrales).
En termes de fondamentaux, elle se montre positive par rapport aux financières, épinglant que les normes réglementaires ont probablement atteint un pic et que l’intelligence artificielle devrait permettre des réductions de coûts. La stratégiste apprécie aussi le rendement de dividende élevé et la protection contre l’inflation offerts par les entreprises des secteurs des services d’utilité publique et de l’immobilier.
Elle reste par contre à l’écart du secteur énergétique, y voyant un “piège” alors que les cours des actions chutent plus rapidement que le rythme des révisions à la baisse des prévisions de bénéfices des analystes.
Flux de trésorerie
David Harrell, rédacteur en chef de Morningstar DividendInvestor, privilégie une approche individuelle basée sur la sélection d’entreprises disposant d’avantages concurrentiels et dont le management soutient la stratégie de dividendes.
Ce qui est évidemment plus facile à écrire qu’à faire. Si vous souhaitez rapidement vous assurer (raisonnablement) qu’une entreprise est à même de continuer à verser un généreux dividende, le principal indicateur à suivre est le flux de trésorerie libre (ou free cash-flow), que vous pouvez retrouver dans le tableau des flux de trésorerie/cash-flows publié par les entreprises. Tant que le flux de trésorerie libre progresse (sur le moyen terme) et demeure supérieur au montant dédié au dividende, la situation financière et les coupons demeurent sains. A contrario, s’il est inférieur au dividende versé, cela implique (en simplifiant) que l’entreprise paie une partie de son coupon à crédit. Ce qui n’est évidemment pas soutenable à terme.
Double précompte
Le dernier élément à tenir l’œil avant d’investir dans des actions à dividende est la fiscalité. Le coupon, composante déterminante du rendement de ce type de valeur, est en effet bien plus taxé que les plus-values.
Globalement, vos dividendes sont soumis à un précompte mobilier de 30% en Belgique, à l’exception des coupons d’Aedifica et de Care Property Invest qui bénéficient d’un précompte réduit de 15%. Vous pouvez toutefois récupérer le précompte prélevé sur 833 euros de dividendes par an par le biais de votre déclaration fiscale (codes 1437/2437).
Si vous investissez dans des actions étrangères, la plupart des pays imposent également une retenue à la source. Son niveau dépend du pays concerné et surtout de votre banque. En vertu des conventions préventives de double imposition, la retenue à la source peut généralement être réduite de 15%.
Mais son application n’est pas automatique, il faut entreprendre certaines démarches. Si votre banque ne s’en charge pas, elle prélèvera une retenue à la source au taux local standard (jusqu’à 35%) et vous devrez introduire une demande auprès du pays concerné, ce qui peut être assez fastidieux et long (jusqu’à 2 ans). Pour la France ou les États-Unis, la plupart des banques s’occupent de tout pour vous et vous recevez directement votre dividende avec une retenue globale de 40,5% (15% dans le pays source et 30% sur le solde en Belgique). Pour l’Allemagne ou l’Espagne, c’est beaucoup plus rare, Bolero offrant l’un des services les plus complets à ce niveau. À noter que pour les Pays-Bas, la retenue à la source est de 15% dans tous les cas et au Royaume-Uni, elle est de 0%.
Fonds actifs
Une autre option pour diversifier votre portefeuille d’actions à dividende en dehors d’Euronext Bruxelles est de miser sur des fonds. Vous évitez ainsi entièrement le problème du double précompte.
Du côté des fonds gérés activement, l’un des mieux notés est le JPMorgan Global Dividend Fund A (code ISIN : LU0714179727). Avec un rendement annualisé de 12% au cours des cinq dernières années, il fait nettement mieux que la moyenne grâce notamment à quelques positionnements dans des valeurs technologiques, versant un dividende (limité) comme Microsoft ou Meta. Le rendement de dividende de l’ensemble du portefeuille est de 2,53%.
Le fonds DWS Top Dividend (code ISIN : DE0009848119) a une approche plus classique avec des positions dans notamment Agnico Eagle mines, TotalEnergies, TSMC, Johnson & Johnson, Nestlé ou Deutsche Telekom. Le rendement de dividende de son portefeuille atteint 3,64%, vous assurant un coupon annuel attractif.
ETF aristocrates
Du côté des fonds indiciels, vous pouvez cibler les actions à dividende pérenne en sélectionnant des ETF sur des indices d’actions aristocrates, c’est-à-dire des entreprises ayant relevé/maintenu leur dividende pendant une longue période (au moins 20 ans aux États-Unis, au moins 10 ans en Europe).
Le fonds indiciel SPDR S&P US Dividend Aristocrats UCITS (USDV sur Euronext Milan ; IE00B6YX5D40 ; frais annuels de 0,35%) vous permet d’investir directement dans les 133 aristocrates américains. Le coupon trimestriel correspond à un rendement de 2,3%.
Axé sur la zone euro, le S&P Euro High Yield Dividend Aristocrats (EUDV sur Euronext milan ; IE00B5M1WJ87 ; 0,30% de frais annuels) fait mieux avec un rendement de plus de 4% uniquement grâce à ses coupons semestriels. À noter qu’Ageas et Solvay font partie des 10 principales positions de l’ETF en compagnie de Generali, Allianz, Bouygues, Deutsche Post ou Sanofi notamment.
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