L’Etat belge, piètre investisseur?

LES BIOTECHS sont porteuses d’espoir. © imageBROKER/Sigrid Gombert

A l’image de son récent investissement, la SFPIM, bras financier de l’Etat belge, subit de lourdes pertes en Bourse ces dernières années. Comment les expliquer et sont-elles synonymes d’opportunités ?

La SFPIM surprenait les marchés en mai dernier en annonçant détenir 5% d’Umicore. L’invest et le Premier ministre Alexander De Croo se justifiaient en indiquant que le spécialiste de la technologie des matériaux faisait partie des 84 entreprises identifiées comme stratégiques pour le pays. Au niveau financier, le résultat est toutefois d’ores et déjà largement décevant. La participation était évaluée à 270 millions d’euros le jour de l’annonce. A l’heure d’écrire ces lignes, elle ne vaut plus que 158 millions d’euros.

Malheureusement pour les contribuables belges, Umicore ne constitue pas une exception. Le portefeuille d’entreprises cotées de la SFPIM ressemble même à une longue liste de sociétés dans lesquelles il valait mieux ne pas investir.

Début 2022, l’invest annonçait ainsi détenir 6,3% d’Ageas. Le cours a ensuite rapidement flanché avant de rebondir au printemps dernier. Le bilan total demeure toutefois largement négatif (-12%), même s’il est bien moins pire que le reste du portefeuille (voir tableau).

La seule exception notable sur les trois dernières années est BNP Paribas, une participation obtenue par l’Etat belge lors du sauvetage de Fortis. Le cours actuel demeure toutefois sensiblement inférieur au niveau de référence de 68 euros retenu en 2008.

Ancrage belge

Comment expliquer un bilan aussi catastrophique ? Il a longtemps été reproché à l’Etat actionnaire de trop se concentrer sur le court terme et les dividendes –pour équilibrer les finances publiques – plutôt que sur le développement à long terme. Proximus a ainsi régulièrement versé de généreux coupons dépassant ce que ses résultats financiers lui permettaient.

Cette période semble toutefois révolue. Tant Proximus que Bpost ont fortement raboté leurs dividendes ces dernières années. Et de nombreuses sociétés du portefeuille de la SFPIM ne versent pas de coupons.

Par contre, la philosophie actuelle de la SFPIM visant à assurer un ancrage belge peut expliquer (partiellement) les mauvais résultats boursiers. En 2022, l’invest est montée au capital d’Ageas qui était la cible de nombreuses rumeurs de rachat en raison de son actionnariat éclaté. L’investissement dans Umicore est aussi à appréhender dans cette perspective, sa dégringolade boursière et l’absence d’un important actionnaire de référence étant de nature à attiser les convoitises. En annonçant clairement qu’elle tenterait de bloquer toute tentative d’OPA inamicale, la SFPIM contribue elle-même à réduire l’attrait spéculatif des titres qu’elle achète.

La philosophie actuelle de la SFPIM visant à assurer un ancrage belge peut expliquer (partiellement) les mauvais résultats boursiers.

L’ombre des biotechs

L’autre élément à prendre en compte est le type de sociétés financées. La SFPIM a notamment investi dans une série de jeunes biotechs dont le niveau de risque est à l’avenant du faible taux de réussite dans le développement de médicaments. Moins d’un programme sur 14 lancé en phase clinique débouche sur une commercialisation, selon une méta-analyse de chercheurs du MIT.

L’avenir de plusieurs sociétés en portefeuille ne semble d’ailleurs plus tenir qu’à un fil à l’image de Biocartis (cotation suspendue depuis septembre, liquidation attendue), Biosenic (en panne de liquidités après l’échec de son programme phare) ou European Medical Solutions (bâti notamment sur les ruines d’Asit Biotech).

Espoirs d’amélioration

D’autres biotechs sont en situation bien moins défavorable, à l’image d’iTeos Therapeutics. L’entreprise carolo, cotée sur le Nasdaq et spécialisée dans l’immuno-oncologie, fait même toujours figure de réussite malgré la chute de cours en 2022-2023. La SFPIM y a en effet investi très précocement et les programmes les plus avancés d’iTeos entament les dernières phases cliniques. La biotech vise ainsi une première commercialisation en 2030 pour une immunothérapie destinée au traitement du cancer du poumon. Le potentiel est évidemment colossal, mais le niveau de risque est aussi très élevé. Une nouvelle immunothérapie contre le cancer doit non seulement être efficace et sûre, mais aussi se distinguer des milliers d’autres en cours de développement dans le monde.

Actif dans les biopesticides, Biotalys a longtemps résisté au marasme ayant plombé la plupart des biotechs cotées sur Euronext Bruxelles. Mais l’enlisement du dossier d’approbation de l’Evoca, son premier biofongicide (protection naturelle contre le mildiou), inquiète et complique le financement de ses autres programmes. La réponse des autorités réglementaires sera déterminante pour l’avenir boursier de Biotalys qui devra vraisemblablement lever des fonds au début de l’année prochaine au plus tard.

Sequana Medical est jusqu’à présent parvenue, tant bien que mal, à poursuivre le développement de son Alfapump, un dispositif destiné au traitement de l’accumulation de liquide dans l’abdomen (liée aux maladies du foie). Mais la medtech attend aussi le verdict des autorités sanitaires américaines (FDA), alors que les retards ont compliqué ses options financières.

Participations historiques

Pour les investisseurs moins téméraires, privilégiant les sociétés plus classiques du portefeuille de la SFPIM, la principale interrogation est de savoir si le plancher a été atteint après plusieurs années difficiles.

Proximus évolue à des plus bas historiques, bien loin du prix de 24,50 euros fixé lors de son introduction en Bourse en 2003. Sa très faible valorisation reflète actuellement des perspectives indécises. L’opérateur continue d’investir dans ses réseaux (fibre, 5G), limitant sa capacité de rémunération des actionnaires, et doit faire face à un durcissement de la concurrence avec l’arrivée d’un quatrième opérateur mobile (Digi Belgium). Cela explique la prudence des analystes (3 vendre et 7 conserver sur 16 avis) malgré un rendement de dividende net de 6,4%.

Autre participation historique de l’Etat, bpost ne semble guère en meilleure posture. Le titre a perdu plus de 90% de sa valeur depuis début 2018. Conséquence des déboires connus aux Etats-Unis, où sa filiale Radial (rachetée en 2017) n’a jamais véritablement répondu aux attentes, et de la détérioration de ses résultats en Belgique. Dans un environnement inflationniste, la stratégie de baisse des coûts n’a plus suffi à compenser le recul des volumes de courrier et la concurrence sur les colis. Son profit opérationnel en Belgique a ainsi fondu de 28% en deux ans et une nette baisse de la marge bénéficiaire (de 8,1% à entre 5% et 7%) est encore attendue en 2024 à la suite, notamment, du nouveau contrat pour la distribution de la presse. Même à 5 fois le bénéfice prévu pour cette année, l’heure est ainsi à la prudence parmi les analystes (7 avis neutres sur 8) qui attendent des signes de redressement.

Stratégie à revoir

En ce qui concerne les participations plus récentes, l’heure n’est pas non plus à un optimisme franc. Ageas a longtemps bénéficié des faveurs des analystes en raison de son rôle dans la consolidation du secteur et de son trésor de guerre hérité du démantèlement de Fortis.

En ce qui concerne les participations plus récentes, l’heure n’est pas non plus à un optimisme franc.

Mais l’assureur n’est aujourd’hui plus une cible facile pour ses concurrents, BNP Paribas (rachat de la participation de 9% de Fosun) et la SFPIM (6,4%) cadenassant le capital. Au niveau opérationnel, son exposition à la Chine (via sa participation dans Taiping Life) suscite des inquiétudes en raison du durcissement de la réglementation locale. Ageas souhaitait développer un troisième pilier (à côté de l’Asie et de la Belgique) en rachetant l’assureur britannique Direct Line, mais les négociations n’ont pas abouti. Le titre reste ainsi freiné par sa stratégie à (re)définir malgré sa forte décote par rapport à la moyenne du secteur.

Encore considéré comme un des gagnants de l’électrification dans l’automobile il y a peu, Umicore est aujourd’hui pris en tenaille. D’une part, la baisse progressive des moteurs thermiques va peser sur ses importantes activités dans les catalyseurs automobiles. D’autre part, sa stratégie de développement dans les matériaux pour batteries NMC (nickel, manganèse, cobalt) est remise en cause par le succès des batteries LFP (lithium, fer, phosphate), un peu moins performantes, mais moins chères. Dans ces conditions, les avis restent prudents et seuls 3 analystes sur 19 restent positifs.

UMICORE fait partie des participations de l’Etat qui ont déçu. © Pavlo Gonchar / SOPA Images/Sipa USA

Eternelles promesses ?

Du côté des valeurs de croissance, UnifiedPost inquiète. Le spécialiste de la facturation numérique était entré par la grande porte en Bourse en 2020. Le ralentissement de la croissance et la détérioration des marges avaient rapidement pesé avant que l’arrivée de Marc Coucke au capital en 2022 ne redonne de l’élan au titre. Face aux résultats décevants, l’investisseur touche-à-tout a tenté sans succès de renverser la direction au printemps dernier. UnifiedPost a toutefois annoncé dans la foulée la cession de plusieurs filiales, des opérations qui visent avant tout à redresser les finances et les marges du groupe. Du côté des analystes, Berenberg reste à l’achat et Michael Roeg de Degroof Petercam continue de tabler sur une amélioration progressive des résultats après le creux de 2023.

Eternelle promesse, IBA a su s’imposer comme leader mondial de la protonthérapie, une forme de radiothérapie contre le cancer plus précise, mais aussi plus coûteuse. La société néolouvaniste affiche malgré tout un carnet de commandes bien fourni depuis de longues années, mais peine toujours à l’exécuter avec des marges correctes. IBA vise à atteindre une marge opérationnelle de 10% en 2026 (après la chute à 0,1% en 2023) tout en maintenant une croissance des ventes de 15% par an. Sur cette base, le titre pourrait connaître une nouvelle période faste, à la condition d’éviter tout nouveau couac.

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