Placement: l’eau reste une opportunité 
de long terme

Les nouvelles réglementations et les conséquences du changement climatique restent les forces qui vont soutenir les perspectives du secteur de l’eau durant les prochaines années.

Dieter Küffer est actif dans la gestion depuis plus de 35 ans. Après un passage chez UBS et UBS Asset Management (entre 1988 et 2001), il a rejoint Sustainable Asset Management (SAM) où il lance la stratégie Sustainable Water en 2001. Suite à l’acquisition de SAM par Robeco (en 2006), la taille de sa stratégie va progressivement augmenter pour dépasser aujourd’hui les 3 milliards d’euros, avec une performance annualisée qui a dépassé 10% durant la dernière décennie. Il est aujourd’hui un des rares gestionnaires de fonds thématiques qui soit resté à la tête d’une même stratégie depuis plus de 20 ans.

TRENDS-TENDANCES. Quel regard portez-vous sur les 23 années passées à la tête du fonds RobecoSAM Sustainable Water Equities ?

Dieter Küffer

DIETER KÜFFER. Lorsque j’ai commencé à gérer cette stratégie, le changement climatique était évoqué dans le monde scientifique, mais n’était pas encore un thème important dans la population. Cette thématique est aujourd’hui centrale dans notre thèse d’investissement, avec des événements extrêmes qui ont eu tendance à se multiplier ces dernières années. Dans le domaine de l’investissement durable et thématique, nous avons clairement été des pionniers. Au lancement du fonds, nous avions un univers de seulement 80 sociétés avec une exposition suffisamment importante sur la thématique de l’eau, et notre univers s’est progressivement étendu pour compter aujourd’hui près de 200 noms.

Quels sont les principaux axes de cette stratégie ?

Avec RobecoSAM Sustainable Water Equities, nous cherchons à être investi sur l’ensemble de la chaîne de valeur, qui va des gestionnaires du réseau de distribution aux fournisseurs de canalisations et de pompes, en passant par les sociétés qui testent la qualité de l’eau, celles qui proposent des solutions de filtration, ou dans celles qui proposent les équipements industriels. Nous avons donc beaucoup de moteurs différents, qui permettent en principe d’avoir une performance assez régulière sur le long terme.

“La thématique du changement climatique est aujourd’hui centrale dans notre thèse d’investissement.”

Quels sont les principaux soutiens de long terme ?

Tout d’abord, je l’ai déjà évoqué, l’augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes entraîne des besoins plus importants, par exemple pour limiter l’impact des inondations. Les solutions liées au recyclage des eaux usagées ou à la désalinisation de l’eau de mer bénéficient également d’investissements importants dans les zones qui souffrent ponctuellement de stress hydrique. Enfin, il faut également inclure dans cet ensemble les sociétés qui proposent des solutions pour limiter le gaspillage d’eau potable, que ce soit en améliorant l’infrastructure de distribution d’eau ou en améliorant les processus de production.

Est-ce que la pression réglementaire est également un facteur de plus en plus présent ?

Oui, car toutes les activités humaines sont susceptibles de provoquer une pollution des eaux douces. Les législations qui sont actuellement mises en place sont de plus en plus strictes, avec par exemple la loi sur les PFAS aux Etats-Unis, un composant chimique qui ne se détériore pas et qui se retrouve désormais un peu partout dans la nature. Elle va nécessiter d’importants investissements de la part des sociétés de distribution pour tester la qualité de l’eau et la nettoyer de ces composants problématiques. Il faudra également nettoyer certains sites industriels, et vous avez en Belgique un exemple avec l’usine 3M à Anvers dont le nettoyage nécessitera un investissement qui pourrait se monter à 500 millions d’euros. L’ensemble de ces problématiques va créer des opportunités pour les sociétés spécialisées dans le traitement des eaux usées.

Est-ce que vous êtes également exposés sur le problème de la pollution plastique dans les océans ?

Pas directement, car il n’existe pas encore de sociétés cotées actives sur ce segment. Mais le traitement des eaux douces est intrinsèquement de nature à réduire la pollution dans les océans.

Comment se traduit cet équilibre thématique dans le portefeuille ?

Le positionnement est directement lié à l’analyse fondamentale des sociétés. Notre exposition sur la distribution d’eau est relativement limitée (autour de 10% des encours), car nous préférons être exposés par le biais des entreprises qui vont fournir les tuyaux, les pompes, les équipements de test ou de traitement des eaux. Le secteur de la distribution d’eau est aujourd’hui soumis à d’importantes pressions réglementaires qui vont peser sur les marges durant les prochaines années. Ensuite, le poids des différentes positions provient essentiellement des sociétés pour lesquelles nous avons les plus fortes convictions, où la valorisation est la plus attractive avec une liquidité suffisante. Au vu de la taille de notre stratégie, les petites et moyennes capitalisations auront naturellement un poids moins important (entre 0,5% et 1,5% des actifs sous gestion). Enfin, les sociétés doivent également dégager au moins 20% de leur chiffre d’affaires d’activités liées à l’eau, avec l’ambition d’atteindre un poids moyen de 50% au niveau de l’ensemble du portefeuille.

“Le secteur de la distribution d’eau est aujourd’hui soumis à d’importantes pressions réglementaires qui vont peser sur les marges durant les prochaines années.”

Vous ne faites jamais d’exception à cette règle ?

En général, non. Mais pour certaines sociétés, comme celles qui fournissent des systèmes avancés pour tester la qualité de l’eau (chromatographie liquide, spectromètre de masse, etc.), nous faisons parfois une exception. Ces sociétés ne pourraient tout simplement pas être rentables si elles dépendaient uniquement du secteur de l’eau, et ces solutions sont essentielles pour notre thématique. Dans l’ensemble, nous avons un portefeuille qui investit dans 70 sociétés (avec 30 à 40% des encours sur les 10 plus grosses positions), avec un taux de rotation assez faible d’une année à l’autre (autour de 20%).

La performance du secteur de l’eau a été moins favorable ces dernières années…

Nous avons clairement souffert par rapport au marché qui a ­profité de la performance des Magnificent Seven, même si notre sélection de titres individuels a réalisé une bonne performance. Notre philosophie de gestion nous empêche toutefois d’être exposés sur ces grands noms technologiques, même s’il existe une opportunité de long terme liée à l’industrie des semi-conducteurs. Pour produire les fines plaques utilisées pour fabriquer les composants électroniques, ces groupes ont des besoins importants d’eau de qualité ultra-pure, car la moindre impureté peut rendre inutilisable les plaques produites.

Les investisseurs vous sont ­restés fidèles ?

Dans l’ensemble, nos actifs sous gestion ont un peu souffert de la sous-performance relative des deux dernières années. Durant ma carrière à la tête du fonds, j’ai toutefois déjà traversé des périodes identiques, et il n’y a aucune raison de changer de cap en raison d’une tendance de court terme sur un autre secteur, d’autant que les fondamentaux du secteur de l’eau restent forts pour le moyen et le long terme.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content