Le cash n’est plus “king”

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Alors que les stratégistes des grands gestionnaires pointent la nécessité d’avoir désormais une exposition plus équilibrée entre actions et obligations, ce sont les actifs monétaires qui doivent être désormais évités.

Les économistes et les stratégistes des grandes sociétés de gestion se sont livrés ces dernières semaines au petit jeu des prévisions pour l’année qui va démarrer. Après un exercice 2023 qui aura finalement été assez favorable pour les investisseurs, notamment ceux qui s’étaient aventurés sur les grandes valeurs technologiques américaines, les perspectives pour les prochains mois semblent être plus diversifiées qu’il y a un an.

Premièrement, les gestionnaires sont désormais convaincus qu’un effondrement économique n’est probablement pas à l’ordre du jour, notamment grâce à la résilience de la consommation et des marchés du travail, même si le Vieux Continent devrait flirter avec la récession durant les prochains mois. Deuxièmement, le combat contre l’inflation est en passe d’être gagné, avec des prix qui sont en train de refluer un peu partout grâce notamment à la déflation importée de Chine et à la normalisation sur les chaînes d’approvisionnement.

Et troisièmement, ils sont aujourd’hui convaincus que la détente des taux est acquise pour les prochains trimestres. Si le timing n’est pas encore clair, une première baisse (qu’elle provienne de la Banque centrale européenne ou la Réserve fédérale) est probable d’ici la fin du premier semestre, avec une ampleur qui devrait aller de 0,75 à 1% pour l’ensemble de 2024.

Dans ce contexte, les placements monétaires doivent être évités car les conditions de refinancement seront nettement moins favorables d’ici 12 mois, ce qui milite aujourd’hui pour profiter des taux élevés sur des émissions obligataires à 5-10 ans afin de cristalliser ces rendements attractifs dans les portefeuilles. ” Il existe aujourd’hui de nombreuses opportunités pour fixer des rendements obligataires compris entre 3 et 4% dans les portefeuilles pour plusieurs années “, constate Vincent Juvyns, global market strategist chez JPMorgan Asset Management.


De nombreux stratégistes soulignent également que la hausse des taux à 10 ans sur la dette américaine durant les dernières semaines limite aujourd’hui le potentiel d’appréciation de ce segment du marché. Les adjudications des bons du trésor américain pourraient également devenir plus difficiles dans un contexte où de nombreux acheteurs de dette souveraine américaine ont réduit leur exposition sur cette classe d’actifs depuis la crise de 2008, ce qui devrait provoquer une volatilité plus importante que d’habitude sur le taux à 10 ans vu les volumes à refinancer en 2024.


Dans l’ensemble, les gestionnaires estiment que le contexte de détente des politiques monétaires devrait fournir de nombreuses opportunités pour dynamiser l’épargne des investisseurs. Laurent Denize, global CIO chez Oddo BHF Asset Management, souligne ainsi privilégier une exposition 50/50 pour le début 2024, ” avant d’augmenter progressivement l’allocation sur les actions lorsque les banques centrales commenceront leur détente monétaire “.

Voici les placements qui sont le plus souvent recommandés par les stratégistes.

1. Actions de croissance

En dépit de leur belle performance en 2023, les actions technologiques ne reçoivent pratiquement pas de vote de défiance. Elles devraient continuer à bénéficier d’une croissance solide de leur activité avec des résultats résilients, et affichent généralement des trésoreries nettes positives, de sorte que les taux structurellement plus élevés constituent un soutien à leurs résultats. ” Dans un contexte d’incertitude macroéconomique qui continuera à prévaloir indépendamment de la volatilité à court terme, nous privilégions les thèmes de croissance structurels à long terme, tels que l’innovation (y compris l’IA), les infrastructures et une économie à faible émission de carbone “, estime Fabiana Fedeli, CIO equities chez M&G Investments.

2. Actions défensives

Dans un contexte économique marqué par un ralentissement et des taux directeurs qui vont progressivement s’orienter à la baisse, Kevin Thozet, membre du comité d’investissement chez Carmignac, estime que les facteurs de support devraient devenir meilleurs pour l’ensemble de la cote. ” Nous recommandons aujourd’hui une diversification vers des secteurs plus défensifs comme les soins de santé ou les valeurs liées à la consommation “, dit-il.

Le point d’entrée sur les petites et moyennes capitalisations constituera un vrai moteur de performance pour les prochains mois.

Laurent Denize (Oddo BHF Asset Management)

3. Petites et moyennes capitalisations

” Dans un contexte où la récession est évitée, le point d’entrée sur les petites et moyennes capitalisations constituera un vrai moteur de performance pour les prochains mois”, selon Laurent Denize, “avec une décote qui n’a plus été observée sur cette classe d’actifs depuis 15 ans “. Un avis partagé par Andrew McCaffery, global CIO chez Fidelity International, qui rappelle que les moyennes capitalisations américaines n’ont pas suivi la performance des Magnificent Seven en 2023, ” avec des valorisations qui sont souvent raisonnables pour ces sociétés bien gérées qui conservent des perspectives de croissance solides “.

4. Actions émergentes

Si peu de stratégistes recommandent actuellement une exposition sur la Chine en raison des problèmes structurels rencontrés par ce pays, ils soulignent souvent l’attrait des pays émergents pour les investisseurs, en raison des perspectives de croissance plus rapides et des valorisations plus favorables. Vincent Mortier, group CIO chez Amundi, constate ainsi que ces marchés devraient être bien orientés dans un monde qui sera de plus en plus fragmenté. ” Nous sommes plus particulièrement constructifs sur les perspectives des marchés asiatiques, notamment en raison de leur résilience politique, avec des économies domestiques relativement ­immunisées du contexte global, indique-t-il. Ne pas être exposé ­en Asie serait une grande erreur “.

5. Obligations d’entreprise de qualité

La dette d’entreprise de bonne qualité (Investment Grade) constitue une opportunité claire pour fixer les rendements dans les portefeuilles pour une durée de 5 à 10 ans, avec une préférence pour l’Europe en s’exposant sur un des nombreux fonds à maturité qui ont été lancés ces derniers mois. Andrew McCaffery indique notamment que ” la dette Investment Grade sur des maturités intermédiaires offre des perspectives favorables, en particulier si un ralentissement économique plus prononcé venait à se ­produire “.

6. Obligations à haut rendement

Le récent changement de discours de la Réserve fédérale ouvre aujourd’hui la porte à une détente monétaire durant le premier semestre 2024, ce qui est une bonne nouvelle pour la dette à haut rendement et (surtout) pour la capacité des émetteurs à faire face à leurs échéances futures. ” Nous avons récemment commencé à relever notre exposition sur ce segment du marché afin de profiter de conditions financières qui devraient être plus favorables que prévu “, précise Vincent Juvyns.

La dette émergente est également d’une classe d’actifs que les investisseurs se doivent de considérer à l’heure actuelle.

Vincent Juvyns (JPMorgan Asset Management)

7. Dette émergente

La dette émergente devrait profiter de devises qui ont été fortement dépréciées face au dollar américain, avec des banques centrales qui sont aujourd’hui déjà en train d’abaisser leur taux directeur.
” Il s’agit également d’une classe d’actifs que les investisseurs se doivent de considérer à l’heure actuelle, notamment sur les ­émissions en devises locales “, indique encore Vincent Juvyns.

Nous recommandons une diversification vers des secteurs plus défensifs comme les soins de santé ou les valeurs liées à la consommation. “

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