La troisième vie d’UCB
Survolant le reste de la cote bruxelloise cette année, UCB est au-devant d’une nouvelle phase de croissance. Le potentiel à moyen terme demeure ainsi réel malgré des ratios de valorisation plus tendus.
Née de la fusion en 1928 de plusieurs entreprises chimiques belges, UCB a été essentiellement active dans la chimie industrielle durant plus d’un demi-siècle. Dès les années 1950, l’ancienne Union chimique belge s’intéresse toutefois à la pharmacie, comme de nombreux pairs. Dans un premier temps, la réussite n’est pas véritablement au rendez-vous.
Le groupe a même eu la très mauvaise idée de commercialiser le diéthylstilbestrol sous le nom de Distilbène. Un traitement préventif des fausses couches qui s’est avéré responsable de nombreuses malformations jusqu’à son retrait dans les années 1970. Une page sombre qui n’est toujours pas complètement tournée, le groupe ayant déjà été condamné à indemniser des victimes de troisième génération (petits-enfants des personnes ayant pris du Distilbène).
De groupe chimique à pharmaceutique
Toutefois, les seventies ne sont pas qu’un mauvais souvenir pour UCB. Elles marquent aussi le lancement de sa deuxième vie avec les découvertes de la cetirizine et du lévétiracétam. Le premier est l’ingrédient actif du Zyrtec, antihistaminique dont les ventes annuelles culmineront à près de deux milliards de dollars en 2007, année de l’expiration de son brevet aux États-Unis, le jour de Noël. Le deuxième a donné naissance à l’antiépileptique Keppra, un autre blockbuster.
Ces deux médicaments ont été déterminants dans la décision d’UCB d’abandonner la chimie en 2004 pour se concentrer pleinement sur la pharmacie. Le groupe a ainsi utilisé le produit de la vente de ses activités historiques pour réaliser deux acquisitions majeures dans la biopharmacie : Celltech et Schwarz qui lui amèneront le Cimzia, le Vimpat et le Neupro.
Si ces médicaments ont permis à UCB de se recentrer stratégiquement, ils n’ont pas assuré de réelle croissance rentable. En 20 ans, son bénéfice net a ainsi globalement stagné, passant de 339 millions d’euros en 2003 à 343 millions en 2023.
Troisième vie dans la biopharmacie
Le groupe a toutefois mis à profit ces dernières années pour préparer minutieusement sa troisième vie. Ayant tiré les leçons de sa mauvaise préparation aux pertes des brevets du Zyrtec et du Keppra, UCB a pris les devants. Que cela soit en interne avec le développement de son pipeline de produits expérimentaux ou en externe avec les rachats de deux biotechs américaines pour près de 4 milliards d’euros (Ra Pharmaceuticals début 2020 et Zogenix en 2022).
L’arrivée à échéance des brevets du Vimpat (2022) et du Cimzia (2024), ses (ex-) médicaments phares en termes de ventes, a ainsi été vécue assez sereinement. D’autant plus que le Cimzia est assez difficile à copier, la concurrence de produits biosimilaires (génériques pour les médicaments biologiques) n’étant pas attendue avant 2027.
Reprise de la croissance
En termes de résultats, l’année 2023 a marqué un creux et UCB a déjà renoué avec la croissance au premier semestre. Ses ventes ont ainsi bondi de 8% grâce à un ensemble de traitements récemment commercialisés : Bimzelx contre le psoriasis (programme interne), antiépileptique Fintepla (Zogenix), Zilucoplan (Ra Pharmaceuticals) et Rystiggo (programme interne) contre la myasthénie grave généralisée. Le groupe a aussi empoché 228 millions de revenus divers pour l’Evenity, traitement de l’ostéoporose chez les femmes ménopausées découvert par UCB et codéveloppé avec Amgen, qui assure aussi l’essentiel de la commercialisation.Et ce n’est qu’un début. Des indications supplémentaires sont en cours de développement pour ces traitements.
David Seynnaeve, analyste chez Degroof Petercam, évalue ainsi le potentiel commercial total du Bimzelx à 6 milliards d’euros en 2032, davantage que le chiffre d’affaires total d’UCB en 2023. Et le groupe peut encore s’appuyer sur un ensemble de programmes expérimentaux comme le Staccato Alprazolam, un traitement de secours pour les crises d’épilepsie, le dapirolizumab pegol contre le lupus ou deux molécules testées contre l’eczéma.
“Nous entamons une période de croissance d’au moins 10 ans, qui s’appuie sur notre capacité à découvrir et à développer des molécules différenciées”, déclarait ainsi Jean-Christophe Tellier, directeur général d’UCB, en début d’année.
Priorités stratégiques
Afin de ne pas se perdre dans les méandres de la R&D (recherche et développement), particulièrement tortueux dans le domaine pharmaceutique, le groupe a défini trois priorités stratégiques : la neurologie (épilepsie, parkinson, alzheimer, etc.), l’immunologie (psoriasis, lupus, arthrite rhumatoïde, etc.) et les maladies rares (myasthénie, myopathie, etc.).Avec un certain succès
puisqu’UCB a été classée deuxième entreprise pharmaceutique la plus innovante sur le marché américain de 2023 par FirstWordPharma. Une efficacité qui est évidemment déterminante et a permis au groupe de multiplier les autorisations de mise sur le marché.Après une
hausse de 150% en un an, UCB pèse désormais 33 milliards d’euros, uniquement dépassé par AB InBev sur Euronext Bruxelles. Conséquence de cette progression, les ratios de valorisation se sont fortement tendus. Le groupe biopharmaceutique cote ainsi 40 fois ses bénéfices réalisés, même en tenant compte de ses chiffres ajustés (n’intégrant pas l’amortissement des frais de recherche capitalisés – essentiellement par les sociétés rachetées).
UCB a été classée deuxième entreprise pharmaceutique la plus innovante sur le marché américain de 2023 par FirstWordPharma.
Cependant, ses profits devraient augmenter assez rapidement. UCB, habituellement plutôt conservatrice dans ses prévisions, table ainsi sur un chiffre d’affaires de près 5,7 milliards d’euros cette année, soit une hausse de plus de 8%. En 2025, la croissance devrait s’accompagner d’une forte amélioration de la rentabilité grâce aux ventes à plein régime des nouveaux médicaments. La marge brute d’exploitation devrait ainsi atteindre 30% contre environ 24% en 2024.
Cette double tendance favorable devrait assurer une hausse rapide des résultats. Sur la base du consensus des analystes pour 2025, UCB s’échange à 23 fois les bénéfices, ce qui est élevé sans être excessif.
D’autant plus que les prévisions pour les années suivantes restent extrêmement positives.
Analystes positifs
Dans ce contexte, les analystes demeurent largement positifs avec 14 conseils d’achat, 6 avis neutre et 0 vendre. Évidemment, le titre ne doublera pas au cours de la prochaine année. Les analystes visent ainsi en moyenne un objectif de cours de 177,90 d’euros à 12 mois.
Mais dans une perspective de long terme, UCB n’est encore qu’au début d’une longue période de croissance. Tenant compte des amples flux de trésorerie attendus, le groupe pourra aisément rembourser les dettes issues de ses deux récentes acquisitions (Ra Pharmaceuticals et Zogenix), les principales échéances étant prévues en 2027 et 2028. Il pourra ensuite envisager une meilleure rémunération pour ses actionnaires (hausse plus marquée du dividende ou rachat d’actions propres) et/ou de nouvelles acquisitions pour accélérer sa croissance et maximaliser l’utilisation de ses outils.
Le principal risque semble politique comme l’a démontré la correction d’UCB et de l’ensemble du secteur la semaine dernière, après que Donald Trump a annoncé vouloir nommer le militant antivaccin Robert Kennedy au poste de secrétaire à la Santé. Il ne sera toutefois nommé que s’il est confirmé par le Sénat, ce qui ne sera pas une sinécure vu ses positions extrêmes (allant jusqu’à condamner le lait pasteurisé). Et s’il l’est, les observateurs s’interrogent sur sa capacité d’action alors que son programme bousculerait d’importants constituants de la base électorale de Donald Trump.
UCB à prix réduit
Si le profil d’UCB vous intéresse, mais que vous trouvez le titre un peu cher, vous pouvez opter pour la Financière de Tubize. L’essentiel des avoirs de ce monoholding est une participation de contrôle de 36,2% dans le groupe biopharmaceutique. Structurellement, une action Tubize vaut actuellement 1,58 action UCB — 0,70 euro (représentant la dette nette de Tubize). À l’heure d’écrire ces lignes, sa valeur intrinsèque atteint ainsi 261 euros. Son cours n’étant que de 130 euros, sa décote dépasse les 50% !
Évidemment, cette décote ne disparaîtra pas de sitôt, sauf dans le cas où UCB serait la cible d’un rachat. Ce qui est très improbable, Tubize cadenassant l’actionnariat. Joren Van Aken, analyste chez Degroof Petercam, anticipe toutefois une normalisation de la décote vers sa moyenne historique de 35%, ce qui représente un potentiel de gain de 30% sans tenir compte de l’évolution d’UCB.
En outre, la décote vous permet de profiter davantage des programmes de rémunération de l’actionnaire qui pourraient être décidés par UCB. Ce qu’on peut déjà observer depuis cinq ans. Entre 2017 et 2023, le dividende du monoholding a ainsi augmenté de 73% contre 14% pour le coupon du groupe biopharmaceutique.
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