Les stratégies de type “value” se sont montrées particulièrement efficaces durant les cinq dernières années, notamment suite à la renaissance du secteur bancaire.
Durant les 20 dernières années, les trajectoires économiques de l’Europe et des États-Unis se sont fortement écartées, avec pour conséquence une différence de performance croissante au niveau des marchés boursiers. Depuis le début 2025, les indices européens ont fortement rebondi, avec une progression moyenne de 18,5% pour les fonds repris dans notre tableau. Les produits sélectionnés affichent au moins trois étoiles Morningstar et une stratégie investissant en zone euro ou Europe (incluant Royaume-Uni et Suisse).
Alors que les marchés américains ont récemment repris leur marche en avant vers de nouveaux records, la question est aujourd’hui de savoir si le rebond européen est appelé à se maintenir. Il faut tout d’abord constater que si la performance dégagée depuis le début de l’année est impressionnante, la moyenne annualisée sur cinq ans n’est pas en reste (15,1% en moyenne), avec une domination des stratégies value. Ce rebond s’explique en grande partie par la renaissance du secteur bancaire, sur lequel la plupart de ces stratégies ont été exposées.
Elles investissent souvent dans des actions qui distribuent des dividendes élevés (rendement moyen supérieur à 4%), avec 68% des encours sur les grandes capitalisations, contre 23% sur les moyennes et 5% sur les petites capitalisations. Enfin, les meilleurs fonds sur cinq ans ont été généralement ceux qui ont la liberté d’investir également en dehors de la zone euro.
M&G (Lux) European Strategic Value en tête du classement
En tête du classement, le fonds M&G (Lux) European Strategic Value est ainsi investi à près de 25% sur le marché britannique, à plus de 35% sur des petites et moyennes capitalisations, avec un rendement proche de 4,3%. Parmi les principales positions du fonds, nous trouvons des noms bien connus comme Siemens, BBVA, Novo Nordisk, ArcelorMittal, UCB, Tesco, RWE ou Nordea. “Au début de l’année, l’écart de valorisation entre les actions européennes et américaines avait atteint un niveau extrêmement élevé, notamment en raison de la rhétorique de l’exceptionnalisme américain opposé au déclin européen”.
En plus de ce constat, Richard Halle, gestionnaire du fonds, souligne que la rhétorique douanière de l’administration Trump et l’important plan de baisse d’impôts (la fameuse Big Beautiful Bill) a toutefois eu pour conséquence une hausse de l’incertitude concernant la trajectoire économique américaine. “Il y a une prise de conscience que la trajectoire budgétaire est insoutenable”, ajoute le gestionnaire du fonds.
Le désengagement des États-Unis du conflit en Ukraine a également entraîné une hausse des dépenses budgétaires consacrées aux projets d’infrastructure et aux programmes de défense, notamment dans la plus grande économie de la zone euro, l’Allemagne. “Même si la politique douanière de Trump représente un élément négatif pour la région, il est probable que l’économie européenne devrait se montrer résiliente”, affirme Richard Halle (M&G) pour qui, “la performance robuste, depuis le début de l’année, semble démontrer que le sentiment des investisseurs sur les actions européennes a changé”.
“La performance robuste, depuis le début de l’année, semble démontrer que le sentiment des investisseurs sur les actions européennes a changé”. – Richard Halle (M&G)

Changement de paradigme
Chez JPMorgan Asset Management, Michael Barakos, gestionnaire du fonds JPM Strategic Value Europe, soulignait récemment que “les étoiles sont alignées pour un retour en force des actions européennes, avec une politique monétaire qui a évolué rapidement pour soutenir l’économie, et une politique budgétaire qui prend le relais. Pour une économie en faible croissance, il s’agit d’un changement de paradigme avec d’autres annonces qui pourraient être faites dans d’autres pays avant la fin de l’année”.
Dans l’ensemble, Richard Halle estime que l’environnement actuel reste favorable aux actions value. “La plupart des sociétés qui vont bénéficier de la hausse des dépenses budgétaires pour réindustrialiser l’Europe se trouvent aujourd’hui dans ce segment du marché, notamment le secteur bancaire, la construction ou les industrielles. En outre, l’écart de valorisation entre l’Europe et les États-Unis reste encore sur un niveau élevé en dépit du rebond européen en 2025.
“L’environnement économique a entraîné une rotation sectorielle qui a profité aux secteurs domestiques.” – Isaac Chebar (DNCA Finance)
Pour rappel, les stratégies value s’opposent généralement aux stratégies de croissance car elles privilégient des entreprises affichant une valorisation décotée par rapport à leurs fondamentaux, en tablant sur un retour à la normale à moyen terme. “Fondamentalement, vous ne pouvez pas avoir toujours raison, et vous allez investir dans des entreprises dont la valorisation ne va pas se redresser. Toutefois, une majorité des entreprises décotées ont des modèles d’entreprise solides qui sont occultés par des faiblesses à court terme”, explique Andrew Lyddon, gestionnaire du fonds Schroder ISF European Value. Ce dernier précise “qu’il ne faut toutefois pas être trop prudent au risque est de ne pas investir dans des opportunités d’investissement excitantes.”
Tendances structurelles
“Notre but est d’identifier ces entreprises durant les périodes où les autres investisseurs refusent de s’exposer sur une situation qu’ils considèrent comme risquée”, ajoute Andrew Lyddon. Un bon exemple est le retard pris par une banque comme Société Générale durant les dernières années, en raison d’une performance opérationnelle qui était en retard par rapport au reste du secteur bancaire. “Il a suffi d’une amélioration de la trajectoire bénéficiaire pour voir le titre plus que doubler durant l’année écoulée.”
DNCA Finance est une société de gestion spécialisée sur les stratégies value, et il n’est donc pas étonnant de retrouver dans ce classement le fonds DNCA Invest Value Europe, une stratégie gérée depuis près de 20 ans par Isaac Chebar. “L’environnement économique a entraîné une rotation sectorielle qui a profité aux secteurs domestiques, au détriment des actions de croissance davantage tournées vers l’international, explique-t-il. Dans ce contexte, notre faible exposition sur des segments comme le luxe ou l’automobile ont joué en notre faveur durant le premier semestre.” Ici aussi, c’est notamment la Société Générale qui a été la principale contribution positive à la performance du fonds durant les premiers mois de 2025. “Nous avons rééquilibré notre exposition entre valeurs cycliques et défensives, afin de profiter des tendances de croissance structurelle en Europe”, détaille Isaac Chebar.
Le style value a continué de progresser
Enfin, chez Rothschild & Co Asset Management, Anthony Bailly, gestionnaire du fonds R-Co Conviction Equity Value, souligne que le style value a continué de progresser durant les mois d’été. “Nous restons persuadés que la redynamisation de la zone euro est en cours, comme en témoigne l’évolution des derniers indices d’activité au niveau manufacturier, dit-il. Le style value devrait également profiter d’un environnement de taux plus favorable et notre portefeuille privilégie actuellement les secteurs cycliques qui bénéficieront des mesures de relance économique.”