Fonds: l’heure d’un retour des “small caps” est-elle venue ?
Après un exercice 2023 qui a encore vu les petites capitalisations perdre du terrain face aux grandes valeurs, l’heure d’un retour des “small caps” est-elle venue?
Les fonds investis sur les petites et moyennes capitalisations (PMC) ont traversé plusieurs années difficiles. Nous avons repris dans notre tableau une sélection des meilleurs fonds investis sur les petites et moyennes capitalisations européennes, ayant des encours supérieurs à 100 millions d’euros, un historique de performance supérieur à cinq ans, et une notation d’au moins trois étoiles chez Morningstar. En 2023, ces produits ont grimpé en moyenne de 11%, contre une hausse proche de 19% pour l’indice Euro Stoxx 50. Ce groupe de fonds est loin d’être homogène. Certains produits ont une approche fortement basée sur la value et le rendement, tandis que d’autres vont préférer les valeurs de croissance. De même, les gestionnaires auront souvent tendance à surpondérer les groupes locaux, tandis que l’approche peut être strictement centrée sur la zone euro, ou inclure l’ensemble de l’Europe (y compris le Royaume-Uni).
Au niveau sectoriel, ce sont les valeurs industrielles qui sont le plus fortement représentées dans les fonds PMC, avec en moyenne 30% des actifs sous gestion, mais avec des pondérations qui varient entre 12 et 63% des encours. Enfin, certains fonds peuvent avoir des approches davantage exposées sur les plus petites capitalisations, tandis que d’autres seront quasi exclusivement exposées sur des moyennes capitalisations plus liquides. Sur le long terme (à 10 ans), les différences entre les fonds ont tendance à s’estomper, avec une performance moyenne tournant autour de 6,9% pour ceux ayant un historique aussi long.
Profils diversifiés
En tête du classement, nous trouvons le fonds DNCA Invest Archer Mid-Cap Europe, le seul à se voir octroyer une notation cinq étoiles chez Morningstar. Don Fitzgerald, son gestionnaire, a réussi à creuser l’écart par rapport à ses concurrents, tant dans les périodes haussières que baissières. “L’appellation Archer vient de notre volonté de cibler les entreprises affichant d’excellents fondamentaux avec une valorisation attractive.”
Alken Small Cap Europe est le plus proche suiveur avec une progression annualisée supérieure à 9% sur les cinq dernières années. L’approche est ici résolument orientée vers les actions value, et Nicolas Walewski apprécie détenir des segments qui ne sont pas appréciés des autres fonds PMC, comme les services pétroliers ou les ressources naturelles. Ce positionnement totalement atypique explique une performance à trois ans très largement supérieure à la moyenne, le fonds ayant été en mesure de dégager une performance très positive durant la très difficile année 2022.
“Le marché s’est assaini car les groupes ont adapté leur modèle pour devenir rentables plus rapidement.”
Augustin Lecoq (Mandarine Gestion)
A l’inverse, Rik Dhoest, gestionnaire du fonds Naglemackers – Equity Small & Mid Cap Fund, privilégie une exposition sur les valeurs de croissance, avec 75% des encours investis en Belgique et aux Pays-Bas. “Nous avons comme philosophie de conserver les valeurs quand elles grandissent. Notre principale position est d’ailleurs ASM International, que nous avons acheté lors du lancement du fonds en 2016 et que nous ne serions plus aujourd’hui en mesure d’acquérir.” Le fonds qu’il gère est le plus fortement exposé sur la technologie, avec plus de 40% des actifs sous gestion. A l’autre extrême, le fonds Mandarine Europe Microcap est le seul de notre échantillon à être exclusivement exposé sur les plus petites capitalisations, un problème qu’Augustin Lecoq compense en étant diversifié sur 200 lignes individuelles pour limiter le risque. Le portefeuille a également un fort accent scandinave, une région qui pèse environ 40% des encours.
Ecart de performance
Depuis la mi-2021, l’écart de performance entre les PMC et les grandes capitalisations s’est creusé en Europe. “Les raisons de cette mauvaise performance sont nombreuses, rappelle Stéphanie Bobtcheff, gestionnaire du fonds Echiquier Agenor SRI Mid Cap Europe, mais la première est que nous sommes partis d’un moment où les valorisations des PMC étaient particulièrement élevées.”
Elles ont également été impactées par la hausse des taux, qui a pénalisé les valeurs de croissance, ou par la hausse des frais de financement. De même, l’attente d’une récession en Europe a joué en défaveur de ce segment, les PMC étant sous pression lorsque le risque économique est perçu comme élevé ou croissant. Enfin, les sorties importantes des capitaux vers les grandes capitalisations liquides ou vers les produits passifs ont également contribué à peser sur ces valeurs moins liquides.
“Nous devrions avoir un environnement beaucoup plus dynamique en 2024 en termes de fusions et acquisitions.”
Stéphanie Bobtcheff (La Financière de l’Echiquier)
A tel point que la décote a aujourd’hui atteint des niveaux historiquement élevés. “Sur les plus petites capitalisations, la valorisation est tombée sur des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis la faillite de Lehman Brothers”, souligne Augustin Lecoq (Mandarine Gestion). S’il concède qu’une partie de cette méforme a été causée par les sociétés fortement déficitaires qui brûlaient beaucoup de liquidités, le gestionnaire estime que “le marché s’est assaini car les groupes ont adapté leur modèle pour devenir rentables plus rapidement”.
“L’appellation Archer vient de notre volonté de cibler les entreprises affichant d’excellents fondamentaux avec une valorisation attractive.”
Don Fitzgerald (DNCA)
“Il s’agit presque d’une aberration, renchérit Don Fitzgerald (DNCA), et de nombreuses sociétés cotées sont aujourd’hui retirées de la Bourse par des familles, des industriels ou les groupes spécialisés dans le private equity. Nous avons eu trois rachats par an durant les cinq dernières années sur des sociétés que nous avions en portefeuille, et nous pensons que ce phénomène devrait continuer dans le contexte actuel.”
Un avis partagé par Stéphanie Bobtcheff (La Financière de l’Echiquier) qui constate qu’il y a beaucoup d’argent sur le marché en attente d’être activé. “Nous devrions avoir un environnement beaucoup plus dynamique en 2024 en termes de fusions et acquisitions. En outre, si vous pensez que les indices de production ont atteint leur point bas, il s’agit généralement d’un bon moment pour revenir sur les petites capitalisations.”
Le moment de revenir
Jean-François Cardinet, gestionnaire du fonds Lazard Small Cap Euro SRI, rappelle que sur le long terme, ces petites capitalisations ont naturellement tendance à réaliser de meilleures performances boursières car elles affichent des croissances plus rapides. “Entre 2019 et 2022, les résultats des PMC ont toujours progressé plus rapidement que le reste du marché. La sous-performance accumulée au cours des dernières années est largement injustifiée.”
Mine Tezgul, gestionnaire du fonds Columbia Threadneedle – European Smaller Companies, estime également que “la hausse des taux n’a pas nécessairement impacté la performance opérationnelle des PMC. La tempête est maintenant derrière nous, et les sociétés avec des modèles d’entreprises prévisibles générant une rentabilité élevée devraient désormais retrouver une prime par rapport au reste du marché”.
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