Fonds en obligations: une thématique porteuse
Les rendements sont au plus haut depuis plus de 10 ans et le plateau atteint par les taux directeurs des grandes banques centrales a historiquement constitué un bon point d’entrée sur les obligations. De nombreux fonds permettent aujourd’hui de s’exposer à cette thématique porteuse pour 2024.
Le marché obligataire a connu une année 2023 plus calme, avec des banques centrales occidentales qui ont progressivement ralenti leur resserrement monétaire à mesure que les chiffres d’inflation se sont modérés. Les rendements ont atteint des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis une dizaine d’années, et les obligations offrent actuellement des perspectives attrayantes si les banques centrales maintiennent le statu quo, voire s’engagent dans un cycle de baisse des taux en 2024.
Pratiquement tous les spécialistes estiment aujourd’hui que ce sera bien le cas, et la question étant plutôt de savoir si la première baisse des taux interviendra plutôt au printemps ou à l’été 2024, si les Etats-Unis ou l’Europe feront le premier mouvement, et quelle sera l’ampleur de la baisse sur l’ensemble de l’année prochaine. Les stratégistes estiment également que les banques centrales vont maintenir un discours “dur” à court terme parce qu’elles ne veulent pas que les marchés anticipent trop rapidement une baisse des taux.
Détente américaine
Une croissance faible ou une récession légère est aujourd’hui attendue, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Pour Franck Dixmier, global CIO Fixed Income chez Allianz Global Investors, “la Réserve fédérale va ainsi être en mesure d’abaisser son taux directeur durant la seconde partie de 2024”. Il se montre par contre moins optimiste pour la zone euro, avec des salaires qui vont continuer de grimper trop rapidement et une inflation core qui va rester soutenue. “Nous pensons même que la Banque centrale européenne pourrait encore relever son taux directeur en fonction des données qui seront publiées.”
“Le taux à 10 ans va rester soutenu plus longtemps que les anticipations du marché.” CHRISTOPHER DEMBIK (PICTET ASSET MANAGEMENT)
Didier Borowski, chef de la macro policy research chez Amundi Investment Institute, constate pour sa part que de nombreux signaux indiquent aujourd’hui une tendance moins favorable pour l’année prochaine aux Etats-Unis. “Les ménages américains auront bientôt consommé l’excès d’épargne accumulé durant la pandémie et l’impact des grands programmes d’investissement (IRA, Chips Act) va s’éroder au fil du temps.”
Moins d’acheteurs
Si le combat contre l’inflation semble aujourd’hui gagné, les différents stratégistes estiment qu’elle restera structurellement plus élevée en raison de divers facteurs comme la transition énergétique, le vieillissement de la population, certaines mesures protectionnistes ou encore le redéploiement de capacités de production industrielles pour mieux diversifier les chaînes de production. Dans le même temps, ils sont également nombreux à souligner que la baisse du taux américain pourrait être plus limitée que par le passé en raison de la disparition de certains acheteurs traditionnels de dette américaine. “Nous pensons que le taux à 10 ans va rester soutenu plus longtemps que les anticipations du marché, notamment en raison de la moindre disponibilité de l’épargne de certains acheteurs traditionnels de la dette américaine, notamment en provenance de Chine ou du Japon”, constate Christopher Dembik, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management.
“Le taux à 10 ans américain pourrait encore descendre sous les 4%.” GILLES MOËC (AXA)
Un avis partagé par Gilles Moëc, économiste en chef du Groupe Axa, qui s’attend également à davantage de difficultés pour les Etats-Unis à se refinancer durant les prochaines années, dans un contexte où le dérapage budgétaire semble aujourd’hui totalement hors de contrôle. “Le taux à 10 ans américain pourrait encore descendre sous les 4% mais le potentiel d’atteindre un niveau significativement plus bas restera limité dans un contexte où les investisseurs risquent d’exiger une rémunération plus élevée pour détenir la dette américaine.”
Marchés souverains
Pour Kevin Thozet, membre du comité d’investissement de Carmignac, ce sont les échéances à cinq ans sur la dette souveraine qui sont aujourd’hui les plus intéressantes dans l’environnement actuel, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. “Si vous vous exposez sur les échéances plus courtes, vous faites un pari sur le timing de la détente des taux directeur. D’un autre côté, nous sommes également prudents sur la partie longue (10 ans) en raison des incertitudes quant aux importants besoins de refinancement en 2024, avec des investisseurs internationaux qui risquent d’être moins enclins à détenir des émissions à 10 ans si les taux sont trop faibles.”
Franck Dixmier (Allianz GI) se montre toutefois moins pessimiste à ce sujet-là et souligne qu’il y a actuellement 5.000 milliards de dollars dans des placements monétaires aux Etats-Unis en attente d’être réinvestis. “Nous avons toutefois vu un vrai retour des primes de terme (rémunération supplémentaire exigée par les investisseurs pour supporter le risque d’une détention à long terme d’une émission, Ndlr) et après avoir vécu pendant près de 10 ans dans un environnement contrôlé par les banques centrales, nous retrouvons aujourd’hui une vraie forme de normalité.” Au niveau de la stratégie d’investissement, il apprécie le marché américain au vu de la modération plus rapide des tensions inflationnistes sur des échéances courtes et intermédiaires plus exposées sur la détente des taux directeurs.
Avantage crédit
Si la détention de dette souveraine américaine est aujourd’hui privilégiée par plusieurs spécialistes, de même que l’allongement des maturités dans les portefeuilles pour éviter le risque lié au réinvestissement à des conditions moins favorables pour les actifs monétaires ou obligataire court, c’est toutefois le crédit aux entreprises qui remporte la majorité des votes au niveau de la stratégie d’investissement pour 2024. Si la dette de meilleure qualité (notation BBB et supérieure) recueille la majorité des suffrages, la dette à haut rendement (notation BB et inférieure) est également plébiscitée par de nombreux spécialistes dans l’hypothèse d’une absence de récession et de taux de défaut qui vont se maintenir sur des niveaux inférieurs à la moyenne historique.
Kevin Thozet estime ainsi que si le marché du crédit va rester la meilleure classe d’actifs durant les prochains trimestres en termes d’équilibre entre le risque et le rendement, “le risque sur le haut rendement n’est pas aussi important que certains investisseurs le craignent. Le niveau actuel des taux nominaux (7%) protège contre une dégradation sensible des conditions sur ce marché”. Au niveau sectoriel, il apprécie plus précisément les émetteurs qui sont en mesure de traverser les périodes de crise et qui ont démontré leur capacité à survivre dans un environnement de taux élevés comme les financières ou les groupes pétroliers.
“Compte tenu de la baisse récente des taux obligataires, il convient désormais d’être plus prudent sur la dette souveraine, estime Didier Borowski (Amundi Investment Institute). Mais nous restons positionnés sur la dette d’entreprise de bonne qualité (notation A à AAA) en Europe et aux Etats-Unis.” Il pointe également que la dette émergente présente aujourd’hui beaucoup d’attraits, tant pour la dette souveraine que pour la dette des entreprises. “Les pays émergents ont généralement mieux maîtrisé les pressions inflationnistes, leur croissance est plus solide, même si elle ralentit, et nombre d’entre eux vont poursuivre leur détente monétaire. Ils devraient également bénéficier de la faiblesse attendue du dollar en 2024.”
Fonds à potentiel
Pour les investisseurs cherchant à s’exposer sur les fondamentaux plus attractifs du marché obligataire, il existe plusieurs catégories de fonds qui sont susceptibles d’être attractifs durant les prochains trimestres. Les fonds spécialisés sur le crédit aux entreprises constituent une première forme de diversification attrayante, et plus particulièrement les nombreux fonds à maturité fixe qui ont été lancés ces derniers mois et qui permettent aujourd’hui de cristalliser un rendement attractif supérieur à 4% jusqu’en 2028 en investissant sur la dette de bonne qualité.
Il est également possible de privilégier les fonds obligataires flexibles, qui vont pouvoir s’exposer sur une large gamme d’instruments financiers (dette émergente, dette bancaire, dette d’entreprise) pour dégager des performances attrayantes. Richard Woolnough, gestionnaire du fonds M&G (Lux) Optimal Income, souligne qu’il est aujourd’hui difficile de trouver des raisons pour ne pas détenir des obligations dans les portefeuilles. “Pour les stratégies qui ont la possibilité de pouvoir être flexibles dans leur allocation obligataire, nous pensons qu’il existe actuellement une réelle opportunité pour les investisseurs car toutes les classes d’actifs obligataires ne vont toutefois pas avoir la même performance durant les prochains mois.” Il apprécie les obligations gouvernementales dans un environnement de recul des tensions inflationnistes, avec des maturités longues pour profiter de la baisse à venir des taux longs. “Nous avons également eu tendance à renforcer notre exposition sur les obligations d’entreprise de bonne qualité, au détriment de la dette à haut rendement suite à la récente surperformance de ce segment.”
Stratégies flexibles
Les fonds mixtes flexibles vont également figurer parmi les principaux bénéficiaires de cette tendance, et plus particulièrement les fonds prudents (comme DNCA Invest Eurose, Echiquier ARTY SRI ou Ethna SICAV-AKTIV) qui ont été contraints de conserver des expositions obligataires élevées durant les 10 dernières années, avec des performances qui ont été progressivement mises sous pression même si les gestionnaires s’exposaient au maximum de leurs marges de manœuvre sur les marchés boursiers.
Ces dernières années, les investisseurs avaient eu tendance à préférer les fonds flexibles plus agressifs sur les marchés boursiers (comme R-Co Valor ou Flossbach von Storch Multiple Opportunities) qui pouvaient même se passer totalement d’une exposition sur les marchés obligataires et dont la performance a souvent été beaucoup plus attractive. Depuis plusieurs mois, c’est toutefois le mouvement inverse qui est observé, avec les fonds agressifs qui ont progressivement repris une exposition sur les obligations tandis que les fonds prudents ont réduit la voilure sur les Bourses.
Allocation haute
Baptiste Planchard souligne que l’exposition sur les actions est aujourd’hui sur un point bas dans la composition du portefeuille de DNCA Invest Eurose alors qu’elle a toujours été au maximum de ses limites (entre 30 et 35% des encours) entre 2016 et 2020. “Le risque obligataire est aujourd’hui faible, avec des rendements attractifs pour les prochaines années (5% pour le portefeuille obligataire), en particulier sur le crédit court et sur les émetteurs de qualité. La poche obligataire représente aujourd’hui 64% des encours, principalement sur le crédit aux entreprises avec une préférence pour la dette des grands émetteurs bancaires, à quoi il faut ajouter 10% en liquidités et 2% d’obligations convertibles.”
Un mouvement comparable est à observer chez Echiquier ARTY SRI, où Olivier de Berranger souligne que la possibilité de constituer des portefeuilles obligataires sur le crédit avec 4,5% de rendement sur la dette de bonne qualité et de 7% sur le haut rendement constitue actuellement une vraie opportunité pour les investisseurs. “C’est également une stratégie que nous adoptons au niveau d’Echiquier ARTY.” Il estime que la Banque centrale européenne (BCE) sera probablement amenée à lâcher du lest assez rapidement pour ne pas étrangler l’activité économique dans une année 2024 qui sera marquée par d’importantes échéances électorales en Europe. “Notre exposition sur les obligations représente aujourd’hui 78% de nos actifs sous gestion, essentiellement sur la dette d’entreprise européenne, de long terme sur les émetteurs de bonne qualité et de court terme sur les émetteurs à haut rendement. Nous apprécions plus particulièrement la dette hybride de bons émetteurs européens (notés A ou BBB), qui est émise avec une notation haut rendement (BB) et affiche des rendements de 6,5 à 7% avec une maturité de cinq ans pour un risque très faible.
“Il existe actuellement une réelle opportunité pour les investisseurs.” RICHARD WOOLNOUGH (M&G)
Oddo BHF Asset Management présente la particularité d’offrir la gamme de fonds Polaris qui propose quatre produits selon le degré d’exposition souhaité sur les marchés boursiers. “Le portefeuille obligataire est prévu pour être défensif en vue de ne pas dupliquer le risque pris sur la partie action, qui est davantage exposée sur des actions de qualité et de croissance, indique Sophie Monnier, spécialiste Asset allocation product. Nous allons surtout chercher des obligations d’entreprise de meilleure qualité avec une exposition sur le haut rendement limitée à 10% des encours, avec un rendement de cette partie du portefeuille qui dépasse aujourd’hui 4%.” Elle souligne également que le potentiel le plus attrayant réside actuellement dans le fonds ODDO BHF Polaris Balanced qui permet d’avoir une exposition équilibrée sur les perspectives favorables offertes tant sur les actions que sur les obligations.
Retour en forme
Un symbole de ce retour en forme des fonds prudents est la notation cinq étoiles retrouvée ces derniers mois par DNCA Invest Eurose ou Ethna SICAV-AKTIV. Luca Pesarini, le gestionnaire de Ethna SICAV-AKTIV, souligne que dans un contexte où les taux directeurs vont refluer durant les prochains trimestres, l’exposition reste aujourd’hui largement axée sur les marchés obligataires. “Nous utilisons même des produits dérivés pour nous surexposer sur les marchés financiers, et ce tant pour les obligations que pour les actions. Notre exposition obligataire atteint ainsi 90% des encours sans exposition sur la dette à haut rendement, et une sensibilité importante sur la baisse des taux à 10 ans américains.” Sur la partie boursière, il estime que seules les grandes capitalisations américaines présentent actuellement un intérêt pour les investisseurs au vu des problèmes structurels en Europe et en Chine, avec une exposition de 35% des actifs sous gestion.
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