Fonds: biodiversité et circularité vont de pair
Les lancements de nouveaux produits sur ces nouvelles tendances durables se sont succédé ces dernières années, un segment qui devrait également être aidé par la mise en place de nouvelles normes au niveau international.
Après les fonds spécialisés sur la transition climatique ou sur l’efficience énergétique, la dernière tendance à la mode dans l’industrie des fonds concerne la biodiversité et l’économie circulaire, deux problématiques liées. En effet, une grande partie des pertes de biodiversité sont intrinsèquement liées à l’extraction et à la transformation de ressources naturelles.
Ce sont ainsi une dizaine de fonds qui ont fait leur apparition ces trois dernières années sur ces deux thèmes, avec des encours totaux qui atteignent environ 3,5 milliards d’euros pour l’ensemble de ces produits. Historiquement, les premiers fonds à voir le jour ont été ceux sur la mise en place d’une économie plus circulaire (à partir de 2019), suivis par les premiers fonds biodiversité (en 2020-2022). La plupart de ces fonds n’ont pas encore un historique de performance suffisamment long pour se voir octroyer une notation chez Morningstar.
ESG et MSA
Au niveau des analyses ESG, l’utilisation de données liées à la biodiversité reste encore relativement difficile à l’heure actuelle, notamment au vu de la difficulté à obtenir des données fiables pour les entreprises sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Le score MSA (Mean Species Abundance) semble aujourd’hui tenir la corde pour s’imposer comme le standard pour exprimer l’empreinte biodiversité d’une entreprise et pourrait devenir dans le futur une mesure aussi importante que les émissions de CO2 lorsqu’une société cherche à exprimer son impact sur le changement climatique.
Un score MSA de 100% indique, par exemple, que l’entreprise n’a pas d’impact sur la biodiversité et ne provoque aucune perte dans l’abondance des espèces sauvages sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. A l’inverse, un score de 0% indique une disparition totale de la biodiversité dans la chaîne de production d’une entreprise. De nombreux acteurs spécialisés (comme Iceberg Data Lab) sont en train de voir le jour afin de calculer l’empreinte biodiversité des sociétés afin d’aider les gestionnaires de portefeuilles.
Gabriel Miceli, gestionnaire du fonds Pictet-Regeneration, estime que les entreprises doivent aujourd’hui identifier les sources de pertes en biodiversité sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, ce qui est parfois difficile pour les grands groupes. “Elles vont clairement devoir engager des experts dans ce domaine. A terme, je pense que les données vont devenir plus faciles d’accès et plus fiables, notamment grâce à la pression réglementaire croissante.”
L’accent mis sur la biodiversité par les gestionnaires d’actifs est lié aux pressions qui sont en train de se mettre en place sur le secteur financier, notamment au travers de la Taskforce on nature-related financial disclosures (TNFD). L’ambition de cette initiative prise au niveau mondial est d’établir une cartographie commune des interactions entre les entreprises et le milieu naturel. Après un rapport provisoire publié en mars dernier, la TNFD devrait publier son rapport final en septembre 2023.
Langage commun
La TNFD a l’ambition de répliquer l’impact de la Taskforce on climate-related financial disclosures (TCFD). Cette base commune de lecture a permis d’accélérer la prise en compte des enjeux climatiques dans les entreprises. Dans le futur, il est vraisemblable que le rapport final de la TNFD va servir de base de travail pour les différents régulateurs, et sera utilisée par le secteur financier et les gestionnaires de fonds pour dialoguer avec les entreprises et rediriger les flux financiers (crédits et investissements) vers des sociétés ou des activités qui permettent de protéger ou restaurer la biodiversité.
“Nous allons avoir besoin d’investissements massifs pour permettre de stopper les pertes nettes de biodiversité.”
“La mise en place de la TNFD a le potentiel de servir de catalyseur pour l’investissement dans la biodiversité, à l’image de ce que la TCFD a eu comme impact sur notre approche du changement climatique, souligne Tom Atkinson, gestionnaire du fonds Axa WF-ACT Biodiversity. Le changement ne se fera pas du jour au lendemain mais ce devrait être le premier pas dans la direction d’un langage commun. Les pressions réglementaires vont devenir de plus en plus contraignantes.”
Mélange des genres
La plupart des produits repris dans notre tableau ci-dessous répondent aux conditions de l’article 9 de la réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et vont être investis plus ou moins fortement dans l’économie circulaire et dans la biodiversité. La politique d’investissement du fonds Axa WF-ACT Biodiversity reprend ainsi la circularité et le recyclage comme un des quatre thèmes centraux de sa stratégie d’investissement. “D’ici 2030, nous allons avoir besoin d’investissements massifs pour permettre de stopper les pertes nettes de biodiversité, souligne Tom Atkinson, ce qui va nécessiter de doubler ou tripler le niveau actuel des investissements (200 milliards de dollars par an) et va offrir des opportunités aux investisseurs.”
Si l’accent est surtout mis sur la protection et la réduction des pertes de biodiversité à l’heure actuelle, l’ambition de nombreux gestionnaires est, à long terme, de pouvoir également investir sur des acteurs qui vont être en mesure d’avoir un impact positif sur cette problématique. C’est notamment le cas du fonds Pictet-Regeneration, le dernier fonds thématique lancé par le gestionnaire suisse Pictet Asset Management.
Pour son gestionnaire Gabriel Miceli, “la biodiversité est le problème le plus important auquel la planète fait actuellement face et c’est la limite planétaire qui est la plus menacée”. Il rappelle que 50% du PIB mondial est lié à l’exploitation des ressources naturelles et que nous avons déjà perdu deux tiers des espèces vivantes depuis les années 1970.
“En outre, 90% des pertes de biodiversité sont liées de près ou de loin à l’extraction ou à l’exploitation de ressources naturelles”, ajoute-t-il. En dépit des efforts fournis pour rendre nos économies plus circulaires, seulement 8% des matériaux proviennent aujourd’hui de sources circulaires. “Notre ambition dans ce fonds sera, à terme, d’investir dans des entreprises qui vont permettre de régénérer cette biodiversité planétaire.”
“Le meilleur incitant pour pousser une entreprise à changer est d’avoir une valorisation moins élevée que ses concurrents plus vertueux.”
Gabriel Miceli s’attend ainsi à une croissance annualisée tournant autour de 10% par an des entreprises dans lesquelles il investit. Cette croissance devrait être relativement indépendante de la direction des économies. Il souligne que les entreprises avec des mauvais scores en termes de biodiversité risquent à terme de réaliser des performances boursières moins brillantes que les entreprises avec de bons scores, à mesure que les acteurs financiers vont commencer à intégrer ces mesures extra-financières dans leurs décisions d’allocation. “Le meilleur incitant pour pousser une entreprise à changer est d’avoir une valorisation moins élevée que ses concurrents plus vertueux.”
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