Epargne: le come-back des obligations
Déçu de la lente remontée des taux sur les livrets, l’épargnant belge est à la recherche de rendement, comme l’a montré le succès fulgurant du bon d’Etat Van Peteghem. Pourtant, les conditions sont loin d’être mirobolantes et il est possible de trouver nettement mieux sur les marchés.
Même avec un précompte réduit à 15% (au lieu de 30%), le bon d’Etat à un an promu par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem affiche un rendement net (2,81%) bien inférieur à l’inflation actuelle. A titre de comparaison, l’obligation de la Belgique arrivant à échéance le 22 octobre 2024, soit à peu près la même durée, affiche aujourd’hui un rendement de 3,43%. Ce dernier est de plus largement défiscalisé puisqu’il est essentiellement constitué d’une plus-value (lire l’encadré “la fiscalité particulière des obligations”).
Une arnaque, le bon Van Peteghem? “Pas du tout, répond Vincent Juvyns, global market strategist chez JP Morgan. Le bon d’Etat dispose de deux importants avantages par rapport à un achat d’obligations classique: vous pouvez investir dès 100 euros et les frais d’achat sont limités.” Dans le cas du bon Van Peteghem, les grandes banques du pays ont même accepté de ne prélever aucune commission.
Comparativement, l’achat d’une obligation est plus complexe. La première étape est de vous assurer que le titre qui vous intéresse est bel et bien disponible auprès de votre banque/courtier, ce qui est loin de toujours être le cas.
Frais et taxes
Le deuxième obstacle, ce sont les frais. En optant pour un courtier en ligne, vous devriez au moins échapper aux frais récurrents comme les droits de garde ou les frais d’encaissement de coupons. Mais pas aux commissions d’achat. Dans le cas d’une nouvelle émission (marché primaire), elles sont généralement fixes. En février dernier, l’obligation verte de Colruyt incluait par exemple 18,75 euros de commission par coupure de 1.000 euros (soit 1,875%).
Si vous investissez sur le marché secondaire (achat d’obligations après l’émission), vous devrez tout d’abord payer des frais de transaction qui peuvent globalement aller de 0,25% à 1% et plus en fonction de votre banque/courtier. Vous devrez aussi vous acquitter d’une taxe sur les opérations boursières de 0,12%. Et enfin, n’espérez pas revendre rapidement votre titre au même prix. Sur les marchés obligataires, il existe une différence entre prix acheteur et vendeur qui peut être sensible pour les titres avec peu d’échanges.
Au final, l’achat d’une obligation classique pour une durée courte comme le bon Van Peteghem n’est pas du tout indiqué. Vous devrez au moins vous engager sur des durées de trois à quatre ans pour amortir les frais.
Impact des taux
Même avec un tel horizon, Vincent Juvyns recommande toutefois d’investir en obligations par le biais de fonds. “Les marchés obligataires sont assez complexes et il n’est pas toujours aisé de dénicher les opportunités. Et surtout, un fonds a l’énorme avantage d’offrir une grande diversification, ce qui n’est pas toujours évident en obligations. De nombreuses émissions prévoient des coupures très élevées de 100.000 euros et plus.”
A noter qu’un investissement dans un fonds d’obligations a la particularité d’être toujours pleinement investi. Cela peut sembler anodin, mais cela a un impact sur votre rendement. Quand vous achetez une obligation directement, c’est généralement pour la garder jusqu’à l’échéance. Sauf problèmes (faillite…), votre gain correspond ainsi au rendement prévu lors de l’achat du titre.
Ce qui n’est pas le cas pour un fonds. Votre gain dépend de la valeur du fonds au moment de la revente et donc des cours des obligations en portefeuille. Or, les cours des obligations varient suivant un ensemble de paramètres dont avant tout les taux de référence. Plus les taux montent, plus les cours baissent, ce qui explique que les fonds en obligations ont connu une très mauvaise année 2022.
On peut donc y voir un risque supplémentaire. Mais en période de baisse de taux, il s’agit d’une opportunité puisque les cours montent. Or, la plupart des observateurs estiment que le pic des taux est aujourd’hui assez proche sur les marchés obligataires, ce qui pourrait soutenir le rendement des fonds en obligations au cours de prochaines années.
Obligations sûres
Concrètement, dans quels fonds obligataires investir? Le spécialiste de JP Morgan conseille tout d’abord les compartiments investissant en obligations souveraines, tout particulièrement des Etats-Unis. “Le rendement du bon du Trésor américain à 10 ans atteint 4,2%. Même en couvrant le risque de change, cela reste mieux que les titres de référence dans la zone euro.”
Par ailleurs, Vincent Juvyns recommande également les obligations d’entreprises dites investment grade (IG), c’est-à-dire de bonne qualité (notation financière d’au moins BBB). “Le rendement moyen en euros de ces obligations est actuellement de 4,4% alors que le risque de défaut (synonyme de perte pour les investisseurs en obligations, Ndlr) est très limité.” L’agence Standard & Poor’s a recensé en une décennie trois défauts d’émetteurs avec un rating IG dans les 12 mois précédents, contre 914 pour les émetteurs dits spéculatifs avec une moins bonne note.
Diversification
Enfin, Vincent Juvyns épingle les obligations des pays émergents en devises locales à titre de diversification. “Ce segment est globalement plus risqué, mais il offre aussi un potentiel supérieur. Par exemple, le rendement réel (après déduction de l’inflation locale, Ndlr) des obligations du Brésil est de 8%, au Mexique de 7% et en Colombie de 6%.”
A noter que le fonds JPMorgan Funds – Global Bond Opportunities Fund (ISIN: LU0890597635 ; frais annuels de 1,20% ; investissement minimum de 35.000 dollars) mise sur ces trois segments et intègre une couverture de change par rapport à l’euro. Il s’agit toutefois d’un fonds de capitalisation ne distribuant pas de revenu récurrent.
Investissements directs
Vous préférez constituer vous-même votre portefeuille? Votre banque pourra vous renseigner sur les émissions et titres disponibles via son intermédiaire. Pour un maximum de choix, il est préférable d’investir au moins via deux établissements (par exemple chez un courtier en ligne en plus de votre banque habituelle). Certains vous proposent même des listes d’obligations recommandées pour les particuliers (avec des coupures réduites). Vous en trouverez un bref aperçu dans le tableau ci-dessous.
Nous avons privilégié les obligations cotant sous le prix de remboursement (100%, aussi appelé le pair) qui sont plus intéressantes d’un point de vue fiscal (Voir l’encadré “La fiscalité particulière des obligations”).
A noter qu’en tant que particulier, il vous sera plus difficile de couvrir le risque de change à un coût raisonnable. Les investissements en devises ne doivent donc pas être pris à la légère. L’exemple le plus parlant est celui de la Turquie. Si vous aviez investi dans une obligation en lires turques il y a deux ans, vous auriez subi une lourde perte malgré des taux de 15% à 20% par an. La devise a en effet perdu les deux tiers de sa valeur depuis lors.
Via une branche 21
Outre les fonds, il existe un autre moyen détourné d’investir en obligations: la branche 21, également surnommée assurance épargne. Ce type de contrat d’assurance-vie bénéficie d’une solide protection: garantie du capital, mécanisme de protection des dépôts (100.000 euros par personne et par établissement) et taux minimum garanti. Ce dernier est complété de participations bénéficiaires dont le niveau dépend des performances du portefeuille d’investissement de la compagnie, essentiellement composé d’obligations.
Régulièrement comparée au compte d’épargne, la branche 21 présente toutefois une fiscalité bien différente. D’une part, une taxe d’assurance de 2% est prélevée sur chaque versement. D’autre part, le rendement est exonéré de précompte mobilier uniquement si le contrat a au moins 8 ans et 1 jour – à noter que seule la date de début du contrat importe, pas les dates de versement.
Par ailleurs, il est nécessaire de tenir à l’œil l’ensemble des coûts: frais d’entrée (à chaque versement) qui dépendent du produit et de votre intermédiaire, frais de rachat (retraits) et frais de gestion. N’hésitez pas à faire jouer la concurrence, les promotions étant courantes.
A noter que les compagnies proposent souvent différents contrats, avec davantage de garantie (taux de base plus élevé, moins de participations bénéficiaires) ou ciblant un rendement potentiellement meilleur (taux de base moindre, participations bénéficiaires plus élevées).
Immobilier décoté
Les amateurs belges de rendement (récurrent) ont également pour habitude de se tourner vers l’immobilier. Force est toutefois de constater que les rendements locatifs n’ont pas suivi l’envolée des taux. Selon les données de Statbel, les loyers ont augmenté de 9,6% en deux ans alors que le prix des appartements a progressé de 7,8%.
En supposant un rendement locatif de 4% en 2021, il est aujourd’hui de 4,1%, une hausse qui ne compense pas le renchérissement du coût du crédit ou du précompte immobilier. De plus, le temps nécessaire pour gérer des biens immobiliers et les perspectives d’investissement (mise aux normes énergétiques) sont sans commune mesure avec un compte d’épargne.
L’alternative réside ainsi plutôt dans les actions de sociétés immobilières qui ont corrigé bien plus fortement que les prix de l’immobilier. En Bourse, beaucoup présentent ainsi une décote par rapport à la valeur de leur portefeuille immobilier (valeur intrinsèque). Ce qui est notamment le cas des principales sociétés immobilières réglementées belges (voir tableau ci-contre intitulé “Sociétés immobilières réglementées belges”). Ne perdez toutefois pas de vue que les cours des actions immobilières peuvent connaître d’importants soubresauts, il est donc nécessaire d’investir à long terme.
La fiscalité particulière des obligations
Lorsque vous achetez une obligation, un précompte mobilier de 30% est prélevé sur les intérêts perçus. Le traitement de la plus-value est par contre plus complexe. Vous devez payer le précompte sur la différence entre le prix d’émission initial et le prix de remboursement final. Actuellement, vous pouvez toutefois acheter des obligations sur le marché secondaire à un cours bien inférieur au prix d’émission. Cette différence n’est pas imposée (que vous revendiez ultérieurement le titre ou que vous attendiez l’échéance). Les fonds en obligations sont aussi soumis au précompte mobilier de 30%, tant sur les coupons que les plus-values depuis l’instauration de la taxe Reynders en 2006.
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