De nouvelles opportunités grâce à la baisse des taux directeurs: une nette reprise sur le crédit

Christine Lagarde, BCE © Getty Images

Que ce soit sur la dette de bonne qualité ou sur le haut rendement, la baisse des taux directeurs offre aujourd’hui l’opportunité de fixer des rendements historiquement élevés sur la dette d’entreprise.

Les fonds exposés sur la dette d’entreprise constituent un groupe très diversifié, avec des produits exposés spécifiquement sur un segment particulier (dette bancaire, dette à haut rendement, dette de bonne qualité) ou sur une zone géographique spécifique, avec ou sans protection contre les fluctuations des devises, voire une combinaison de ces différents éléments. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer plusieurs gestionnaires de fonds spécialisés sur cette classe d’actifs, avec des performances en 2024 qui confirment le rebond déjà observé l’année dernière.

Atterrissage en douceur

Les gestionnaires ont aujourd’hui adopté une approche basée sur un atterrissage en douceur de l’économie américaine avec une inflation qui va continuer à se modérer. “Il y a une forte corrélation de l’économie globale avec l’économie américaine, souligne Julien Houdain, head of global unconstrained fixed income chez Schroders. Le signal donné par la Réserve fédérale semble indiquer qu’elle est prête à se montrer agressive si les données économiques viennent à se désagréger durant les prochains mois et qu’elle soutiendra les marchés financiers.”

Il y a une forte corrélation de l’économie globale avec l’économie américaine.
Julien Houdain

Julien Houdain

Pour Boutaina Deixonne, head of euro credit chez AXA IM, “le cycle de baisse des taux est bel et bien entamé, et il va se poursuivre avec encore une ou deux baisses de la Fed et de la BCE d’ici la fin 2024. Traditionnellement, un cycle de détente monétaire a un impact positif pour la performance de la dette d’entreprise, en particulier pour les émetteurs à haut rendement (notations BB et inférieures) qui bénéficient d’une forte amélioration de leur coûts de financement”.

Le retour de conditions financières plus favorables pourrait entraîner un contexte plus inflationniste à partir de l’année prochaine, avec des prix de l’énergie qui restent difficiles à anticiper. Julien Houdain indique “qu’il faudra attendre les élections américaines pour être davantage fixé sur la trajectoire de l’inflation, car une élection de Donald Trump serait de nature à accélérer les anticipations de hausses”.

Le cycle de baisse des taux est bel et bien entamé.
Boutaina Deixonne

Boutaina Deixonne

Viser le coupon

En dépit de la hausse des cours de ces 18 derniers mois, les valorisations sur la dette d’entreprise restent attractives. Damir Bettini, gestionnaire de fonds chez Capital Group, souligne que si le différentiel de taux par rapport aux obligations souveraines est actuellement extrêmement faible et semble indiquer un marché relativement cher, “il faut plutôt regarder le niveau élevé du rendement qui se situe actuellement sur des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis la grande crise financière de 2007-2008. Les flux ont d’ailleurs tendance à revenir sur la dette d’entreprise dès que le rendement grimpe au-delà de 4%”.

Alors que les rendements sur les placements monétaires devraient fortement se réduire durant les prochains mois, il est aujourd’hui possible de cristalliser sur plusieurs années des rendements attractifs de 4 à 6% sur la dette d’entreprise. “Sur le long terme, la performance totale d’un fonds obligataire est liée au niveau du coupon”, indique encore Flavio Carpenzano, fixed income investment director chez Capital Group, “tout en offrant une diversification du portefeuille par rapport aux actions dans un contexte d’inflation sous contrôle et une capacité de résistance dans les conditions de marché plus difficiles”.

“La baisse des taux va aussi avoir des conséquences importantes pour les fonds monétaires, dont les encours vont être impactés durant les prochains trimestres pour se diriger vers des classes d’actifs plus rémunératrices, notamment la dette d’entreprise”, indique encore Boutaina Deixonne.

Banques et immobilier

Au niveau sectoriel, Damir Bettini apprécie les émetteurs bancaires qui affichent des rendements attractifs suite à la correction intervenue l’année dernière lors des problèmes rencontrés par les banques régionales américaines et par le Credit Suisse. “La confiance est en train de progressivement revenir sur ce segment, d’autant que le spectre d’une récession et d’une hausse des prêts problématiques s’est dissipé.” Un avis partagé par Julien Houdain. “En dépit des cicatrices laissées par la débâcle du Credit Suisse en 2023, les banques européennes sont très bien financées, affichent des ratios de solvabilité élevés et continuent d’offrir des coupons attractifs”, dit-il.

De son côté, Boutaina Deixonne met en avant le retour en grâce du secteur immobilier, le segment qui avait été le plus impacté par la hausse des taux en raison d’un niveau d’endettement élevé. “Leur situation s’est maintenant stabilisée, et devrait aller en s’améliorant durant les prochains trimestres avec un marché des transactions immobilières qui devrait revenir à la normale.”

Olivier Monnoyeur, gestionnaire sur les obligations à haut rendement chez BNP Paribas, souligne également le rôle joué par le secteur immobilier en 2024. “Au début de l’année, nous sommes arrivés à la conclusion que le pire était désormais derrière nous, et qu’il ne fallait plus rester à l’écart du secteur au vu des décotes importantes affichées par ces émissions. Nous avons d’abord ajouté des groupes défensifs, et nous avons récemment élargi notre liste d’achat suite aux baisses des taux directeurs et suite à la réouverture du marché des transactions immobilières.”

Au début de l’année, nous sommes arrivés à la conclusion que le pire était désormais derrière nous.
Olivier Monnoyeur

Olivier Monnoyeur

Un autre facteur de différenciation sur le segment du haut rendement européen a été la capacité à sortir à temps des émissions du secteur automobile lorsque le cycle a commencé à montrer des signes d’essoufflement. Olivier Monnoyeur indique que “ces deux thématiques ont fait une belle différenciation en termes de trajectoire de performance depuis le début de l’année, et nous les maintenons encore à l’heure actuelle”.

Plus défensif

Si les fondamentaux pour la dette d’entreprise restent donc favorables dans un contexte de détente des taux, les gestionnaires indiquent également que l’opportunité n’est plus aussi importante qu’au début 2023. Pour Julien Houdain, “les coupons restent attractifs (entre 3 et 6%) et les entreprises sont financièrement saines, mais la partie facile du redressement a été réalisée”.

“Les fondamentaux des entreprises restent bons pour une bonne partie des émetteurs de dette à haut rendement”. Boutaina Deixonne souligne que dans les émetteurs à haut rendement les plus risqués (notations CCC et inférieures), “les conditions restent délicates et il faut faire preuve de sélectivité”.

“Sur le marché du haut rendement européen, il y a aujourd’hui un décalage entre les fondamentaux économiques qui se dégradent et les niveaux de valorisation, ce qui nous pousse à être un peu plus prudent dans nos positionnements par rapport au début de l’été”. Olivier Monnoyeur a ainsi rééquilibré son portefeuille vers des secteurs plus défensifs comme la santé ou l’alimentation.

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