Comment mettre du social dans votre portefeuille

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Le lancement de fonds à vocation sociale a eu le vent en poupe ces dernières années, tant sur les actions que sur les obligations.

Alors que la catégorie des fonds de placement à vocation sociale n’existait pratiquement pas il y a cinq ans, ce sont aujourd’hui plus d’une dizaine de produits qui ont été lancés avec des historiques de performance qui ne dépassent pas encore les trois ans, que ce soit du côté des fonds obligataires et sur les fonds boursiers. La plupart de ces produits n’ont donc pas encore de notation chez Morningstar.

Contexte défavorable

Du côté des fonds obligataires, les différents produits aujourd’hui disponibles se sont basés sur l’émergence des obligations à vocation sociale (Social Bonds), un mouvement qui été accéléré par la pandémie de 2020-2022. De nombreux pays avaient alors réalisé de telles émissions pour pallier les conséquences de l’épidémie, en créant de fait une nouvelle classe d’obligation durables aux côtés des Green Bonds (obligations vertes). Après avoir enregistré une multiplication par 10 des émissions entre 2019 et 2021, le volume émis a eu tendance à ralentir en 2022, avant de se reprendre en 2023. La taille totale de ce marché dépasse aujourd’hui les 500 milliards d’euros.

Comme les Green Bonds, les Social Bonds sont des émissions obligataires dont la structure et le rendement sont similaires aux émissions classiques, mais elles sont soumises à des obligations de documentation détaillant la manière dont les fonds récoltés vont être utilisés. Ils vont donc viser des projets affichant des bénéfices sociaux comme la contruction de logements, la création d’emplois ou l’accès à l’éducation ou aux soins de santé. La plupart des émissions vont également viser spécifiquement une catégorie de la population, comme les personnes sans emploi, sans éducation ou vivant sous le seuil de pauvreté. Ils doivent également faire l’objet d’un reporting régulier de la part de l’émetteur.

Lancements récents

De nombreux fonds spécialisés sur cette classe d’actifs ont été lancés ces dernières années (notamment chez BNP Paribas AM, Fidelity, Goldman Sachs AM, JP Morgan AM, Axa IM, Franklin Templeton ou encore Amundi), avec des performances qui ont toutefois été mises à mal en 2022 par les hausses des taux orchestrées par les grandes banques centrales. Columbia Threadneedle fait office de précurseur sur cette catégorie avec son fonds CT (Lux) – European Social Bond lancé dès 2017, suite à la formalisation des contraintes d’émission.

Cette stratégie affiche une performance annualisée négative sur une période de trois ans (-3,34%), mais elle a bien rebondi depuis 2023 (+7,5%) et la tendance semble se poursuivre en 2024, aidée par la perspective d’une poursuite de la détente des taux directeurs durant les prochains mois. Ce produit a d’ailleurs constitué un succès commercial pour le gestionnaire anglo-saxon avec des encours qui dépassent 500 millions d’euros pour le fonds UCITS, à tel point qu’une version globale (CT (Lux) – Global Social Bond) a été lancée en décembre 2023.

Tammie Tang (Columbia Threadneedle): “L’ambition est de proposer un produit qui va aider à réduire les inégalités.”

Tammie Tang, qui gère les deux fonds, souligne que “l’ambition est de proposer un produit qui va aider à réduire les inégalités, en particulier lors des chocs économiques qui touchent plus directement les personnes dans les couches les plus défavorisées de la population”. Elle souligne que si les émissions proviennent principalement des émetteurs publics, les entreprises sont également de plus en plus présentes dans ce segment du marché, notamment les banques ou les utilities. “Nous cherchons à dégager une performance qui soit au moins en ligne avec le reste du marché obligataire, tout en construisant un portefeuille qui soit suffisamment diversifié. Nous avons ainsi examiné plus de 450 émetteurs différents depuis que nous avons lancé notre première stratégie.” Tammie Tang souligne qu’une attention particulière est portée sur le marché primaire, car c’est dans ce domaine qu’il est possible d’obtenir l’impact le plus important pour un investissement.

A côté des fonds obligataires, il existe également de nombreux fonds en actions qui recherchent activement une exposition sur les groupes “leaders” dans leur action sociale. La plupart des fonds disponibles sur le marché belge (notamment ceux de Nordea AM, Invesco, Mandarine Gestion ou Allianz GI) ont encore des encours très limités, et seuls quelques fonds affichent aujourd’hui des encours dépassant les 100 millions d’euros. Goldman Sachs Global Social Impact est une exception avec des encours supérieurs à 1 milliard d’euros, mais cette taille s’explique par la fusion (en juin 2023) de deux fonds thématiques qui n’étaient pas exclusivement liés à l’investissement social.

De nombreux fonds durables ont aussi commencé à investir sur ces thématiques sociales.

Si Sycomore Social Impact affiche le plus long historique de performance sur ce segment (plus de 10 ans) avec une exposition exclusivement européenne, c’est CPR Invest Social Impact qui affiche les encours les plus élevés avec 350 millions d’euros et une progression de plus de 30% depuis le lancement du fonds en décembre 2019. L’univers d’investissement a été défini par une méthodologie d’analyse des pratiques des différentes entreprises, sur des aspects comme la politique fiscale, la politique de rémunération, la formation, la diversité, etc. Le fonds est exposé à 50% sur les Etats-Unis, ce qui représente toutefois une sous-pondération par rapport à l’indice de référence. “Suite aux récentes élections françaises, nous avons réduit notre exposition à la France et dans une moindre mesure à l’Europe”, soulignait récemment sa gestionnaire Yasmine De Bray.

Bien-être des enfants

Enfin, il faut également constater que de nombreux fonds durables ont aussi commencé à investir sur ces thématiques sociales, qui peuvent parfois représenter une partie importante de la stratégie d’investissement. C’est le cas du fonds Triodos Future Generations, un fonds global lancé en 2022, qui est investi sur une quarantaine de petites et moyennes capitalisations, et qui vise un impact positif sur le bien-être des enfants. En outre, l’équivalent de 0,1% des encours sont versés annuellement par Triodos Investment Management pour supporter différents programmes de l’Unicef.

Sjoerd Rozing (Triodos IM): “Nous voulons être certains que les entreprises dans lesquelles nous investissons ne sont pas concernées par un comportement négatif d’un point de vue social.”

Sjoerd Rozing, gestionnaire du fonds, indique que “le secteur financier prend actuellement peu en compte les intérêts des enfants en raison d’un manque de considération des enjeux de long terme.” Le fonds est exposé sur diverses thématiques liées aux enjeux sociaux comme l’accès à la nourriture et à l’eau potable, à l’éducation, au logement et à la protection des enfants contre la violence et l’exploitation. “En raison de notre positionnement thématique sur le bien-être des enfants, la composition de notre portefeuille sur des petites sociétés va différer fortement des autres fonds durables.”

“Nous appliquons également un filtrage négatif pour être certains que les entreprises dans lesquelles nous investissons ne sont pas concernées par un comportement négatif d’un point de vue social. Il existe des secteurs sur lesquels il existe de nombreuses opportunités d’investissement liées directement au bien-être des enfants, par exemple dans les soins de santé, sur lesquels nous avons donc des pondérations plus importantes”, souligne encore Sjoerd Rozing.

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