Bourse: des opportunités à saisir dans le secteur chimique
Pris en étau entre l’envolée des prix de l’énergie et le ralentissement de l’économie, le secteur chimique a connu des années difficiles. Mais les perspectives s’améliorent désormais.
Habituellement dans le ventre mou des marchés boursiers, le secteur chimique européen s’est récemment illustré avec un rebond de plus de 12% entre début août et fin septembre. Une tendance favorable qui a profité également aux acteurs belges comme Solvay (+25% en deux mois), Azelis, Syensqo ou Tessenderlo.
Recul du pétrole et du gaz
Différents éléments peuvent expliquer cette soudaine accélération après une première partie d’année mitigée. Premièrement, les cours du pétrole ont nettement baissé, le baril de Brent étant passé de 82 dollars à la mi-août à 69 dollars en septembre. La légère rechute des actions chimiques début octobre coïncide d’ailleurs avec une remontée du prix du pétrole, en raison du regain de tension entre l’Iran et Israël.
En Europe, les prix du gaz se sont également détendus après le net rebond observé au mois de juillet. Par ailleurs, les grands groupes chimiques européens ont réduit structurellement leurs productions les plus intensives en énergie en Europe, alors que les prix du gaz sont toujours deux fois plus élevés qu’avant la guerre en Ukrain
Reprise conjoncturelle
Le deuxième facteur ayant boosté les valeurs chimiques, et cycliques en général, est l’amélioration des perspectives économiques. La Banque centrale européenne et la Réserve fédérale américaine ont toutes deux baissé leurs taux directeurs en septembre, une politique monétaire de nature à soutenir la confiance et à réduire les coûts de financement.
Ce qui se reflète déjà sur les indicateurs économiques qui semblent avoir atteint un plancher. Tout particulièrement aux États-Unis où les créations d’emplois ont rebondi en septembre à un plus haut sur six mois.
En Asie, le vaste plan de relance monétaire et budgétaire dévoilé par la Chine devrait contribuer à la reprise de la demande dans des secteurs comme les matières premières et la chimie.
Restructuration de BASF
Le dernier élément favorable au secteur en septembre est l’annonce d’une vaste réorganisation par BASF. Le numéro un mondial de la chimie va se recentrer sur quatre activités principales : produits intermédiaires, matériaux, solutions industrielles ainsi que nutrition et santé.
Les autres activités seront scindées et BASF envisage différentes pistes stratégiques comme une introduction en Bourse de sa division agricole (herbicides, fongicides, etc.). Les pôles revêtements (peintures, etc.) et catalyseurs pour batteries devraient également quitter le giron du groupe (par vente, fusion, introduction en Bourse).
Même si cette réorganisation était largement attendue, la réaction positive des marchés demeure notable puisque BASF a également annoncé une réduction d’un tiers de son dividende. Ce qui témoigne des faibles attentes entourant le secteur chimique.
Rachat de Covestro
La réorganisation d’un géant comme BASF pourrait-elle marquer le début d’un mouvement de plus vaste ampleur ? Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc) semble en tout cas croire que les cours actuels ne reflètent pas pleinement la valeur des entreprises dans le secteur.
Le groupe pétrolier émirati a proposé de racheter Covestro, ancienne filiale plastiques et polymères de Bayer, pour 11,7 milliards d’euros, soit 62 euros par action. Ce qui représente une prime de 54% par rapport au cours de clôture du 19 juin 2023, juste avant que l’agence Bloomberg ne révèle l’existence de négociations avec Adnoc – qui ont traîné en longueur sur la question du prix et en raison de la sensibilité politique du dossier. Adnoc est également en discussion avec le groupe autrichien OMV en vue d’un rapprochement de leurs activités pétrochimiques.
Au début de ce mois, le groupe chimique néerlandais Akzo Nobel a pour sa part annoncé le lancement d’une revue stratégique de ses activités afin de dégager des moyens pour soutenir ses métiers de base, comme les peintures et revêtements.
Croissance supérieure à la moyenne
Parallèlement à ces revues stratégiques, permettant aux différents acteurs de s’adapter à un environnement changeant, Khaled Salmeen, responsable des activités aval (dont la chimie) d’Adnoc, rappelait que cela reste un secteur de croissance. “Nous estimons que les fondamentaux de la chimie sont solides. (…) Le secteur connaîtra une croissance supérieure au PIB d’ici 2050.”
D’une part, le secteur chimique demeure un fournisseur incontournable de l’ensemble de l’économie, transformant des matières premières en dizaines de milliers de produits présents dans tout ce qui nous entoure. Cela va de produits de protection des plantes aux solvants utilisés dans la fabrication de semi-conducteurs faisant tourner notre monde numérique en passant par quantité d’ingrédients utilisés en pharmacie ou les caractères que vous êtes en train de lire.
Chimie verte
C’est toutefois aussi un secteur très polluant : premier consommateur d’énergie industrielle et troisième en termes d’émissions directes de CO2 selon l’Agence internationale de l’énergie. Il défraie aussi régulièrement la chronique en raison de rejets toxiques comme les PFAS récemment.
Mais il est tout autant indispensable aux solutions de transition : matériaux pour batteries et pâles d’éoliennes, fluides frigorigènes des pompes à chaleur, solvants pour les installations de capture du CO2, bioproduits (médicaments, alimentation, emballages…), etc.
Selon McKinsey, la transition vers une chimie durable peut également offrir des opportunités au secteur chimique européen, alors que les prix de différents produits de base devraient rester sous pression en raison de surcapacités de production.
Selon McKinsey, la transition vers une chimie durable peut également offrir des opportunités au secteur chimique européen.
“Les prix plus élevés pour des produits chimiques plus durables ne sont plus seulement théoriques. Par exemple, les matières plastiques recyclées de haute qualité actuellement disponibles ont un prix supérieur de 60 % à ceux produits à partir de matières premières vierges. Les prix d’achat affichés pour le polyéthylène téréphtalate (PET) recyclé chimiquement sont généralement de 25% à 50 % plus élevés que pour le PET ‘vierge’.”
Un leader décoté
Dans cet environnement, les faibles valorisations des groupes chimiques européens peuvent offrir des opportunités. BASF apparaît être un choix logique, d’autant plus que le géant allemand entend accélérer sa transition en portant la part de produits plus durables que la moyenne de 41% à 50% d’ici 2030.
En termes de valorisation, le géant cote sept fois ses bénéfices de 2021 (14 fois le consensus pour 2024). Les analystes semblent ainsi plutôt confiants. La majorité d’entre eux ont aujourd’hui un conseil d’achat sur Bayer et JP Morgan, dernier analyste qui recommandait de vendre le titre, a relevé son conseil à neutre la semaine dernière.
Le rebond de BASF, qui cote la moitié de ses sommets de 2018, pourrait être d’autant plus rapide si la reprise économique se concrétise.
Quatuor européen
À noter que les fonds indiciels sont peu indiqués pour miser sur une reprise du secteur chimique européen en raison de la prédominance d’Air Liquide, qui pèse à lui seul plus de 30% du Stoxx 600 Chemicals. Le groupe français profite de la forte croissance structurelle de sa niche de marché (gaz industriels) et ne présente pas du tout le même profil que les acteurs chimiques traditionnels. Il affiche par exemple un rapport cours/bénéfice, prévu pour 2024, de près de 30.
Givaudan et Symrise, qui représentent à eux deux 21% de l’indice, sont dans le même cas. Ces deux groupes bénéficient de l’expansion rapide du marché des parfums et arômes, mais affichent des niveaux de valorisation élevés.
Le géant français Arkema (matériaux de spécialité, chimie verte, 10 fois les bénéfices prévus 2024), Akzo Nobel (peintures et revêtements, 17 fois les bénéfices 2024), le groupe allemand Brenntag (distribution de produits chimiques, 15 fois les bénéfices 2024) ou l’entreprise suisse Clariant (chimie de spécialité dont les pigments, 14 fois les bénéfices 2024) sont ainsi de meilleurs candidats à un redressement du secteur chimique
Opportunités belges
Euronext Bruxelles héberge également plusieurs opportunités à ce niveau comme Syensqo qui affiche toujours une baisse de 17% depuis le début de l’année ayant aggravé sa “décote injustifiée” selon Frank Claassen de Degroof Petercam. L’analyste l’évalue à plus de 30% par rapport aux entreprises comparables, alors qu’il table sur une double reprise prochaine des volumes écoulés (au 3e trimestre 2024) et des prix (1er trimestre 2025) et que le titre ne cote que 13 fois le bénéfice prévu cette année. Rappelons que la société scindée de Solvay est leader mondial des marchés des polymères spéciaux, des composites, des tensioactifs, des réactifs miniers et de la vanilline naturelle.
Solvay, recentré sur la chimie de commodité (carbonate de soude, peroxydes, silices), a connu un net redressement en Bourse cette année avec une hausse de 32%, ce qui limite son potentiel à court terme. Mais le titre reste intéressant pour les amateurs de dividende, étant donné son rendement net de 4,6%.
Azelis est la valeur chimique belge préférée des analystes avec 10 conseils d’achat et quatre avis neutres. Le distributeur de produits chimiques fournit plus de 63.000 clients partout dans le monde, surtout dans les segments des sciences du vivant et de la chimie de spécialité. Sa stratégie de consolidation lui permet d’afficher une solide croissance structurelle. En termes de valorisation, le titre cote 19 fois le bénéfice prévu cette année, mais ses profits devraient rapidement reprendre de la hauteur (hausse de 13% du bénéfice par action attendue en 2025).
Tessenderlo, actif sur certaines niches comme la gélatine ou les engrais spéciaux, est par contre moins plébiscité par les analystes après un premier semestre très décevant.
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