Bourse: comment consolider votre portefeuille?

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Menace de récession, inflation persistante, hausse des taux, résultats incertains, craintes d’une bulle: la multiplication des risques pousse les investisseurs vers les secteurs défensifs. Quels sont ceux offrant la meilleure protection et comment y investir?

Après un premier semestre d’excellente facture, les Bourses font face à d’innombrables tensions. Les deux principaux moteurs de la récente hausse, à savoir les résultats d’entreprises et le boom de l’intelligence artificielle (IA), risquent notamment de s’essouffler. Les actions liées à l’IA ont en effet déjà fortement progressé comme l’illustrent les Magnificent Seven (Apple, Alphabet, Amazon, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla). Ces sept géants technologiques affichent un rapport cours/bénéfice moyen de 46 pour 2023, quasiment le triple de la moyenne du reste de l’indice américain élargi S&P 500.

Par ailleurs, nombre d’analystes redoutent que les prochains résultats d’entreprises ne soient pas aussi favorables. Les chiffres du premier trimestre publiés au printemps dernier avaient largement dépassé les attentes mais la conjoncture économique montre des signes de fébrilité.

Dans la zone euro, le très suivi indice PMI composite a chuté de 54,1 en avril à 50,3 en juin. Ce qui suggère une quasi-stagnation de l’activité qui pourrait se muer en contraction si l’indice poursuit sa chute sous 50,0. Aux Etats-Unis, les économistes s’inquiètent du resserrement des conditions de crédit dans le sillage du relèvement des taux de la Réserve fédérale américaine et d’une succession de faillites de banques régionales.

Stratégistes prudents

Or, si l’économie ralentit et que la demande faiblit, les entreprises risquent ainsi de ne plus parvenir à relever sensiblement leurs prix pour compenser l’inflation des coûts, dont l’augmentation des salaires. Les analystes ont ainsi revu leurs prévisions à la baisse ces derniers mois et s’attendent désormais à une baisse des bénéfices pour le deuxième trimestre des deux côtés de l’Atlantique.

Dans cet environnement, les stratégistes sont plutôt sur la défensive en ce début de second semestre. Les plus pessimistes estiment que la hausse observée depuis octobre n’est qu’un rebond temporaire dans un marché baissier de long terme. Beaucoup d’autres soulignent que les marchés doivent reprendre leur souffle.

Les secteurs de la consommation courante et des soins de santé sont les plus cités.

Aux Etats-Unis, ils s’attendent en moyenne à ce que le S&P 500 recule de 6% d’ici la fin décembre selon une enquête de l’agence Bloomberg. Le secteur technologique concentre les craintes alors que le Nasdaq 100, indice des grandes entreprises de croissance américaines, a connu le meilleur premier semestre de son histoire. Les actions cycliques sont aussi en perte de vitesse au vu du ralentissement économique. De Morgan Stanley à Belfius en passant par Carmignac ou Standard Chartered, les stratégistes privilégient ainsi les secteurs défensifs.

Les secteurs de la consommation courante et des soins de santé sont à ce niveau largement les plus cités en vue du second semestre. Le premier englobe les produits de base que les consommateurs achètent au quotidien. C’est-à-dire les entreprises qui fabriquent et distribuent des produits tels que de l’alimentation, des boissons et des produits d’hygiène personnelle. Les achats de tels produits courants sont traditionnellement peu sensibles à l’environnement économique.

Ce qui est évidemment encore plus vrai pour les soins de santé. Kevin Thozet, membre du comité d’investissement de Carmignac, épingle ainsi que le secteur a l’avantage de combiner résilience à court terme et perspectives de croissance à long terme.

Vive la consommation

Revenons tout d’abord en détail sur le premier secteur, la consommation courante. Historiquement, il présente une volatilité bien inférieure à la moyenne durant les périodes de tension sur les marchés. C’était d’ailleurs le secteur sur lequel il fallait miser en janvier 2022.

Le MSCI World Consumer Staples, indice des grandes entreprises mondiales du secteur, a en effet progressé entre janvier 2022 et avril 2023 alors que les Bourses ont plongé. Il a toutefois connu un passage à vide en mai dernier alors que sa valorisation tendue (prime de 15% sur la base du ratio cours/bénéfice) s’est heurtée à une actualité moins favorable. Unilever et Nestlé ont chuté après l’annonce du départ de leur directeur financier respectif. Début mai, Tyson Foods, leader mondial de produits à base de viande, avait également émis un avertissement sur résultats, la hausse de ses coûts finissant par éroder ses marges.

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La semaine dernière, General Mills (marques comme Old El Paso, Cheerios, Bugles, etc.) a confirmé ces craintes. Le groupe agroalimentaire américain a indiqué que ses ventes avaient fortement ralenti ces derniers mois et table sur une croissance organique de 3% à 4% en 2023-2024 contre 10% au cours de son exercice précédent. En d’autres termes, les hausses de prix, destinées à compenser l’inflation des coûts, se traduisent par un repli de plus en plus marqué des volumes écoulés.

General Mills a également souligné que les distributeurs réduisaient leurs stocks, ce qui n’est pas bon signe selon Ken Goldman. L’analyste de JP Morgan souligne que l’ampleur de la baisse des stocks implique que les détaillants anticipent un recul de la demande des consommateurs. Ces derniers se tournent notamment de plus en plus vers les marques de distributeurs, moins chères. Aux Etats-Unis, la part de ces marques dans les ventes était de 18,2% l’année dernière selon un baromètre de la Food Industry Association et les distributeurs ont un objectif de 22,6% à 24 mois. En Europe, elle a atteint un pic de 37% l’année dernière selon PLMA International et NielsenIQ. Les marques de distributeur sont même déjà majoritaires en Suisse (51,6%) et d’autres pays s’en rapprochent comme les Pays-Bas (44,0%), l’Espagne (43,3%) ou le Royaume-Uni (42,7%). Un segment de marché qu’il est donc indispensable d’intégrer pour profiter de la résilience de la demande de produits de consommation courante.

Pour ce faire, vous pouvez vous tourner vers les distributeurs comme l’américain Kroger qui devrait profiter de sa fusion avec Albertsons, le français Carrefour, en plein redressement stratégique, ou le britannique Tesco qui a absorbé le choc de la concurrence du hard discount. Une autre option est de cibler spécifiquement les marques de distributeur, par exemple via TreeHouse Foods, un des rares acteurs spécialisés cotés. Le groupe américain propose une large palette de produits alimentaires (snacks, confiserie, céréales, etc.) et de boissons. A 19 fois le bénéfice prévu pour cette année, sa valorisation est dans la moyenne du secteur, mais sa croissance est plus rapide.

Soins de santé mieux protégés

Le secteur des soins de santé est, à ce niveau, bien mieux protégé. La concurrence générique existe évidemment, mais elle ne dépend pas de l’environnement économique et le secteur a fini par s’y adapter 15 ans après la première “falaise des brevets” qui a vu l’expiration des brevets de nombreux médicaments phares. En Bourse, le MSCI World Health Care des grandes entreprises mondiales du secteur a connu un repli temporaire l’année dernière en raison d’un effet de comparaison défavorable au niveau des résultats, certains groupes comme Pfizer ayant bénéficié de la pandémie (vaccins, traitements, équipements). En termes de valorisation, il présente un rapport cours/bénéfice prévu en ligne avec la moyenne des Bourses.

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Enfin, son dernier atout est sa croissance à long terme, soutenue, notamment grâce au vieillissement de la population. Le MSCI World Health Care affiche ainsi un rendement annualisé de 10,75% depuis le début des données en 1994 contre 7,85% pour les marchés mondiaux. Il n’est donc guère étonnant que le secteur des soins de santé figure parmi les préférés des gestionnaires de fonds selon la dernière enquête mondiale de Bank of America.

Leaders de demain

Les prochaines années s’annoncent même très favorables selon Kevin Thozet: “les avancées de l’IA et le virage vers le contrôle des coûts renforcent l’attrait du secteur”. Pour y investir, vous pouvez notamment vous appuyer sur un fonds indiciel. L’ETF SPDR MSCI World Health Care (Euronext Amsterdam ; WHEA ; frais annuels de 0,30%) vous permet de miser facilement sur les géants mondiaux dans une perspective de long terme.

Si vous préférez une gestion plus active, le fonds Polar Capital Health Care Blue Chip a obtenu une évaluation maximale (or) et quatre étoiles de Morningstar. Ses principales positions sont Johnson & Johnson, AbbVie, Eli Lilly, Intuitive Surgical et AstraZeneca. On y retrouve ainsi de nombreux groupes appelés à dominer le secteur au cours des prochaines années, selon les prévisions d’Evaluate Pharma. Roche, AstraZeneca et Merck & co devraient bénéficier de leur avance dans l’immuno-oncologie. AbbVie est pressenti comme le prochain leader mondial grâce à une série de nouveaux médicaments. Eli Lilly jouit de bonnes perspectives notamment grâce au Mounjaro (diabète et obésité).

Ces groupes présentent des valorisations tout à fait raisonnables et globalement inférieures à la moyenne sectorielle. Novo Nordisk affiche par contre une valorisation plus tendue (31 fois les bénéfices prévus en 2023) mais son leadership dans le diabète et l’obésité lui assure une croissance rapide. A noter que le groupe danois s’est hissé au rang de deuxième entreprise européenne en termes de capitalisation boursière.

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