Anton Van Zantbeek
“En Belgique, la pression fiscale dépasse les limites de la civilisation”
“La Belgique remporte la palme en matière de fiscalité sur le travail et sur le capital. Chacun de nous paie trop d’impôt dans ce pays”, affirme Anton Van Zantbeek, avocat chez Rivus.
Du fait de la crise bancaire, la Belgique est, à contrecoeur, entrée en possession d’actions bancaires. Cela ne se limite pas à la banque d’Etat Belfius, l’État belge a aussi une participation de 10,3% dans la banque française BNP Paribas. Ce faisant, notre pays est l’actionnaire individuel le plus important de BNP Paribas. Ces participations constituent une aubaine de taille pour notre budget. La banque française verse ainsi un dividende de 346 millions, et Belfius 200 millions d’euros. C’est gentiment apprécié, en ces rudes temps budgétaires.
Les investisseurs savent cela depuis longtemps. Pour beaucoup, les dividendes sont un complément bienvenu à leur pension. Les frais imprévus ne sont de la sorte pas une source de déficit du budget familial. Plus même: si avec les dividendes ils achètent des actions qui génèrent à nouveau des dividendes, ils se constituent réellement un patrimoine. C’est le principe des intérêts composés ou des intérêts sur les intérêts. Albert Einstein appelait cet effet boule de neige la huitième merveille du monde.
Investir dans des actions à dividendes est donc futé, particulièrement si ces dividendes sont patiemment réinvestis. Le gouvernement, lui aussi, regarde cela d’un oeil approbateur. Il est celui qui retire les marrons du feu, car ces dividendes sont lourdement imposés. Les investisseurs en actions ont comblé les trous budgétaires du fait des hausses successives du précompte mobilier et de la taxe boursière. Entre-temps, on peut légitimement affirmer que les dividendes sont les revenus les plus lourdement taxés en Belgique.
L’image est quelque peu troublée par le taux d’imposition nominal. Il est de 30 % pour les dividendes et pour les revenus du travail, cela va jusqu’à 50 %. À première vue, vous diriez que les revenus du travail sont plus lourdement taxés. La pression fiscale belge sur le travail – certainement avec l’impact des cotisations sociales – fait partie des plus importantes de l’OCDE. Mais c’est également vrai pour les dividendes.
En Belgique, la pression fiscale dépasse les limites de la civilisation
Le taux d’imposition est certes inférieur, mais contrairement aux revenus du travail, les dividendes sont imposés sur le brut. Vous ne pouvez pas déduire les frais que vous faites: droits de garde, frais de courtage, taxe boursière, etc. Même si les frais de l’investisseur à dividendes sont plus élevés ou s’il a subi une énorme perte dans son portefeuille, il paiera toujours une taxe de 30% sur les dividendes perçus. Pour les revenus du travail, des taux progressifs s’appliquent par ailleurs, ainsi que toutes sortes d’avantages, comme le quotient conjugal et la réduction d’impôt pour dons ou frais de garde des enfants.
Indépendamment de cette distinction, il faut regarder la pression fiscale totale qu’un revenu subit. Pour un salaire, c’est maximum 50%. L’employeur peut déduire le salaire de son chiffre d’affaires, tout comme les autres frais. Mais ce n’est pas le cas pour un dividende. Les dividendes ne sont pas fiscalement déductibles pour une société. Ensuite, il y a encore l’impôt des sociétés. Celui-ci s’élève actuellement à quelque 34%.
La pression fiscale combinée sur les dividendes belges est donc de 54%. Sur 100 euros de bénéfice réalisé par une entreprise, 54 vont vers les caisses de l’État. Il reste à peine 46 % pour l’actionnaire. Pour un dividende étranger, c’est encore plus grave. Si nous partons des mêmes taux d’impôt des sociétés et de précompte mobilier, la pression fiscale s’élève dans ce cas à 68%. L’actionnaire en est pour ses frais, avec 32% net.
Ceci n’est pas un plaidoyer pour un tax shift inversé, mais bien un appel pour un débat fiscal honnête. La Belgique décroche mondialement la palme en matière d’impôt sur le travail et sur le capital. Chacun de nous paie trop d’impôt dans ce pays. Les impôts doivent diminuer et les autorités doivent apprendre à travailler dans les limites du budget disponible. Pour les dividendes, le taux du précompte mobilier ne doit pas directement être diminué. On peut également rendre les frais réalisés déductibles. Une autre piste est la diminution de l’impôt des sociétés. De cette manière, la pression fiscale sur les dividendes diminuera.
Le compositeur allemand Richard Wagner avait raison: les impôts sont le prix de la civilisation, ils n’existent pas dans la jungle. Mais en Belgique, la pression fiscale dépasse les limites de la civilisation. Un bon berger tond ses moutons, mais il ne les écorche pas.
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