Double imposition des dividendes et intérêts : le ciel s’éclaircit
Les Belges qui investissent dans des actions ou des obligations européennes le savent : déclarer les dividendes ou les intérêts peut être un calvaire. Et surtout : il est difficile de ne pas subir de double imposition. Mais une décision de justice et une nouvelle directive européenne devraient grandement faciliter et réduire la taxation.
En Europe, l’idée est généralement d’éviter une double taxation des revenus. Mais il y a des exceptions, comme les versements des dividendes ou le coupon des obligations. Si un investisseur belge détient des actions ou obligations étrangères, les dividendes sont souvent taxés doublement : une fois à la source, dans le pays d’origine, puis le reste est encore soumis au précompte mobilier (30%) en Belgique.
Il y a des accords (appelés conventions préventives de double imposition, ou CPDI) entre pays européens. C’est le cas pour notre pays et la France, par exemple. L’investisseur belge qui détient des actions cotées à Paris et qui perçoit un dividende peut déduire un forfait (quotité forfaitaire d’impôt étranger, ou QFIE, pour être précis) de 15%, en résumé, et ne doit donc plus que payer la moitié du précompte mobilier en Belgique (au vu de l’impôt déjà payé en France).
En réalité, les QFIE ne figurent plus dans la législation belge depuis 1988, et la déduction devrait donc être impossible. Mais comme la convention signée avec la France mentionne cette quotité de 15%, les tribunaux, et surtout la Cour de cassation, ont jugé que ce forfait était applicable pour les contribuables belges.
Italie et Allemagne : du changement ?
Et cela pourrait aussi être le cas pour les actions italiennes, voire allemandes, détenues par des Belges. C’est ce que montre une affaire en justice, rapporte L’Echo ce lundi. Le verdict remonte à fin 2022, mais était passé inaperçu dans le secteur, malgré sa haute importance. C’est qu’il pourrait créer un précédent et faire jurisprudence.
Pour faire simple, le tribunal de Liège a donné raison à un investisseur qui avait appliqué la déduction d’une quotité forfaitaire sur les dividendes d’actions italiennes et allemandes dans sa déclaration d’impôt. Le fisc n’était pas d’accord et l’affaire est allée en justice. Depuis le verdict, le fisc n’est toujours pas d’accord et a fait appel entre-temps.
Mais selon Denis-Emmanuel Philippe, avocat et expert de fiscalité auprès du cabinet Bloom, cité par nos confrères, le jugement sur les dividendes italiens devrait tenir la route, car la convention signée entre notre pays et Rome reprend les mêmes termes que celle signée avec Paris. Pour l’Allemagne, ce n’est pas le cas : ce jugement serait donc plus fragile et pourrait tomber en appel.
Ce que cela veut dire pour votre portefeuille et votre compte-titres : pour les dividendes d’actions de la Borsa di Milano, vous pouvez théoriquement déduire un forfait de 15%. Pour les actions cotées à la Deutsche Börse, vous pourriez être déboutés si vous le faites.
En Europe : “Faster” !
Le vent est donc en train de tourner, pour la double imposition des dividendes et des intérêts. C’est aussi le cas à échelle européenne. Le Conseil européen (qui regroupe les ministres ou chefs d’État des pays membres) a donné son feu vert à une directive appelée Faster (Plus vite, en anglais), il y a peu. L’objectif : “des procédures plus sûres et plus rapides pour obtenir une atténuation de la double imposition, ce qui contribuera à stimuler les investissements transfrontières et à lutter contre les pratiques fiscales abusives.”
L’UE constate ainsi qu’en matière de taxation des dividendes, il est très difficile de se retrouver, comme expliqué plus haut. “Bien que les traités entre États membres visent à résoudre le problème de la double imposition, en réalité, les procédures de demande de dégrèvement des retenues à la source varient considérablement d’un État membre à l’autre, ce qui engendre des procédures de dégrèvement ou de remboursement longues, coûteuses et fastidieuses. Ces procédures peuvent également être vulnérables à la fraude fiscale à grande échelle”, peut-on lire dans le communiqué.
En pratique, qu’est-ce qui change ?
Faster propose donc différentes mesures. D’abord, il y aura un certificat de résidence fiscale numérique (CRFN). Les Européens y auraient accès de manière automatisée et ce papier leur permet d’accéder aux procédures accélérées pour alléger la retenue à la source dans le pays où l’action est cotée.
Ensuite, il y aura deux procédures accélérées que les Etats devront mettre en place (ils peuvent combiner les deux), en plus de la procédure normale actuelle. D’un côté, l’idée est d’immédiatement appliquer le taux du pays où réside l’investisseur : “le taux d’imposition approprié est appliqué au moment du paiement des dividendes ou des intérêts”. Aux pays donc de s’arranger entre eux, pour le paiement de la taxe. De l’autre côté, c’est de créer un système de remboursement plus rapide, “selon lequel le remboursement de l’excédent de retenues à la source est accordé dans un délai déterminé”, et qui serait de 60 jours.
Mais cette grande facilitation ne semble pas être pour tout de suite : le Parlement européen doit d’abord donner son aval (des amendements seraient donc possibles), puis le texte est prévu pour être transposé dans la législation nationale des pays en 2028 au plus tard. Les règles doivent ensuite être d’application le premier janvier 2030 au plus tard.
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