Trump et la guerre des frites

La frite, plat préféré des Américains, pourrait être la prochaine victime collatérale des tarifs douaniers imposés par Trump.
Les frites risquent de devenir bientôt un luxe aux États-Unis. Une perspective qui promet de nombreux mécontents, puisque les Américains raffolent de frites. Pour donner un ordre d’idée, on estime que la consommation mondiale dépasse 11 milliards de kilos par an — soit près de 350 kilos de frites consommés chaque seconde (sans compter les frites faites maison). Rien qu’aux États-Unis, on en mangerait 2 milliards de kilos par an, ce qui représente un peu moins d’un cinquième de la production mondiale.
Or, depuis 2020, le pays importe plus de frites surgelées qu’il n’en produit. Même si les États-Unis cultivent la majorité de leurs pommes de terre — environ 20 milliards de kilos par an, dont un tiers est transformé en frites surgelées — ils importent également pour 1,7 milliard de dollars de frites surgelées du Canada. Ce sont d’ailleurs des frites canadiennes que l’on retrouve dans la majorité des fast-foods.
L’huile de colza
À cela s’ajoute le fait qu’un des ingrédients nécessaires à la frite parfaite est lui aussi majoritairement importé. On aimerait dire aux puristes qu’il s’agit de graisse de bœuf, mais de l’autre côté de l’Atlantique, on privilégie l’huile de colza (et plus spécifiquement de canola), voire de soja. Et ce, depuis les années 1990, à la suite d’une campagne contre les graisses animales, en partie financée par l’industrie du sucre.
Or, selon l’Association américaine du colza, 69 % de l’huile de colza utilisée aux États-Unis est importée, dont 96 % proviennent du Canada.
Pour rappel, une taxe de 25 % frappe déjà tous les produits canadiens non couverts par l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC, anciennement ALENA), y compris l’acier, l’aluminium ou les voitures. Lors du “Liberation Day”, un droit de douane supplémentaire de 25 % a été brièvement instauré sur les produits couverts par l’AEUMC (et donc sur l’huile de colza), avant d’être suspendu pour 90 jours. Mais si cette mesure devient effective après cette pause, la frite — ou plutôt l’huile qui la rend si croustillante (ou grasse, selon les points de vue) — risque d’être touchée de plein fouet selon Business Insider.
La frite était rentable
Jusqu’à présent, la frite était un produit de consommation très rentable. Peu coûteuse à produire, elle génère une marge supérieure à celle de la viande ou des légumes. Or, une hausse de 25 % supplémentaire sur l’huile de colza pourrait anéantir ces marges, surtout dans les fast-foods, où le volume compense la faible marge unitaire.
Si le prix de la pomme de terre ne représente qu’environ 10 % du coût d’un paquet de frites, l’huile de friture constitue un poste de dépense bien plus significatif, pouvant aller de 10 000 à 120 000 dollars par an selon l’établissement. La dépendance à un type précis d’huile, pour laquelle il existe peu ou pas d’alternatives abordables, rend également le secteur particulièrement vulnérable aux fluctuations de l’offre et de la demande.
Une frite désormais en option ?
Et ce d’autant plus que le prix de l’huile de colza n’a pas attendu Trump et ses droits de douanes pour augmenter. Il a déjà grimpé de 50 % depuis 2020. Face à la hausse des coûts, le principal fournisseur de frites des fast-foods américains, Lamb Weston — qui en fournit 80 % — a fermé une usine en octobre dernier, réduisant ainsi la production de 5 %. La hausse des prix a également entraîné la disparition des frites “incluses” dans de nombreux menus. Dans de plus en plus de restaurants, elles sont désormais proposées en supplément, ou servies en portions réduites. D’autres établissements ont déjà significativement augmenté leurs prix. Le prix moyen des frites chez McDonald’s est ainsi passé de 1,79 $ en 2019 à 4,19 $ en 2024 (+134 % !).
Mais augmenter les prix est à double tranchant, car si les prix continuent à augmenter, même l’amour inconditionnel des Américains pour leurs mal nommées French fries ne suffira plus à compenser l’amertume d’une note trop salée. Et ils pourraient bien se détourner en masse d’un de leur pilier culinaire.
Et la Belgique ?
La Belgique est un acteur majeur sur le marché mondial de la frite. Elle est aussi le premier producteur européen de frites surgelées, avec 2,8 millions de tonnes produites en 2022, dont 85 % ont été exportés. Le volume de frites surgelées belges exportées outre-Atlantique a été multiplié par 100 entre 2015 et 2024, passant de 1 700 tonnes à 176 000 tonnes l’an dernier.
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