Temu, Coolblue… Les tactiques des géants de l’e-commerce pour vous pousser à l’achat
Les boutiques en ligne comme Temu et Coolblue manipulent les consommateurs pour maximiser leurs ventes. Le quotidien flamand De Morgen a enquêté sur ces tactiques qui poussent les internautes – bien souvent inconsciemment – à l’achat.
La Commission européenne enquête actuellement sur le site chinois Temu pour ses pratiques de marketing jugées manipulatrices et sur d’éventuelles infractions aux réglementations européennes. Temu utilise diverses stratégies pour inciter à l’achat impulsif: les utilisateurs sont souvent confrontés à des alertes indiquant que des produits “presque épuisés” sont disponibles à des prix réduits temporairement, ce qui renforce l’urgence de l’achat grâce à un sablier qui s’affiche sur la page. La loi exige cependant que les informations sur les stocks soient exactes, mais reste à voir si c’est toujours le cas chez Temu.
“Quand un produit est presque épuisé, nous le voulons inconsciemment encore plus”, analyse dans De Morgen Nathalie Dens, professeure en comportement des consommateurs à l’Université d’Anvers. “Ce genre de message crée un sentiment de malaise. On ressent soudainement la pression d’acheter rapidement.”
Des “prix personnalisés”
D’autres techniques incluent la variation des prix selon le profil de l’utilisateur. Nathalie Dens explique que les prix affichés sur Temu peuvent fluctuer en fonction de l’historique de navigation ou de la capacité d’achat perçue de chaque utilisateur, créant des tarifs “personnalisés”. Par exemple, pour un même produit, deux utilisateurs peuvent voir des prix différents selon leurs données personnelles collectées. Temu propose également des “crédits” en guise de compensation pour une baisse de prix après l’achat, encourageant les clients à revenir sur le site. “Cela n’est pas interdit, mais reste désavantageux pour le consommateur”, souligne Dens. “C’est pourquoi il est préférable de consulter un site de comparaison de prix (lire aussi l’encadré ci-dessous). Le mode incognito peut aussi être utile, car la boutique en ligne dispose alors de moins de données, ce qui peut parfois faire baisser le prix”, avance l’experte de l’UAnvers.
Une finalisation d’achat inéluctable
Coolblue, une entreprise néerlandaise, utilise, elle aussi, de subtiles tactiques pour vendre. Sur son site, le parcours de commande est accompagné d’une animation représentant un petit camion bleu qui avance à chaque étape, ce qui donne aux consommateurs l’impression d’une progression vers une finalisation inéluctable du processus d’achat.
Une stratégie qui semble anodine mais qui se révèle très efficace. “Cela agit sur notre cerveau”, explique au Morgen l’experte en e-commerce Chantal Schinkels. “Notre cerveau reçoit le signal qu’une tâche doit être terminée. Inconsciemment, nous voulons que le camion atteigne la fin du parcours.” Ce point final étant le moment du paiement.
“Boutique en ligne la plus conviviale”
Les produits sont également judicieusement placés sur le site, ceux avec des marges élevées apparaissent souvent en haut de la liste. L’étiquette “Choix de Coolblue” les met encore plus en valeur.
Coolblue mise également sur des labels de fiabilité (“Échange gratuit”, “boutique en ligne la plus conviviale”) renforcés par des cases vertes pour gagner la confiance des clients dès la page d’accueil du web shop. Le site de e-commerce propose également des options alternatives de produits “similaires mais meilleurs”, dont la plupart sont en réalité plus coûteux. Ce biais psychologique amène souvent les clients à choisir un produit de milieu de gamme, que la plateforme met en avant pour son coût plus élevé, rapporte encore le journal flamand.
Suivi du regard
La technique de l’”eye tracking” (ou suivi du regard) est une autre méthode couramment utilisée par les spécialistes du marketing pour analyser le comportement visuel des consommateurs lorsqu’ils naviguent sur un site web ou une application. Cette technologie suit les mouvements oculaires des utilisateurs, enregistrant ce sur quoi ils portent leur attention, la durée de leur fixation sur certains éléments et l’ordre dans lequel ils parcourent la page. Grâce à cette analyse, les acteurs de l’e-commerce peuvent déterminer quels éléments captent le plus l’attention et ajuster la présentation de leurs produits ou de leur interface pour maximiser les chances de vente.
Dans le cas des boutiques en ligne, l’”eye tracking” aide à guider subtilement l’utilisateur vers le bouton de commande ou d’autres éléments importants, souvent en plaçant des images de modèles ou d’autres éléments visuels qui “regardent” directement le bouton d’achat. Cela encourage inconsciemment l’utilisateur à suivre ce regard et à diriger le sien vers l’endroit souhaité. Selon Eveline Smolders, experte en neuromarketing citée par De Morgen, cette technique exploite la tendance naturelle des gens à suivre les regards et les gestes dans leur champ de vision, augmentant ainsi les chances qu’ils cliquent sur l’élément ciblé.
MOSC, une app’ pour surveiller les prix de l’e-commerce
A l’approche du Black Friday, qui a évolué au fil des années en “Black Month” et des achats de fin d’année qui suivront dans la foulée (Saint-Nicolas, Noël), de nombreux webshops proposeront des réductions importantes, mais le fameux “prix avant/après” est parfois falsifié. Les règles européennes stipulent qu’un produit doit réellement avoir été vendu au prix affiché les 30 jours précédents des soldes.
Pour repérer les prix les plus justes, l’appli belge MOSC peut être d’une grande aide. Cette dernière scrute les évolutions tarifaires en ligne sur une période donnée. Elle a été créée par Mathieu Guffens, un jeune entrepreneur qui a constaté des fluctuations incessantes des prix sur l’ensemble des plateformes d’e-commerce. Aujourd’hui, l’application est en mesure de scruter les articles dans près de 1.400 e-shops, en France ou en Belgique et de donner le prix le plus juste d’un article.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici