“Si demain il n’y a plus d’agriculture en Belgique, le consommateur devra faire face à des pénuries ou à des hausses de prix incontrôlés”

Guillaume van Binst est secrétaire générale de la FJA, la fédération des jeunes agriculteurs. Il fait le point sur les revendications des agriculteurs et les tensions avec la grande distribution autour d’un juste prix.

Trends Tendances: Vous avez rencontrés les acteurs de la chaine agroalimentaire et des membres du gouvernement pour discuter de vos revendications, qu’en est-il ressorti ?

Guillaume van Binst : Nous avons convenus de travailler sur trois thématiques. D’abord les règles de concurrence déloyales qui ne sont pas ou très peu appliquées, notamment parce que les agriculteurs soit ne les connaissent pas. En tant qu’acteur individuel de la chaine alimentaire, on n’a pas ou très peu de marges sur les négociations : on voudrait dès lors mettre fin aux abus de positions dominantes de certains acteurs et être capable de les dénoncer sans craindre des représailles.

Au niveau de la transparence des prix, on souhaiterait également que les données soient fournit de manières plus structurées et plus régulièrement. L’idée serait par exemple d’avoir tous les trimestres une photographie de où se situent les marges au niveau de chaque maillon.

Enfin, le volet étiquetage puisqu’actuellement si un produit subit une transformation en Belgique il peut être estampillé du drapeau belge et ce même si la transformation se résume à l’ajout de sel. On considère que c’est tromper le consommateur. Lorsque l’on parle de viande bovine belge, pour nous l’animal doit être né, élevé et transformé en Belgique.

Des annonces ont été faites concernant la viande bovine, certains distributeurs ont annoncé une augmentation du prix, cela vous satisfait ?

L’augmentation est a nuancé. Les distributeurs parlent d’une augmentation de 50 cents mais cela ne signifie pas une augmentation de 50 cents pour le producteur. Cette augmentation concernent le prix payé à l’abattoir qui va lui-même se servir puisqu’il qu’il considère que les coûts de la main d’œuvre ont augmenté et qu’il n’a pas pu les répercuter. Dans cette proposition, pour faire simple il resterait à peine 10 cents dans la poche de l’éleveur, ce qui est évidemment trop peu. On estime qu’il faudrait une augmentation de 25% des prix pour que l’éleveur s’en sorte.

Est-ce que cela pourrait être appliqué à d’autres secteurs agricoles ?

Il y a davantage de marge de manœuvre pour le secteur de la viande parce qu’environ 95% de la viande consommée en Belgique est belge. Le secteur du lait par exemple est mondialisé, c’est donc plus compliqué de négocier le prix. On aimerait que les acteurs s’engagent à acheter du lait exclusivement belge mais le risque est que les distributeurs aillent s’approvisionner chez nos voisins une fois que le prix du lait devient trop élevé. Il faudrait alors un mécanisme européen pour fixer le prix.

Même chose pour les céréales dont le prix est fixé par le marché ?

Exactement ! D’autant que les céréales que l’on cultive en Belgique sont des fourragères, donc essentiellement utilisées pour l’alimentation animale. Il y a donc très peu de marge de manœuvre sur le prix du blé au niveau belge.

promo 1+1 gratuit

“On considère que faire des promotions 1 kilo + 1 kilo ne rend service à personne : cela met une pression sur le producteur et cela trompe le consommateur qui a l’impression que le prix promo devient la norme alors qu’à ce prix-là, le producteur ne gagne pas sa vie.”

La viande est souvent utilisée comme produit d’appel dans les supermarchés sous forme de promotions, vous réclamez la fin de ses promos ?

Tout d’abord, une promotion met forcément la pression sur les prix. Je nuancerais cependant les conséquences d’une promotion dans la mesure où elles peuvent être acceptables dans certaines circonstances : lorsqu’il y a plus d’offres que de demandes. Cependant, on considère que faire des promotions 1 kilo + 1 kilo ne rend service à personne : cela met une pression sur le producteur et cela trompe le consommateur qui a l’impression que le prix promo devient la norme alors qu’à ce prix-là, le producteur ne gagne pas sa vie.

Parmi les pistes suggérées pour répondre à vos demandes, certains évoquaient un mécanisme de solidarité qui compenserait les variations de prix ou l’instauration de prix minimum, est-ce que l’une de ces solutions vous conviendrait ?

Il n’y pas de solution miracle. C’est la conjugaison de plusieurs mesures qui pourront faire en sorte que le secteur aille mieux. On voudrait un changement de paradigme et que l’agriculteur puisse fixer son prix.

Est-ce que travailler en direct avec un distributeur pourrait être une solution ?

Il existe déjà des coopératives qui travaillent en direct et le regroupement d’agriculteurs est une solution pour améliorer le pouvoir de négociation. C’est une partie de la solution mais ce n’est pas le remède miracle.

Le consommateur dépense de moins en moins pour son alimentation, est-ce qu’il ne fait pas partie du problème ?

Nous sommes dans un contexte inflationniste compliqué pour le consommateur et je comprends qu’il n’ait pas forcément envie de payer plus cher. J’ajouterais aussi qu’une meilleure rémunération des agriculteurs ne doit pas forcément se répercuter directement sur le consommateur : chacun peut prendre sa part. Avec les prix bas, les consommateurs ont peut-être perdu la notion de ce que représente réellement des produits agricoles de nécessité.

S’il a été habitué à ces prix bas, c’est à cause de la politique agricole commune qui a été mise en place pour compenser une perte de revenus pour l’agriculteur et pour permettre au consommateur d’avoir des prix bas. Si celui-ci n’est pas prêt à payer un peu plus son alimentation, alors d’une manière ou d’une autre via sa ses contributions il devra quand même participer à l’augmentation du budget de la politique agricole commune.

Si demain il n’y a plus d’agriculture en Belgique, le consommateur doit savoir qu’il devrait soit faire face à des pénuries, soit à des hausses de prix incontrôlés puisque nous serions dépendants d’autres régions du monde.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content