Pourquoi le prix de l’essence ne descend pas
La guerre en Ukraine et les réductions de production des pays de l’Opep font monter les prix. Et la disparition du cliquet inversé n’aide pas à apaiser les tensions.
Les automobilistes s’en rendent compte depuis des semaines: les prix pétroliers ne veulent pas descendre. Le prix maximum du litre de diesel titille les 2 euros, et le prix de l’essence (95 octanes) flirte avec 1,9 euro. Il faut remonter à novembre 2022 pour retrouver des prix aussi élevés. C’est à première vue étonnant car les prix pétroliers sont généralement dépendants de la dynamique de l’économie mondiale. Or, celle-ci n’est pas terrible.
Alors, pourquoi l’essence reste-t-elle chère? Trois éléments expliquent cette tension persistante. Le premier est naturellement la guerre en Ukraine. On le voit sur le graphique ci-dessus, le prix du carburant à la pompe s’est envolé à partir du mois de mars de l’an dernier, lorsque les incertitudes concernant la guerre étaient au plus haut. A l’époque, le prix du baril de référence de la mer du Nord (le Brent) avait dépassé les 120 dollars, soit presque le double de ce qu’il affichait à l’été 2021, et depuis, il n’est plus redescendu à son niveau d’avant-guerre. Alors bien sûr, parmi les sanctions occidentales imposées depuis la fin de l’an dernier, il y a le plafonnement à 60 dollars du pétrole russe. Mais son efficacité n’est que partielle. En réalité, ces limitations visant le pétrole russe profitent surtout aux économies indiennes et chinoises.
Autre facteur de hausse: la réduction volontaire de la production des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), Arabie saoudite en tête, celle-ci ne désirant pas être entraînée dans une baisse des prix induite par la faible croissance économique. L’Arabie a clairement dit qu’elle ne voulait pas voir le baril descendre sous les 80 dollars. Depuis juin, le club des pays producteurs a réduit sa production d’environ 1,2 million de barils par jour, à quoi s’ajoute une réduction de 0,5 million de barils par jour de la Russie. On approche donc d’une baisse de production de 2 millions de barils, ce qui n’est pas négligeable.
Un dernier élément qui n’aide pas est propre à la Belgique: c’est la disparition du cliquet inversé. Ce mécanisme permettait de compenser partiellement la hausse des prix du pétrole en abaissant les accises. Les accises et la TVA comptent en effet pour près de la moitié du prix du carburant à la pompe. Le gouvernement, pour alléger un peu la facture des automobilistes, avait décidé, pour la première fois en 2005, de réduire un peu le montant des accises quand le pétrole devenait trop cher. Mais ce mécanisme n’est plus appliqué depuis 2018, même si certains plaident en faveur de son retour.
Pas de future flambée, sauf si…
Pour l’instant, les observateurs tablent sur une stabilisation des prix pétroliers aux alentours de 80-90 dollars. Le consensus des économistes interrogés par Bloomberg prédit un prix moyen de 81 dollars le baril en 2023 et 83 dollars en 2024, notamment parce que l’économie mondiale ne sera toujours pas très vigoureuse et que certains pays producteurs, non membres de l’Opep, peuvent venir jouer les stabilisateurs. On pense surtout à l’Iran et au Venezuela.
Mais il serait téméraire de parier que le litre d’essence ou de diesel ne montera plus. Car certains cygnes noirs peuvent apparaître et chambouler le marché. Nous ne sommes jamais à l’abri d’événements imprévus, ni dans le conflit ukrainien, ni dans de grands pays producteurs (comme le Gabon), ni de catastrophes climatiques qui pourraient détruire des capacités de raffinage aux Etats-Unis ou ailleurs.
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