Pourquoi Colruyt impose une limite d’achat à ses clients ?

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Le groupe Colruyt impose actuellement une limite d’achat pour des produits de base tels que la farine, le sucre et le sel. Quelles en sont les raisons et quel est l’impact pour les  clients ?

Dans les rayons des supermarchés Colruyt, des messages rappellent l’époque de la pandémie, quand les Belges s’étaient rués dans les grandes surfaces pour faire des réserves de nourriture. Les gérants des supermarchés du groupe demandent en effet de limiter les achats de produits de base (farine, sucre, sel,…), à maximum 10 pièces par client.

« Le prix des produits de base tels que le sel, la farine et le sucre est actuellement si bas chez Colruyt que les acheteurs ont flairé la bonne affaire et menacent de vider les rayons. Le supermarché impose donc temporairement une limite. Le système est biaisé“, explique dans De Standaard Pierre-Alexandre Billiet, spécialiste du commerce de détail, et CEO de Gondola.

Les prix sont en effet très bas pour le moment, d’autant plus dans les supermarchés du groupe qui dit garantir les produits « les moins chers ». 

 « Il s’avère que ce n’est pas le client ordinaire qui fait des stocks. Ces dernières semaines, nous avons vu des acheteurs et des revendeurs acheter des volumes importants, menaçant de vider les rayons”, commente de son côté Nathalie Roisin, porte-parole de Colruyt dans le journal flamand. 

Des prix très bas

Huit produits sont concernés, tous de marque propre (Everyday), précise Nathalie Roisin. « Sucre, farine, frites surgelées, sel : des produits de ce type“. Le sel coûte actuellement 29 centimes le kilo chez Colruyt, la farine de blé 35 centimes, le sucre 89 centimes.

Cette limite d’achat ne devrait toucher qu’une petite partie des clients, à savoir les gérants de petites supérettes et de magasins d’alimentation, ainsi que ceux des nightshops qui se servent de Colruyt comme d’un grossiste. Ces clients professionnels peuvent toujours dépasser la limite d’achat, mais ils doivent réserver à l’avance. Le but étant d’éviter les rayons vides, précise la porte-parole de Colruyt. La mesure devrait être limitée dans le temps. Le groupe n’évoque cependant pas de durée précise.

Pierre-Alexandre Billiet analyse : « Pour eux, il est désormais moins cher d’acheter leurs produits chez Colruyt que chez leur propre fournisseur. C’est donc une bonne affaire d’acheter de grandes quantités maintenant et de les mettre ensuite dans leurs propres rayons. »

Une inflation record dans les supermarchés

Il est pourtant étonnant de lire que des produits alimentaires soient devenus si bon marché après les alertes à la hausse des prix créée par l’inflation. De nombreux produits alimentaires ont en effet fortement augmenté ces derniers temps. Ainsi, ces trois derniers mois, l’augmentation des prix a fluctué autour de 19,5%. Pour le mois de mars, elle dépasse pour la première fois les 20%: un record absolu, indiquait récemment Test Achats.

Outre les légumes, les produits en papier tels que les mouchoirs, le papier toilette et l’essuie-tout sont en moyenne 39% plus chers qu’en mars de l’année dernière. Les produits laitiers demeurent très chers également: 26% de plus que l’année passée, avec des pics exceptionnels pour le fromage jeune (gouda) (+42%), la crème (+33%) et le lait demi-écrémé (+29%). Le pain est, quant à lui, 24% plus cher qu’il y a un an, note encore l’organisation de consommateurs.

A l’inverse, de nombreux produits de base ont retrouvé des prix nettement inférieurs sur les marchés internationaux. Pierre-Alexandre Billiet donne comme exemple : « Les céréales coûtaient 430 euros la tonne en 2022. Aujourd’hui, elle en vaut 250 : 40 % de moins, en d’autres termes. Cette situation se répercute sur les prix en rayon. La concurrence est donc féroce. Les supermarchés étrangers comme Albert Heijn, Aldi et Lidl pratiquent des prix plus bas en Belgique que dans leur pays d’origine, afin de gagner des parts de marché. Tout cela joue un rôle“.

Ils ne vont jamais l’avouer, mais en réalité, les magasins essayent que le consommateur n’achète pas trop les marques premiers prix.

Gino Van Ossel, professeur de la Vlerick Business School

Victime de sa propre stratégie

Gino Van Ossel, spécialiste en commerce de détail et professeur de la Vlerick Business School interviewé par nos confrères du Vif, voit une autre raison à ce rationnement. “Pour les supermarchés, les produits Everyday sont des produits pour lesquels la rentabilité n’est pas très élevée. Ils ne vont jamais l’avouer, mais en réalité, les magasins essayent que le consommateur n’en achète pas trop. C’est pour cela qu’on retrouve les produits premiers prix au sol, peu visibles pour l’œil du client”, explique-t-il. Pour l’expert, le groupe est victime de sa propre stratégie de vente de gros volumes.

Avec sa stratégie, Colruyt n’a pas de contrôle sur ses propres prix », déclare Gino Van Ossel. Il donne un exemple. « Si Carrefour décide de ne pas suivre l’inflation pour les confitures, et Delhaize pour les céréales, Colruyt est obligé de s’adapter aux prix des deux autres enseignes. Et ne peut pas compenser ces prix bas sur une autre catégorie. Ils sont victimes de façon structurelle. »

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