Les zones bleues, ces endroits où on a deux fois plus de chance d’être centenaire
Michel Poulain est un chasseur belge d’espèces rares. Non pas d’animaux exotiques, mais de super centenaires, soit des hommes et des femmes ayant dépassé les 110 ans. Il vient de découvrir une nouvelle zone bleue, un «paradis» de centenaires. Elle se situe en Martinique.
En 2000, Michel Poulain, démographe et professeur émérite de l’UCLouvain, a introduit le concept de zone bleue de longévité (Longevity Blue Zone). Soit une zone où l’on retrouve un ratio anormalement important de centenaire en bonne santé. Jusqu’à présent il n’y avait que quatre zones dans le monde à bénéficier de ce label. Soit l’Ogliastra en Sardaigne, Okinawa au Japon, la péninsule de Nicoya au Costa Rica et l’île d’Ikaria en Grèce.
La Martinique, la nouvelle zone bleue
Depuis la fin mars, la Martinique peut se targuer de faire partie de cette short liste. Ce département français d’outre-mer est depuis longtemps connu pour la longévité de ses 350.000 habitants. Michel Poulain se lance en 2019 dans un recensement des centenaires avec le support de l’association locale ‘Protégeons nos centenaires’. Le résultat tombe au premier janvier 2023. L’île pouvait se targuer d’abriter 400 centenaires. Ce qui fait qu’en Martinique, un nouveau-né sur quarante va devenir centenaire. C’est deux fois plus qu’en Belgique. À titre de comparaison, notre pays comptait 2 561 centenaires sur une population de 11,6 millions d’habitants en juin dernier. Plus surprenante, cette longévité des Martiniquais ne vaut que s’ils restent sur leur île. Ceux qui émigrent ne vivent pas aussi vieux.
Trois hypothèses pour expliquer la longévité des Martiniquais
Pour expliquer cette longévité en Martinique, Michel Poulain avance trois hypothèses.
La première est un avantage génétique. Il serait lié à une forte sélection liée au contexte de l’esclavage dont sont descendantes la plupart des Martiniquaises. «On a démontré que la longévité présente une composante familiale et héréditaire à raison de 25 %. Un quart de l’explication serait donc génétique, mais on ignore pourquoi. J’ai plutôt tendance à dire qu’elle serait d’ordre épigénétique. Des gènes favorables à la longévité existent peut-être, mais encore faut-il qu’ils soient activés. » dit-il.
La deuxième est liée à un climat et un style de vie favorables puisqu’ « on y prend le temps de vivre » explique Michel Poulain. S’ils prennent le temps au quotidien, ils prennent aussi le temps de mourir.
La troisième est une sécurité sociale et des soins de santé qui fonctionnent.
Quelle est la recette pour vivre vieux et en bonne santé ?
En traquant les secrets du grand âge et en étudiant les habitants de ces zones bleues, Poulain espère surtout découvrir les raisons de leur longévité pour pouvoir en faire bénéficier le reste du monde.
On n’a pas encore trouvé le gène de la longévité ni même une association de plusieurs gènes qui la favoriserait. Mais s’il n’y a pas encore d’explication rationnelle, l’étude de ces désormais cinq zones bleues, a déjà permis de tirer quelques conclusions.
Un facteur favorable à la longévité serait l’activité physique prolongée. Pas de sport intensif, mais bouger naturellement beaucoup (mais sans transpirer) chaque jour. Ainsi les personnes à l’espérance de vie longue travaillent jusqu’à 85 ou 90 ans, même si elles ont progressivement diminué leur niveau d’activité. Pour Michel Poulain, on devrait ainsi laisser la possibilité aux gens de travailler au-delà de 65 ans selon leurs désirs et l’énergie dont il dispose.
La nutrition joue aussi un rôle important puisque les centenaires de ces zones ne se nourrissent pas trop et mangent à 90 % des produits locaux, de saison et fait maison. C’est-à-dire non transformé par l’industrie et sans pesticides ni additifs.
Ces super centenaires ne sont pas non plus parqués dans des maisons de retraite et bénéficient d’un soutien familial et communautaire important. Les personnes âgées dépendantes sont maintenues dans leur famille et même mises en valeur. Ils participent encore à la société.
Plus étrange, les super centenaires sont souvent croyants. Même en « Belgique, sur 1 000 personnes qui ont atteint 105 ans, il y a une cinquantaine de religieuses. La religion apporte probablement une forme de quiétude dans la dernière phase de la vie ».
Il y a-t-il une zone bleue en Belgique ?
Pas de zone bleue dans notre beau pays, bien qu’il y ait tout de même une petite zone où l’on vivrait plus vieux qu’ailleurs. « S’il fallait identifier une – petite- poche de longévité en Belgique, elle se situerait entre Flobecq, Ellezelles et Renaix et remonterait quelque peu en Flandre. », dit encore Poulain. Ou alors comme le précise le gérontologue Johan Flamaing (KU Leuven), on attend 2050. D’ici là on prévoit huit fois plus de centenaires qu’aujourd’hui.
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