“Les soldes ont perdu de leur lustre, mais elles reviendront en force au cours de la prochaine décennie”
Les soldes d’hiver ont commencé, mais l’expert en commerce de détail Gino Van Ossel (Vlerick) s’attend à des ventes moroses. “Chaque année, l’impact de la période des soldes faiblit”, explique-t-il. La raison ? Les changements que le secteur de la mode a connus récemment comme l’arrivée de l’ultra fast fashion. Néanmoins, des tendances comme la durabilité et les vêtements de seconde main pourraient inverser la tendance.
Les soldes d’hiver sont lancées depuis mercredi. Les détaillants de mode indépendants sont modérément positifs quant aux ventes saisonnières : 59,7 % des détaillants s’attendent à vendre autant ou plus que lors de la saison d’hiver 2022-2023. 40,3 % d’entre eux s’attendent à une baisse des ventes. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée par Fashion Union et Unizo. Les détaillants de mode indépendants commencent avec une réduction des ventes de 32 % en moyenne. Ce chiffre est conforme à celui des années précédentes.
L’hiver dernier a été une saison faiblarde, en partie à cause du mauvais temps et des conditions économiques difficiles. Les détaillants attendent donc beaucoup des soldes d’hiver. Néanmoins, Gino Van Ossel, expert en commerce de détail et professeur à la Vlerick Business School, souhaite tempérer les attentes. “Ces dernières années, les ventes pendant la période des soldes ont toujours été inférieures à celles de l’année précédente. Je ne m’attends donc pas à un grand succès commercial, même s’il est tout à fait possible que les ventes soient meilleures que l’année dernière. Les soldes tombent pendant les vacances et on prévoit un temps plus clément pour le premier week-end des soldes”.
La fast fashion donne le ton
Selon M. Van Ossel, la perte d’impact des soldes d’hiver, mais aussi d’été, est due à plusieurs changements dans le secteur de la mode. “Il y a maintenant des réductions tout au long de l’année. C’est à dessein que je parle de “réductions” et non de “soldes”. En Belgique, ce n’est qu’en période de soldes que les magasins sont autorisés à vendre à perte. Auparavant, il existait une période d’interdiction stricte pour les soldes, mais ces dernières années, la vente groupée est devenue la norme. En outre, les magasins de vêtements ont pris l’habitude de lancer une nouvelle collection même en dehors de la période des soldes. Et qui doit alors également être mise en vente. Cette tendance est une invention des chaînes de fast fashion comme Zara et H&M, qui ont pu générer plus de ventes de cette manière. Cela a donné le ton”.
Le succès de la fast fashion a également eu pour conséquence que les magasins de vêtements ont beaucoup changé au cours des 20 dernières années, explique M. Van Ossel. “Il existe deux types de magasins de vêtements : les magasins monomarques, tels que JBC et Zara, qui ne vendent que leur propre marque, et les magasins multimarques, tels que Inno, Zeb et les boutiques indépendantes, qui proposent un éventail de marques. Les boutiques monomarques prennent aujourd’hui le relais, car elles ont un meilleur contrôle sur leur stock, ce qui leur permet de mieux cibler les collections intermédiaires et de manière plus rentable. Par conséquent, de nombreux magasins et boutiques multimarques ont disparu de Belgique”.
Magasins d’usine et magasins frontaliers
Un phénomène associé à ces collections intermédiaires est celui des magasins d’usine. Ces derniers ne sont pas nouveaux, mais ils ont pris une importance considérable ces dernières années, explique M. Van Ossel. “Les magasins peuvent se débarrasser de leurs vieux stocks par ce biais. En outre, les points de vente ont également gagné en visibilité en ligne. En Belgique, le succès du site web Veepee en est la preuve.
Une dernière chose qui ne favorise pas non plus la période des soldes, c’est la tendance de plus en plus marquée des Belges à faire leurs achats de l’autre côté de la frontière, selon Van Ossel. Aux Pays-Bas, la période des soldes commence plus tôt. Nous le constatons également chez les détaillants en ligne néerlandais, où les Belges font leurs achats. C’est préjudiciable pour nos magasins.
Durabilité
M. Van Ossel estime qu’un retour d’une période de soldes classique est possible, notamment grâce aux nouvelles tendances dans le monde de la mode. “La voie de la durabilité est toute tracée. Par exemple, l’Union européenne a décidé que les vêtements neufs ne pouvaient plus être détruits. Cela change la donne pour les dix prochaines années et affectera d’abord ce que j’appelle les magasins de ‘fast fashion extrême’. Je ne parle pas ici de Zara et de H&M, mais de Primark et de la boutique en ligne chinoise Shein. Ils ne pourront pas continuer à vendre leurs vêtements aux prix absurdement bas d’aujourd’hui. Outre l’interdiction de destruction, les prix du transport par conteneurs augmenteront en raison des taxes sur les émissions de CO2 des navires. Les salaires augmentent dans les pays à bas salaires où ils produisent des vêtements. Ils seront de plus en plus dans le collimateur des décideurs politiques en matière de pratiques de travail et de législation sur le développement durable. Dans le même temps, les consommateurs remettront en cause le modèle de fonctionnement de ces magasins, réduisant l’écart entre un Primark et un H&M au cours de la prochaine décennie”.
En conséquence, le rythme effréné de l’industrie de la mode devrait ralentir dans les années à venir, ce qui réduira également l’engouement pour les collections intermédiaires et les rabais. “Les consommateurs paieront plus cher leurs vêtements, mais ceux-ci seront également de meilleure qualité, ce qui signifie qu’ils seront portés plus longtemps”, prédit le professeur Van Ossel. “Nous constatons également que la mode devient de plus en plus intemporelle. L’époque où l’on ne pouvait plus porter un vêtement après un an est révolue. Des boutiques comme Xandres ou Natan remettent déjà les vêtements invendus en vitrine l’année suivante.
La seconde main
Les jeunes ouvrent la voie, souligne l’expert en commerce de détail. “Ne sous-estimez pas l’importance des vêtements de seconde main pour les jeunes. Ils sont de plus en plus la norme et cette tendance va à l’encontre de la “fast fashion”. Bon nombre des vêtements les moins chers sont tout simplement inutilisables en seconde main parce que leur qualité est trop faible. Par conséquent, les magasins de seconde main permettent souvent aux jeunes d’acheter des vêtements plus chers et de meilleure qualité”.
M. Van Ossel croit en la survie des soldes d’été et d’hiver classiques, en partie grâce à la durabilité de l’industrie de la mode. “Nous recyclons le plastique et les pailles et sacs en plastique ont disparu de notre environnement. Ce sont des changements importants que nous ne pensions pas possibles il y a quelques années. Dans l’industrie de la mode, je ne m’attends pas à une grande révolution dans l’immédiat. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais le mouvement est lancé.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici