Les écochèques bientôt sur le point de disparaître?

Bart De Wever © BELGA

Aujourd’hui, ils sont encore environ 2,3 millions de travailleurs à recevoir des écochèques de leur employeur, mais peut-être plus pour très longtemps vu que le formateur fédéral Bart De Wever (N-VA) voudrait les supprimer. Les experts s’accordent cependant sur le fait que ces écochèques encouragent les changements de comportement durables chez les consommateurs.

Les écochèques ont été créés en 2009 en tant que forme alternative de rémunération. Ils visent à encourager la consommation de produits et de services à caractère écologique ou durable. Contrairement à la rémunération classique, ils sont totalement exonérés de cotisations sociales et d’impôts et sont donc financièrement intéressants pour les employeurs comme pour les salariés. Et en filigrane bien sûr, l’environnement en profite.

Mais cet avantage pourrait être amené à disparaître. En effet, dans sa “super note” qui a été dévoilée à la mi-août, Bart De Wever proposait aux partis négociant la formation d’un nouveau gouvernement de supprimer les écochèques. Voici les deux raisons principales derrière cette volonté.

Discrimination

En effet, tous les travailleurs n’ont pas le droit de bénéficier d’écochèques. Cela dépend de l’employeur ou du secteur d’activité de l’employé. Ce sont eux qui décident d’en donner ou pas. Ils déterminent aussi le montant du chèque et le nombre d’unités par employé. La valeur maximale d’un tel chèque est limitée à 10 euros, et le montant total ne peut excéder 250 euros annuels par salarié.

Si 2,3 millions de Belges reçoivent aujourd’hui des écochèques, cela signifie aussi qu’un travailleur sur deux ne trouve pas son compte avec ce système. Selon Bart De Wever et consorts, il s’agit donc d’une discrimination, mais elle vaut aussi pour de nombreux autres avantages sociaux qui ne sont pas pris en compte.

Une suppression des écochèques entraînerait des conséquences financières négatives pour les 2,3 millions de travailleurs concernés. Pour compenser cette perte, Bart De Wever souhaiterait augmenter la valeur des chèques-repas en contre-partie.

Beaucoup d’ambiguïté

La deuxième raison pour laquelle les négociateurs du gouvernement souhaitent la disparition des écochèques est qu’il n’est pas toujours clair pour tout le monde de savoir ce que l’on peut acheter avec. Les produits et services éligibles sont en effet déterminés par le Conseil national du travail. De nouveaux produits sont constamment envisagés et la liste est mise à jour de temps à autre, la dernière version date de mars 2023.

Vous trouverez tous les détails sur Myecocheques.be, mais il faut reconnaître que ce site n’est pas très convivial et que son architecture et la disposition de ses rubriques n’est pas toujours la plus lisible.

Le Conseil national du travail le divise en quatre grandes catégories :
• Les produits et services écologiques : ils comprennent les appareils électriques à faible consommation d’énergie, les produits et services portant l’écolabel européen et d’autres labels spécifiques, tout ce qui vise en particulier à économiser l’eau et l’énergie,…
• Les produits de mobilité durable et de loisirs : vélo, transports publics, location de voitures sans conducteur, cours d’éco-conduite, écotourisme, jardinage durable,…
• Tout ce qui concerne la réutilisation, le recyclage et la prévention des déchets : produits d’occasion (à l’exclusion des appareils à moteur non électrique), produits spécifiquement destinés à la réutilisation ou au compostage, produits recyclés, compostables et biodégradables, toutes les réparations de produits (à l’exclusion des appareils à moteur non électrique),…
• Les produits issus des filières courtes : les produits agricoles et horticoles vendus en filière courte et portant un label spécifique, ainsi que les abonnements et les branchements pour les jardins familiaux.

Les écochèques sont généralement acceptés aussi bien dans les petits commerces que dans les grandes chaînes de distribution. Mais, attention, les commerçants ne sont cependant pas obligés de les accepter comme moyen de paiement. Le consommateur doit donc s’informer au préalable, même si le moyen le plus simple reste de repérer l’autocollant avec le logo des écochèques sur la vitrine du commerçant. N’oubliez pas non plus que la durée de vie du chèque est limitée à deux années.

On l’a dit, pour les entreprises qui, notamment dans le cadre de la directive européenne sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), visent une plus grande durabilité, ils constituent un instrument permettant de mettre cet aspect en évidence. Mais est-ce que pour autant ces chèques ont un réel impact sur notre comportement et sur l’environnement en général ? Et finalement, quelles seraient les conséquences d’une suppression de cet avantage ?

Wim Marneffe, qui est professseur d’économie et de gestion politique à l’UHasselt, s’est penché sur cette question à la fin de l’année 2022. Avec son équipe, il a mené une enquête en ligne sur les comportements d’achat effectifs de quelque 6.500 Belges. Un groupe qui, selon Wim Marneffe, est suffisamment important pour effectuer des projections sur l’ensemble de la population du Royaume.

“On peut donc considérer un écochèque comme une avance indirecte sur la facture d’énergie.” – Wim Marneffe (UHasselt)

Si elles n’avaient pas droit à des écochèques, 45 % des personnes interrogées affirment qu’elles reporteraient le remplacement d’un vieux lave-linge ou d’un réfrigérateur, voire qu’elles y renonceraient. Ceux qui bénéficient d’écochèques achètent davantage d’aliments bios ou font plus facilement le choix d’un appareil électrique économe en énergie que ce qu’ils avaient envisagé au départ.

Huit personnes interrogées sur dix parmi celles qui n’ont pas droit aux écochèques affirment qu’elles effectueraient des choix de consommation plus respectueux de l’environnement si elles bénéficiaient de cet avantage. “Ces chiffres impressionnants plaident en faveur du maintien des écochèques, conclut Wim Marneffe. Nous pouvons effectivement les considérer comme des game changers pour un avenir durable.”

Réduire la facture d’énergie

Le professeur a également calculé la quantité d’énergie qui peut être économisée grâce aux écochèques. “Supposons que tous les Belges achètent un sèche-linge économe en énergie grâce à ces chèques, ils économiseraient ensemble 17 millions d’euros en coûts énergétiques chaque année, illustre-t-il. Au départ, le prix d’achat est un peu plus élevé, mais cet investissement est rentabilisé à long terme. On peut donc considérer un écochèque comme une avance indirecte sur la facture d’énergie.”

“Si chaque famille belge recevait des écochèques et les utilisait pour acheter un sèche-linge écologique, nous pourrions même économiser jusqu’à 50 millions d’euros par an en coûts énergétiques. C’est une somme énorme pour un seul appareil.” L’étude montre également que les écochèques stimulent principalement les personnes dont les revenus sont plus faibles. Wim Marneffe démontre cela avec un exemple : “Supposons que vous disposiez de 250 euros d’écochèques et que vous souhaitiez acheter une nouvelle machine à laver. En moyenne, cet appareil coûte 400 euros, tandis que pour un modèle plus respectueux de l’environnement, il faudra débourser 600 euros. Grâce aux écochèques, vous pouvez immédiatement combler cet écart et acheter un appareil plus cher mais plus écologique que vous n’auriez pas acheté autrement.”

Cet aspect a été évoqué plus haut, il existe un certain flou autour des possibilités offertes par les écochèques. L’étude d’UHasselt confirme que beaucoup de consommateurs ignorent les avantages de leur utilisation. Si d’aventure, les écochèques devaient survivre à la formation d’un nouveau gouvernement, il faudra en tout cas une meilleure communication afin que tout le monde puisse comprendre leur utilité.

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