Les croquettes aux crevettes devraient faire leur grand retour

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Les croquettes de crevettes font partie du patrimoine gastronomique belge au même titre que les frites et les moules. Mais ces derniers mois, elles étaient presque introuvables dans les magasins, et les restaurants les avaient rayées de leur carte à cause de leur prix, conséquence d’une pénurie de ce petit crustacé. Heureusement pour les amateurs de croquettes aux crevettes, une amélioration est en vue.

Il y a quelques jours à Eeklo, le mercure dépassait les 30 degrés à l’ombre. En revanche, dans la chambre froide de TNS, producteur de croquettes, la température reste invariablement inférieure à -20.

Pour sa CEO, Daphné Aers (45 ans), cette différence de température est moins rude que ce qui s’est passé sur le marché de la crevette ces derniers mois. “Je suis active sur ce marché depuis un quart de siècle. Et depuis le début, je n’ai jamais connu d’année normale. En outre, tous les cinq ou six ans, il y a eu des fluctuations de prix extrêmes, qui sont dues à des pénuries ou à d’autres facteurs. Mais je n’avais jamais encore connu une situation aussi grave que celle d’aujourd’hui. La crevette grise est un produit naturel et la nature est très imprévisible.

Daphné Aers © Emy Elleboog

À cause de la forte fluctuation des prix, leur modèle commercial a atteint ses limites l’année dernière : “Entre septembre 2023 et fin juin 2024, notre volume de croquettes de crevettes a chuté de plus d’un tiers. De plus, les prix élevés des matières premières ont pesé sur le fonds de roulement de notre entreprise.”

Cela a conduit à un recul de plus de 2,5 % du chiffre d’affaires, pour la première fois en un quart de siècle d’existence. Même le covid-19 n’avait pas réussi à freiner leur croissance. Mais si les ventes de croquettes aux crevettes ont baissé, celles des autres produits ont heureusement augmenté. Les snacks à base de pâte feuilletée – avec ou sans crevettes – sont le nouveau produit à succès de l’entreprise d’Eeklo.

Causes

Les chiffres de Statbel, l’office statistique belge, montrent les importantes fluctuations des quantités débarquées de crevettes. La Belgique consomme principalement des crevettes grises, qui proviennent surtout de la mer du Nord. 2022 a été une année record pour les pêcheurs de crevettes belges, tandis qu’en 2023, les quantités pêchées ont fortement baissé.

Plusieurs facteurs ont joué un rôle dans cette pénurie. Les pêcheurs ont rapporté que l’année dernière, un nombre anormalement élevé de merlans avait été repéré en mer du Nord. Cette présence massive s’explique par le fait que le prédateur naturel de ce poisson, le bar, ait rapidement été éliminé. Or, le merlan se nourrit presque exclusivement de crevettes.

“Le changement climatique entraîne également des fluctuations de plus en plus extrêmes”, note Daphné Aers. “La faiblesse de l’offre a également persisté pendant une grande partie du premier semestre 2024, en raison des mauvaises conditions météorologiques. Le froid, la pluie, les tempêtes du printemps dernier, tout cela n’est pas bon pour les crevettes. Finalement ce qui fait encore grimper les prix, ce sont les investissements importants qui ont été faits afin d’avoir une flotte écologique et plus moderne.”

Principal marché : la Belgique

TNS achète ses crevettes principalement aux Pays-Bas. Des entreprises telles que Heiploeg, Van Belsen et Klaas Puul sont des acteurs plus importants sur ce marché, disposant à la fois de leur propre flotte et de leurs propres installations de traitement des crevettes. Le décorticage des crevettes est, quant à lui, effectué au Maroc. Une fois par semaine, le vendredi matin, la PME d’Eeklo reçoit une proposition de prix. Et ceux-ci ne sont jamais partis à la baisse au cours de l’année écoulée…

TNS a vu son prix d’achat au kilo plus que doubler pour les crevettes grises, passant de 25 euros en 2022 à 52 euros au début de cette année. Pour les consommateurs, des prix entre 70 et 80 euros le kilo de crevettes fraîches n’étaient pas exceptionnels. “En fait, nous ne disposons d’un approvisionnement normal à nouveau que depuis quatre semaines. À 44 euros le kilo, soit une baisse de 12 à 13 %, les prix partent légèrement à la baisse. Mais ils restent encore très élevés. Un bon prix d’achat pour notre activité se situe à environ 25 euros le kilo, et de préférence plus bas encore.”

Les conséquences se font sentir. Le marché des croquettes aux crevettes s’est effondré. Ces derniers mois, ces petits crustacés ont même disparu du menu de certains restaurants et les friteries ne proposent plus des croquettes aux crevettes. “Ce n’est pas une surprise”, déclare Bernard Lefèvre, président de Navefri, l’association belge des exploitants de friteries. “Les croquettes aux crevettes n’étaient de toute façon pas très vendues dans les friteries, où elles figurent parmi les produits les plus chers.

Typiquement belge

Les croquettes aux crevettes sont un produit typiquement belge consommé par une grande partie de la population. En dehors de notre pays, elles sont également appréciées dans le nord de la France. “Les Pays-Bas ne sont pas un grand marché”, explique Daphné Aers. “En Allemagne, une chaîne de magasins peut faire une promotion de temps en temps, mais les croquettes aux crevettes ne font pas partie de l’assortiment habituel. Elles sont également rares en Angleterre. Nous vendons la quasi-totalité de nos croquettes en Belgique.

Statbel estime les ventes annuelles de croquettes farcies dans les magasins à 35 millions d’euros, soit 7 euros par famille.

De pénurie à abondance

Daphné Aers s’attend donc à une amélioration dans les prochains mois. La période la plus intense pour la pêche à la crevette commence à la fin du mois d’août et dure jusqu’au début du mois d’octobre. “Les prises semblent bonnes. Au printemps, beaucoup de petites crevettes n’ont pas été pêchées, mais à partir de septembre, elles sont assez grosses. Les prises d’aujourd’hui sont bien meilleures que celles à la même période l’année dernière. Je m’attends à une bien meilleure offre à partir de cet automne. Il est donc probable que les prix baissent à nouveau, surtout si l’on tient compte de la baisse de la demande combinée à une augmentation de l’offre.

Les conséquences risquent toutefois de se faire sentir avant un certain temps. Les croquettes aux crevettes représentent un tiers du chiffre d’affaires de TNS : 90 % de la production de croquettes aux crevettes est destinée aux marques de distributeurs vendues dans la plupart des chaînes de magasins en Belgique. Carrefour, Colruyt, Delhaize et Lidl sont des clients bien connus pour ces produits surgelés.

“Il y a donc aujourd’hui une certaine inquiétude chez les détaillants. Les croquettes aux crevettes deviennent un problème pour les marges bénéficiaires. Les responsables des achats sont de plus en plus prudents et ils vont réduire leurs commandes. Je ne m’attends pas à ce que le marché de ce type de croquettes connaisse une croissance fulgurante au cours des prochaines années.

Pure Daphné

L’entreprise fabrique 125 000 croquettes par jour, en deux équipes. Mais il ne s’agit pas seulement de croquettes aux crevettes, car la diversification est un mot clé.

Depuis 2010, TNS a résolument opté pour la stratégie des marques de distributeurs pour les chaînes de magasins. Dans ce domaine, l’entreprise est devenue le leader du marché. Les volumes importants ont permis de réduire les prix d’achat des matières premières. De plus, l’entreprise n’a pas dû investir dans une politique de marque et de marketing. TNS possède sa propre marque maison « Pure Daphné », principalement utilisée pour le lancement de variantes des produits.

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