L’arrivée du distributeur français E.Leclerc sur le marché belge via la livraison à domicile s’ajoute à un contexte déjà tendu pour les enseignes locales. Entre franchisation massive et évolution des attentes des consommateurs, le secteur accélère sa transformation avec la généralisation des ouvertures dominicales.
Le marché belge de la grande distribution est en pleine mutation. Après l’arrivée du Néerlandais Albert Heijn et de Jumbo au nord du pays, c’est au tour du géant français E.Leclerc de s’inviter sur nos terres. Sans toutefois d’implanter physiquement, l’enseigne a lancé un service de livraison à domicile dans plusieurs villes belges proches de la frontière, dont Mons, annonce Retail Detail.
Le distributeur français mise sur la livraison directe ou collaborative – des particuliers se chargent d’effectuer les courses contre rémunération – pour conquérir une clientèle belge qui n’hésite déjà pas à franchir la frontière. Le magasin E.Leclerc d’Aulnoye-Aimeries propose ce service à partir de 7,95 euros, rapporte La Libre.
Des écarts de prix qui font mal
La stratégie de E.Leclerc s’appuie sur l’écart de prix considérable entre la Belgique et la France. La Libre s’est pliée au petit jeu de la comparaison des prix entre le groupe français et Colruyt, réputé pour ses prix bas. Le verdict est sans appel : 20 canettes de Coca-Cola (33 cl) coûtent 10,76 euros chez E.Leclerc (0,54 euro l’unité) contre 12,30 euros pour 15 canettes chez Colruyt (0,82 euro l’unité), soit un surcoût de plus de 50% en Belgique.
Au rayon épicerie, même constat. La sauce Basilico de Barilla s’affiche à 1,61 euro dans les rayons de l’enseigne française contre 3,45 euros chez Colruyt. Le riz express Ben’s coûte 1,27 euro en France et 2,29 euros en Belgique. Des différences de 40 à plus de 50% qui permettent d’amortir largement les frais de livraison.
750 millions d’euros partis à l’étranger
Ces écarts expliquent l’ampleur des achats transfrontaliers. Selon Fevia, la fédération de l’industrie alimentaire, près de 750 millions d’euros ont été dépensés en 2024 en achats de nourriture et de boissons dans les pays limitrophes, dont une grande partie en France. En termes d’emplois, environ 4.500 postes sont touchés par ce phénomène, selon Comeos, la fédération du commerce.
Face à l’hémorragie, le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA) a annoncé son intention d’abaisser la TVA sur certaines catégories de produits. Une mesure qui risque de ne pas suffire, tant l’écart de prix reste important.
La carte de l’accessibilité
Dans ce contexte en pleine mutation, les distributeurs belges doivent se réinventer et trouver la parade pour défier cette nouvelle concurrence, ils misent, entre autres, sur l’accessibilité en généralisant les ouvertures dominicales. “L’ambition est d’ouvrir nos magasins intégrés le dimanche en janvier 2026”, déclare d’ailleurs ce mercredi dans une interview au Soir Geoffroy Gersdorff, CEO de Carrefour Belgique. Plus de 540 Carrefour franchisés sont déjà ouverts le dimanche. La direction veut désormais ouvrir ses 83 magasins intégrés (dont 40 hypermarchés), qui peinent à atteindre la rentabilité.
Sur ce point, les discussions avec les syndicats se heurtent cependant à plusieurs points de friction : manque de conciliation entre vie privée et professionnelle, absence de revalorisation des contrats et arrivée de flexi-jobs.
Le groupe Colruyt a également annoncé que ses 146 supermarchés Okay ouvriront le dimanche matin dès janvier 2026, entre 8h00 et 12h30, après un accord avec les syndicats, informe Retail Detail. Cette décision intervient après la franchisation massive des supermarchés Delhaize, bouclée fin 2024, qui a bouleversé le marché. La grande majorité de ces magasins ouvrent désormais le dimanche.
Lire aussi | Les franchisés Delhaize ne sont pas rentables
Une législation qui s’adapte
Le gouvernement De Wever s’adapte à cette transformation du secteur. Il a acté en août 2025 la suppression du jour de fermeture hebdomadaire obligatoire et l’extension des heures d’ouverture jusqu’à 21 heures tous les jours, contre 20 heures actuellement (sauf le vendredi). Une évolution saluée par Comeos, mais critiquée par les petits commerçants et le Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI), qui craignent une hausse des coûts sans augmentation du chiffre d’affaires.
Au-delà de l’ouverture dominicale, les distributeurs misent également sur le digital. L’e-commerce de Carrefour a notamment progressé de 50% en 2025, porté par Deliveroo et Uber Eats, précise encore Geoffroy Gersdorff dans Le Soir.