La Belgique submergée de colis chinois : un défi économique, logistique et politique

Shein Temu
© Belga
Camille Delannois

Depuis plusieurs mois, la Belgique fait face à un phénomène sans précédent : un véritable raz-de-marée de colis en provenance de Chine. Chaque jour, ce sont près de trois millions de paquets qui transitent par les plateformes logistiques belges, notamment via l’aéroport de Liège et le port d’Anvers. Derrière cette avalanche se cachent des géants du e-commerce chinois comme Shein, Temu, AliExpress ou TikTok Shop, qui inondent le marché européen de produits à bas prix, souvent livrés en quelques jours seulement.

Une concurrence déloyale qui fragilise l’économie locale

Les premiers à souffrir de cette invasion sont les commerçants et producteurs belges. Les produits chinois, souvent vendus à des prix dérisoires et échappent aux normes strictes imposées aux entreprises européennes. Résultat : les commerces de détail, notamment dans les secteurs de l’habillement, de l’électronique ou des jouets, voient leur clientèle et leur chiffre d’affaires fondre.

Parmi les produits les plus concernés, on retrouve le plus souvent des vêtements et accessoires de mode (robes, t-shirts, sacs, bijoux fantaisie) vendus à quelques euros sur Shein ou Temu ; des appareils électroniques bon marché (écouteurs, chargeurs, mini-caméras, gadgets connectés) souvent non certifiés CE ; des articles pour la maison (décoration, ustensiles de cuisine, rangements en plastique) ; des jouets et produits pour enfants, souvent non conformes aux normes de sécurité européennes ainsi que des cosmétiques et produits de beauté, dont la composition est parfois opaque ou non testée selon les standards européens.

Une avalanche chiffrée : des millions de colis et des centaines de millions d’euros perdus

Selon les dernières estimations, la Belgique reçoit en moyenne trois millions colis par jour en provenance de Chine, soit plus d’un milliard par an. Parmi eux, environ 85 % ont une valeur inférieure à 150 euros, ce qui les exonère des droits de douane, récemment imposés par l’Union européenne. Ce mécanisme, largement exploité par les plateformes de e-commerce, entraîne un manque à gagner fiscal estimé à 300 millions d’euros par an pour l’État belge. Des chiffres qui illustrent l’ampleur du phénomène et la nécessité d’une réponse rapide et coordonnée à l’échelle européenne.

Des douanes débordées et une logistique saturée

Le problème c’est qu’à l’échelle de la Belgique, tout comme ailleurs en Europe, les infrastructures logistiques sont à la limite de la saturation. À Liège Airport, devenu un hub majeur pour les colis chinois, les services douaniers sont débordés. Faute de moyens humains et technologiques suffisants, seuls quelques pourcents des colis peuvent être inspectés. Cela laisse passer des produits parfois non conformes, voire dangereux, pour les consommateurs. En parallèle, cette surcharge ralentit le traitement des marchandises locales, affectant la fluidité du commerce intérieur et augmentant les coûts pour les entreprises belges.

Face à cette situation, la Belgique appelle à une réforme urgente du cadre douanier européen. Mais les discussions à Bruxelles avancent lentement. La suppression de l’exonération des colis de moins de 150 €, bien qu’envisagée, n’est pas encore actée. De plus, certains États membres, moins exposés ou plus dépendants du commerce avec la Chine, freinent les initiatives les plus strictes. La Belgique se retrouve ainsi en première ligne, sans les outils nécessaires pour agir efficacement seule.

Des pistes de solution, mais un chemin encore long

Parmi les solutions envisagées figurent la responsabilisation des plateformes de vente en ligne, qui pourraient être tenues de garantir la conformité des produits vendus, ainsi que le renforcement des moyens douaniers, via l’automatisation et l’intelligence artificielle. Une meilleure coopération entre États membres est également jugée essentielle pour éviter que certains pays deviennent des portes d’entrée privilégiées. Enfin, des campagnes de sensibilisation pourraient encourager les consommateurs à privilégier les circuits courts et les produits locaux, plus durables et plus sûrs.

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