Il y a 25 ans Carrefour rachetait GB: retour sur la disparition d’une icône belge

GB © Belga

Vingt-cinq ans après le rachat de GB par Carrefour, l’ex-leader belge de la distribution a totalement disparu. Retour sur une intégration marquée par restructurations, pertes d’emplois et transformation du secteur.

Le premier groupe belge de distribution, racheté il y a un quart de siècle par le numéro 2 mondial, semblait s’engager dans une nouvelle ère. La célèbre boule rouge de GB a progressivement laissé place à la flèche tricolore française. Aujourd’hui, l’emblème rouge de l’ancien Grand Bazar ne subsiste plus dans le paysage belge. En vingt-cinq ans, restructurations et changements stratégiques ont jalonné l’histoire de Carrefour en Belgique, marquant un virage radical par rapport au modèle de GB.

Un héritage belge bouleversé

Les origines de GB remontent à 1860, avec Le Bon Marché, fondé par François Vaxelaire, suivi de succursales en Belgique. Puis, en 1958, Maurice Cauwe lance le premier Super GB, révolutionnant la distribution en libre-service. L’enseigne diversifie son offre : agences de voyage, restaurants Restos GB (ancêtres de Lunch Garden), Brico GB, Auto 5, et même des franchises Quick sur parkings. Fusionnant dans les années 1970 avec L’Innovation et le groupe BM, elle devient GB-Inno-BM, futur GIB (Grand Bazar, Innovation, Bon Marché), un leader incontesté de la distribution belge.

Expansion et internationalisation

Dans les décennies suivantes, GIB multiplie les initiatives : Vision Center (devenu Pearle), Club, Sportland (devenu Disport), Exki …, tout en s’internationalisant via Pizza Hut, Fnac, Ikea auquel le groupe contribuera au développement en Belgique, mais aussi Quick et Obi. À son apogée, il employait (franchisés compris) 54 000 personnes. Pourtant, dans les années 1990, la montée du hard-discount et l’offensive de Colruyt fragilisent le groupe. En 1993, 4 600 personnes sont licenciées, marquant le début d’une période de recul.

La bascule vers Carrefour

En 1998, GIB entame des pourparlers avec Promodès-Carrefour. Le 27 juillet 2000, Carrefour rachète GIB pour 670 millions d’euros, effaçant progressivement les enseignes Super GB et Maxi GB, tout en promettant un statu-quo social. Mais GIB revend ses autres perles (Brico, Auto 5, Quick) et son immobilier, transférant sites et actifs, avant d’être liquidé en 2002, mettant fin à un siècle d’histoire belge.

Les conséquences sociales et financières

L’intégration dans Carrefour s’accompagne d’un effacement total de la marque GB d’ici 2009, remplacée par Carrefour Market. Les promesses sociales s’estompent face aux années déficitaires et à la perte annuelle de parts de marché. Entre 2007 et 2018, ce sont plusieurs plans et suppressions de postes : 900 emplois (2007), 1 672 (2010), puis 1 233 en 2018 .

Myriam Delmée (syndicat Setca) souligne que “les plans sont réalisés depuis Paris… on a l’impression de discuter dans le vide”, face à une direction désormais financièrement orientée.

Un entrain renouvelé sous Gersdorff

Sous la direction du Belge Geoffroy Gersdorff, ancien de GB, Carrefour Belgique amorce une stratégie centrée sur les marques propres, la modernisation des hypermarchés et le numérique. En 2023, il estime que “l’hypermarché a très clairement trouvé une place en Belgique”. Toutefois, face à une concurrence accrue (Ahold Delhaize, Colruyt, hard-discounts, e-commerce), le défi reste de taille. Gersdorff évoque l’ouverture dominicale comme levier, malgré les réticences syndicales.

Un démantèlement progressif de GIB…

La cession des différents actifs du groupe GIB s’est étalée sur près de deux décennies, marquant la disparition progressive de ses nombreuses participations dans la distribution belge et européenne. En voici les jalons principaux.

En 1989, GIB vend ses 50 % de participation dans IKEA Belgique à la maison mère suédoise. Trois ans plus tard, en 1992, il se retire de Pizza Hut Belgique, revendue à Whitbread, l’ex-brasseur britannique détenteur du réseau au Royaume-Uni. Whitbread cèdera l’ensemble à la société mère américaine Yum en 2006.

En 1995, GIB se sépare de l’entreprise Christiaensen, après avoir vendu sa centrale d’achat au grossiste Mosa Toys. Dans la même période, entre 1995 et 1997, le groupe se défait de ses filiales de bricolage aux États-Unis et au Royaume-Uni. En 1996, les 60 % de Fnac Belgique détenus par GIB sont repris par la maison mère française. La cession partielle du cœur même de GB intervient en 1998, avec une première vente de 27,5 % des parts à Promodès.

En 1997, Pearle Vision retourne dans le giron de sa maison mère néerlandaise, Pearle Trust. Cette même année, la chaîne Sarma est vendue à Maxeda, propriétaire de l’enseigne HEMA.

… jusqu’à la liquidation

En 1998, la chaîne de jouets Christiansen passe sous le contrôle de Marc Collet, un franchisé, qui la revendra en 2004 au groupe Blokker. En 1999, Norauto prend une participation de 22,5 % dans Auto5. La même année, la moitié de Disport est vendue à l’anglais Sports Soccer. Le 25 juillet 2000, Carrefour rachète officiellement l’intégralité des supermarchés et hypermarchés GB.

Exki, détenu à 80 % par GIB, est alors incité à rechercher d’autres investisseurs. Ce seront Ackermans & van Haaren et la CNP, avant que le management ne reprenne l’ensemble en 2003, en association avec Landinvest. En avril 2001, les magasins Inno sont acquis par le groupe allemand Kaufhof. En septembre de la même année, GIB Immo est cédé à Redevco.

Lunch Garden passe sous le contrôle de Carestel, avant d’être cédé à KBC Private Equity, avec le soutien de Grégoire de Spoelberch et Thibaut van Hövell. En juin 2009, le fonds hollandais H2 recapitalise le groupe en reprenant 49 % du capital.

Le 30 janvier 2002, Auto5 est transféré définitivement à Norauto. Début 2002, la chaîne Club est cédée au libraire en ligne Proxis. L’opération est finalement finalisée par ses financiers, avant que Club n’absorbe Proxis en 2005. Elle sera ensuite vendue à Distripar, filiale de distribution de la CNP d’Albert Frère. La même année, Brico rejoint le groupe Vendex KBB, propriétaire de Hunkemöller et Gregg Interim.

Officiellement en liquidation

En 2002, GIB acte la fin de son démantèlement et entre officiellement en liquidation. Il conserve encore une participation majoritaire dans Quick, difficile à céder face à une concurrence accrue. La distribution des actions Quick aux actionnaires est envisagée, mais une OPA lancée par Ackermans & Van Haaren en septembre 2002 rebattrait les cartes. La CNP d’Albert Frère contre-attaque avec une offre concurrente. Un accord finit par être trouvé pour le partage des actions.

Enfin, en 2004, Gecotec, restée dans le giron de GIB, est reprise par la société ICT néerlandaise Centric. Deux ans plus tard, en 2006, GIB acquiert Trasys, société de services informatiques cédée par Suez-Tractebel. Cette même année, Quick est racheté par CDC Investissements, filiale de la Caisse des Dépôts française. Cette opération donnera lieu à une instruction judiciaire à la suite d’une plainte d’actionnaire.

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