L’enseigne Cora a annoncé la fermeture de ses sept hypermarchés en Belgique. Pour Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola, ce n’est pas une surprise. Pour lui, c’est le passif social qui aura eu raison de Cora.
L’enseigne Cora a annoncé vouloir cesser l’activité de ses hypermarchés en Belgique, ainsi que ses services de support, d’ici 2026. La nouvelle n’a surpris personne tant la situation des hypermarchés belges Cora se dégradait. “Le modèle est complètement dépassé tant au niveau social, qu’économique et financier”, explique Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola. “Il ne suffit pas de juste fonctionner dans la grande distribution, il faut d’abord être efficace, cela permet soit des prix bas, soit des promotions, soit des marges intéressantes. Or, s’il y a bien un point sur lequel l’hypermarché fait défaut, c’est cette hyperefficacité”, ajoute-t-il. “Aujourd’hui, vous ne pouvez être efficace qu’avec un nombre restreint de produits et un hyper, ce sont des milliers de produits, à quoi il faut ajouter le coût de l’emploi et le manque de flexibilité.”
Si l’enseigne souffrait de multiples maux : changement des habitudes de consommation, concurrence des hard discounter et des magasins non alimentaires, montée en puissance de l’e-commerce, c’est également le coût des salaires et le passif social qui aura eu raison de Cora. “Le dénominateur commun entre Cora et Carrefour, ce n’est pas le modèle hypermarché, c’est le handicap salarial”, note Pierre-Alexandre Billiet. Les deux enseignes opèrent sous une commission paritaire différente des autres acteurs, et ce sont ces différences qui nuisent au modèle de l’hypermarché dont les charges sont plus importantes. “Depuis 2021, les indexations successives ont augmenté les coûts salariaux de près de 20%”, assure Olivier Haller, CEO de Cora Belux.
Changement de paradigme social
“C’est le passif social qui a eu raison de Cora”, poursuit Pierre-Alexandre Billiet. Pour le CEO, il est nécessaire de changer le paradigme social dans la grande distribution si l’on veut sauver des emplois. “Plus le coût de l’emploi augmente, plus la rentabilité du distributeur est mise à mal, plus il y aura des pertes d’emplois”, avance-t-il. Aujourd’hui, la grande distribution est mise à mal par le coût salarial, mais également la concurrence déloyale qui s’opère à partir de l’étranger, essentiellement dans le non alimentaire avec des pratiques de dumping commercial. “Les plateformes asiatiques opèrent en Belgique en dessous de leur coût de revient, ça veut dire que tous ces acteurs vendent à perte, ce qui n’est pas permis pour les magasins physiques”, prévient Pierre-Alexandre Billiet. La direction de Cora aura tardé à réagir, et sans plan de restructuration de grande ampleur. “Ils ont voulu sauver des emplois avant d’en créer mais aujourd’hui la bienveillance ne suffit plus dans un pays agressé par la concurrence déloyale.”
Avec 1.779 personnes, Cora figure dans le top 10 des plus grands licenciements collectifs depuis 2010, selon le SPF Emploi. Le SETCa précise que la moitié des salariés Cora ont plus de 20 ans d’ancienneté et que 61% d’entre eux sont âgés de plus de 45 ans. Depuis 2018, ce sont plus de 6.000 licenciements qui ont eu lieu dans la grande distribution et les différentes estimations corroborent vers une suppression de 5.000 emplois supplémentaires dans les années à venir si le modèle n’évolue pas. “Personne ne s’étonne du sort de Cora, mais personne n’a réagi avant que cela ne se produise, ni l’entreprise, ni les syndicats, ni le politique”, poursuit-il. Le CEO de Gondola pointe également la responsabilité des syndicats qui – “c’est tout à leur honneur” – veulent maintenir les bonnes conditions de travail de ceux qui en profitent encore. “Philosophiquement, ils ont raison. Économiquement, ils ont tort. Aujourd’hui, ça n’est pas possible d’aligner les conditions de travail vers le haut, il faut un alignement moyen si l’on veut sauver des emplois”, assure-t-il.
