Droits de douane : Trump va-t-il faire baisser le prix des bières belges ?

Caroline Lallemand

Le phénomène est réel pour le champagne et le cognac français: les producteurs ont baissé leurs prix d’exportation de 20 à 25% pour compenser l’impact des droits de douane américains, créant potentiellement un surplus sur leur marché intérieur. Mais qu’en est-il de la bière belge ?

Les droits de douane américains auraient-ils pour effet de rendre les bières belges plus accessibles, voire en surplus, dans nos supermarchés, et même moins chères ? C’est une hypothèse qui tient la route: une baisse des exportations vers les États-Unis à cause des droits de douane imposés par trump créerait un surplus de production écoulé localement, avec à la clé une pression à la baisse sur les prix. Une théorie qui ne résiste toutefois pas à l’examen des statistiques commerciales.

Des exportations marginales

La Belgique a exporté pour 46,7 millions d’euros de bière vers les États-Unis en 2024, selon les statistiques d’Eurostat compilées par l’économiste Eric Dor. Un montant qui peut sembler important, mais qui reste dérisoire à l’échelle du secteur. À titre de comparaison, les Pays-Bas ont exporté pour 642,6 millions d’euros de bière vers le même marché, soit 14 fois plus que la Belgique.

“La Belgique exporte assez peu de bière vers les États-Unis, donc l’impact des droits de douane reste relativement faible”, confirme Krishan Maudgal, le directeur de l’Association des Brasseurs Belges. Ces exportations ne représentent qu’environ 3 à 4% du marché total belge de la bière, un volume insuffisant pour influencer les prix ou la disponibilité sur le marché intérieur.

Pas de baisse des prix

Autre élément qui contredit la thèse du surplus : l’évolution des prix. Si les Pays-Bas ont effectivement enregistré une baisse de 10% du prix moyen de leurs exportations de bière vers les États-Unis entre mai-septembre 2024 et la même période en 2025, la Belgique n’a connu aucune variation significative. “La moyenne du prix moyen est restée la même en 2025 qu’en 2024”, précise Eric Dor.

Cette stabilité s’explique par la nature même des exportations belges : principalement des bières spéciales haut de gamme, en volumes limités, dont les prix sont moins volatils que ceux des productions de masse. “Les prix ont augmenté de 20 à 25% ces cinq dernières années”, rappelle Krishan Maudgal, une tendance qui n’a rien à voir avec les droits de douane américains.

Orval, pas une bière d’exportation

Les consommateurs ne doivent donc pas s’attendre à voir davantage de bacs d’Orval disponibles dans certains magasins. “Le volume d’Orval exporté me semble assez dérisoire par rapport à leur volume global de production, qui est déjà limité”, répond le représentant de la Fédération. Orval n’est pas une bière d’exportation massive. Si davantage de produits sont disponibles en Belgique, cela relève probablement davantage de décisions commerciales internes que d’un quelconque effet des droits de douane américains.

Le représentant de la Fédération des Brasseurs Belges reconnaît cependant ne pas avoir de visibilité complète sur les stratégies commerciales individuelles de ses membres. ‘Pour des raisons de concurrence, nos activités se limitent là où commencent les choix commerciaux individuels’, précise Krishan Maudgal. Même concernant une marque aussi emblématique qu’Orval, la Fédération ne dispose pas d’informations détaillées sur les volumes d’exportation ou les décisions de distribution.

Le cas Duvel et AB InBev

Parmi les brasseries belges qui exportent vers les États-Unis, on trouve un nombre limité d’acteurs : Delirium (Brasserie Huyghe), Kasteel Beer (Van Honsebrouck), Saint Bernardus et Lindemans. Mais même pour ces brasseries, les volumes restent modestes à l’échelle de leur production totale.

Deux cas particuliers méritent d’être soulignés. Duvel Moortgat, dont les exportations représentent près de la moitié du chiffre d’affaires, possède trois brasseries américaines (Brewery Ommegang, Boulevard Brewing Company et Firestone Walker Brewing). AB InBev, géant mondial basé en Belgique, dispose quant à lui d’un vaste réseau de production aux États-Unis. Pour ces deux groupes, la stratégie d’implantation locale leur permet de contourner largement l’impact des droits de douane.

Une différence fondamentale avec le champagne

La situation de la bière belge contraste fortement avec celle du champagne ou du cognac français, qui ont effectivement vu leurs prix baisser sur le marché intérieur en raison d’une réduction des exportations vers les États-Unis. La différence ? Le volume. Les spiritueux français représentent des montants d’exportation bien supérieurs, et les producteurs ont effectivement dû réorienter leurs volumes vers d’autres marchés.  “Pour conclure, je ne pense pas que ces droits de douane vont impacter le marché belge en termes de disponibilité ou de prix”, déclare Krishan Maudgal.

En résumé, si vous trouvez plus facilement votre bière belge préférée en rayon, ce n’est probablement pas à cause de Donald Trump. Les volumes d’exportation vers les États-Unis sont tout simplement trop faibles pour créer un effet perceptible sur le marché belge.

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