Licenciés le jour où leurs bonus devaient être payés

Dans le cadre de sa restructuration en quatre divisions, la banque britannique HSBC a licencié plusieurs banquiers le jour même où leurs bonus de performance devaient être payés. Elle a indiqué que ces bonus ne seraient dès lors pas payés. Un tel refus de paiement serait-il légal en droit belge ?
En cas de licenciement, en marge de l’indemnité compensatoire de préavis et de l’indemnité pour la motivation du licenciement, se pose souvent la question du paiement du bonus pour la période précédant la rupture. Surtout si l’employeur licencie à peine quelques jours avant le jour où le droit au bonus est acquis.
Souvent, l’employeur évoquera pour ne pas payer une clause dite de “maintien d’emploi” prévoyant que le bonus n’est payé que si le travailleur est en service (ou ne doit pas être en préavis) à la date normale de paiement (souvent en mars). La validité de cette clause est cruciale en cas de licenciement tant pour la détermination de la base de calcul de l’indemnité de préavis que de l’appréciation de l’existence de droits sous le plan ou de l’indemnisation éventuelle de la perte desdits droits.
Le premier élément à vérifier est le respect de la législation belge sur l’emploi des langues dans la relation de travail qui pourrait causer la nullité de la clause (par exemple, si elle est en anglais pour un travailleur occupé en Wallonie).
Ensuite, si la clause est jugée “purement potestative” selon l’article 1174 du Code civil, c’est-à-dire que son accomplissement dépend uniquement de la volonté de celui qui s’oblige ou si celui-ci rend – par sa faute – impossible la réalisation de la condition, elle ne pourra jouer. Mais jurisprudence et doctrine considèrent généralement que (i) le licenciement n’est pas purement potestatif car il répond au moins partiellement à des justifications économiques et (ii) il n’est à priori pas considéré une faute.
Par ailleurs, l’article 6 de la loi relative au contrat de travail prévoit qu’une clause contraire aux dispositions de ladite loi est nulle pour autant qu’elle vise à restreindre les droits du travailleur ou à alourdir ses obligations. Mais invoquer cette disposition n’est pas facile et dépendra essentiellement de la rédaction du plan.
On peut encore évoquer l’article 3 de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération pour défendre le droit à un prorata de bonus. En l’absence de clause d’indivisibilité ou à défaut d’établir que le maintien dans l’entreprise était l’objectif premier du bonus ou de l’avantage, il peut être défendu que celui-ci s’acquiert au fur et à mesure de l’accomplissement des prestations dont il constitue alors la contrepartie.
En tout état de cause, la question de la validité des clauses de maintien en service n’a pas une réponse unique et, en pratique, les juges valident souvent ces clauses. Toutefois, dans le cas de nos banquiers, avec un licenciement le jour même du paiement des bonus, il y a un risque important qu’un juge belge considère le licenciement comme fautif ou abusif à moins d’avoir une très bonne raison justifiant un tel timing.
Christophe Delmarcelle, Associé fondateurdu cabinet DEL-Lawet juge suppléant au tribunal du travail
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