8 conseils pour une protection extrajudiciaire sans souci
Le mandat de protection extrajudiciaire est devenu un instrument de planification successorale très populaire ces dernières années. Mais pour exploiter pleinement toutes les possibilités qu’il offre, il est nécessaire de faire les bons choix en amont.
Pour anticiper une éventuelle perte de leur capacité à gérer leur patrimoine, plus de 126.000 Belges ont déjà enregistré un mandat de protection extrajudiciaire. Une belle illustration de l’essor de cet instrument depuis son introduction en septembre 2014.
” Pourtant, le mandat de protection extrajudiciaire avait été accueilli plutôt tièdement au départ. Mais il enregistre désormais une croissance exponentielle. De plus en plus de conseillers le mettent sur le tapis dans leurs discussions avec leurs clients. Pas uniquement des notaires : des banquiers et des comptables ont également pris l’habitude de vanter l’intérêt du mandat extrajudiciaire “, remarque Ann Maelfait, avocate chez Rivus. Car un mandat extrajudiciaire permet d’élaborer des solutions entièrement adaptées à votre patrimoine. Quelques conseils.
1. N’attendez pas
Une maladie liée à la vieillesse comme la démence, un accident de voiture qui vous plonge dans le coma ou un AVC qui provoque de graves lésions cérébrales : de nombreux événements peuvent vous priver de votre capacité d’exprimer votre volonté. Ceux qui en sont victimes se retrouvent brutalement dans l’impossibilité physique ou légale d’exécuter des actes financiers quotidiens, comme de payer des factures, de gérer un portefeuille de placements ou de percevoir un loyer. Et si vous n’avez pas pris les dispositions nécessaires, votre conjoint ou vos enfants ne pourront pas poser ces actes en votre nom. La gestion des finances familiales s’en trouvera rapidement paralysée. Sans même parler d’actes plus lourds de conséquences comme la vente de biens immobiliers ou la planification successorale. “De nombreuses personnes se croient à l’abri parce que leur conjoint ou leurs enfants ont une procuration bancaire, souligne Kirsten De Winné, avocate chez Rivus. Mais elles oublient que cette procuration perd toute valeur si elles sont frappées d’incapacité. ”
Avec le mandat de protection extrajudiciaire, il est possible d’élaborer de véritables solutions sur mesure. ” Ann Maelfait, avocate chez Rivus
Avec un mandat de protection extrajudiciaire, vous pouvez désigner une ou plusieurs personnes pour gérer vos finances si vous n’en êtes plus capable. Vous évitez ainsi que votre conjoint ou vos enfants doivent s’adresser à un juge de paix dès qu’il faut signer des documents à la banque ou chez le notaire. ” Sans mandat de protection extrajudiciaire, le juge de paix devra désigner un administrateur, déclare Ann Maelfait. A ce moment, la gestion du patrimoine disparaît de la sphère privée et passe sous un contrôle judiciaire. L’administrateur devra obtenir une habilitation du juge de paix pour tout acte important, comme une donation ou la vente d’un appartement. ” Un mandat de protection extrajudiciaire peut éviter ces problèmes à condition, naturellement, que vous ayez rédigé ce mandat extrajudiciaire à temps, car ce n’est plus possible une fois que vous serez frappé d’incapacité. Une personne qui se voit diagnostiquer une longue maladie pourra peut-être encore établir un mandat de protection extrajudiciaire à temps, mais ce ne sera possible si vous êtes plongé dans le coma à la suite d’un accident. Preuve que même des personnes relativement jeunes ont intérêt à établir un mandat extrajudiciaire.
2. Exploitez toutes les possibilités du mandat extrajudiciaire
Un mandat de protection extrajudiciaire n’est guère soumis à des restrictions. La législation ne prévoit que quelques interdictions expresses. Ainsi, le mandataire (la personne chargée de l’exécution du mandat extrajudiciaire) ne peut établir de testament au nom du mandant (la personne qui attribue le mandat de protection extrajudiciaire). Il lui est également défendu de se marier au nom du mandant, de prendre des dispositions en matière d’euthanasie ou de prêter serment devant un notaire pour un inventaire de sa succession. ” Sauf les rares interdictions expresses, un mandat de protection extrajudiciaire ne présente aucune restriction “, précise Kirsten De Winné. Ainsi, vous pouvez non seulement établir que le mandataire pourra exécuter les opérations financières quotidiennes en votre nom, mais aussi qu’il pourra poser des actes plus lourds de conséquences comme vendre des biens immobiliers, établir des contrats de bail, faire des donations ou accepter des successions. ” Avec le mandat de protection extrajudiciaire, il est possible d’élaborer de véritables solutions sur mesure “, ajoute Ann Maelfait.
3. Décrivez aussi précisément que possible ce qui est autorisé
En principe, il n’est pas nécessaire de mentionner explicitement tous les actes de gestion possibles dans un mandat de protection extrajudiciaire. On part en effet du principe que la personne à qui un mandat extrajudiciaire a été attribué peut poser tous les actes nécessaires à la gestion du patrimoine. Il s’agit, par exemple, de percevoir des pensions, des revenus de capitaux ou des revenus locatifs, de régler les formalités fiscales, de donner des biens immobiliers en location et de poser tous les actes qui vont de pair, d’acheter ou de vendre des produits d’investissements ou de définir un profil d’investisseur, de payer des dettes, de conclure des contrats d’assurance ou de représenter le mandant devant des institutions publiques. ” Bien que ce ne soit pas obligatoire stricto sensu, il peut être utile de mentionner explicitement ces différents actes de gestion dans le mandat extrajudiciaire. En principe, il est parfaitement possible pour le mandataire de modifier le profil d’investisseur du mandant sans que cet acte soit explicitement décrit dans le mandat. Mais cela ne vous apportera pas grand-chose devant un employé de banque tatillon qui relève que cet acte n’est mentionné nulle part “, explique Kirsten De Winné.
Outre les actes de gestion, le mandat de protection extrajudiciaire permet également d’autoriser le mandataire à exécuter des ” actes de disposition ” au nom du mandant. Ces actes vont encore un peu plus loin. Il peut par exemple s’agir de vendre des biens mobiliers ou immobiliers, de réaliser des donations, de modifier un contrat de mariage, d’accepter ou de rejeter des successions. Si vous voulez que vos mandataires puissent également poser de tels actes, il faudra le mentionner explicitement dans le mandat. ” Ce sont des actes si personnels qu’une procuration expresse est nécessaire, explique Ann Maelfait. Dans le cas de donations, il faudra également indiquer les bénéficiaires et l’objet précis de la donation dans le mandat de protection extrajudiciaire. Il faudra également établir clairement si la donation constitue une avance sur héritage ou est réalisée hors part d’héritage. Et si des conditions sont associées à la donation, elles devront également être précisées. C’est important, car un notaire pourra refuser d’officialiser la donation si son objet ou ses modalités de donation ne sont pas clairs. ”
4. Désignez un comité de mandataires
Vous pouvez attribuer un mandat de protection extrajudiciaire à une ou plusieurs personnes. Souvent, on a tendance à désigner son conjoint ou ses enfants. ” Il s’agit surtout de formuler des règles claires ou d’élaborer un régime fonctionnel dans la pratique, précise Ann Maelfait. Il est parfaitement possible de désigner tous les enfants comme mandataires afin de garantir leur égalité de traitement. Mais si vous leur imposez une intervention commune, vous les obligerez par exemple à se rendre ensemble à la banque dès qu’un document devra être signé. Naturellement, ce n’est pas pratique “.
C’est pourquoi les avocats conseillent de créer un comité de mandataires, par analogie à un conseil d’administration de société. C’est alors au mandant d’en définir les règles de fonctionnement. Il pourra, par exemple, établir que tous les enfants peuvent prendre des décisions de manière autonome à concurrence d’un montant donné, mais qu’ils doivent intervenir en commun une fois que ce montant est dépassé. ” Cela permettra en tout cas d’éviter une convocation du conseil de famille pour des actes quotidiens “, ajoute Ann Maelfait. Le mandant peut également imposer une majorité des deux tiers, voire l’unanimité pour des actes plus lourds de conséquences comme une donation.
De nombreuses personnes se croient à l’abri parce que leur conjoint ou leurs enfants ont une procuration bancaire. Mais elles oublient que cette procuration perd toute valeur si elles sont frappées d’incapacité. ” Kirsten De Winné, avocate chez Rivus
5. Prévoyez un banc de réservistes
Il est également recommandé de constituer un banc de réservistes. Car vous si vous désignez plusieurs mandataires et que ceux-ci décèdent avant vous, le mandat extrajudiciaire s’éteint et le juge de paix devra intervenir. Il est possible de désigner des successeurs dans un mandat extrajudiciaire afin d’avoir la certitude qu’il y aura toujours quelqu’un pour gérer vos finances si vous n’en êtes plus capable. ” Souvent, on oublie également de désigner un mandataire ad hoc qui peut intervenir en cas de conflit d’intérêts “, explique Kirsten De Winné. Il est par exemple question de conflit d’intérêts quand des enfants doivent prendre une décision au nom de leurs parents sur une donation à eux-mêmes. Un mandataire ad hoc pourra alors trancher à la place des enfants. Souvent, les mandants optent pour un conseiller avec lequel ils entretiennent une relation de confiance de longue date, comme un expert-comptable, un avocat ou un notaire. ” Il est cependant important d’en informer l’intéressé à l’avance, car les règles déontologiques de nombreux groupes professionnels leur imposeront de le signaler à leur autorité, ajoute Ann Maelfait. En qualité d’avocate, je suis par exemple tenue d’avertir mon bâtonnier chaque je dois intervenir comme mandataire ad hoc. Et les banquiers devront souvent en référer à leur département compliance. ”
6. Tenez compte des litiges
Il paraît assez évident d’avoir une grande confiance dans les personnes auxquelles on confie un mandat de protection extrajudiciaire. Mais des irrégularités ne sont jamais totalement à exclure à un moment où vous ne pouvez plus exercer aucun contrôle. ” Cela arrive, poursuit Ann Maelfait. Ainsi, des juges de paix doivent parfois intervenir quand des différends apparaissent entre des enfants, par exemple parce que l’un d’entre eux a effectué des retraits en qualité de mandataire. Dans ce cas, le juge de paix peut estimer que ces différends rendent le mandat caduc. ” Le juge de paix constitue donc un filet de sécurité s’il s’avère qu’un mandataire n’agit pas dans l’intérêt du mandant. Le juge de paix peut modifier le mandat de protection extrajudiciaire ou encore choisir la procédure de production judiciaire et désigner un administrateur. ” Nous recommandons également d’indiquer dans le mandat de protection extrajudiciaire la personne que vous désignerez comme administrateur si on n’en arrivait à une telle extrémité, précise Kirsten De Winné. On ne sait jamais ce qui peut se passer. ”
7. Ne rédigez pas votre mandat vous-même
Bien que les experts le déconseillent parce que la formulation est plus technique qu’on le pense, il est en principe possible de rédiger un mandat de protection extrajudiciaire soi-même. Vous devrez alors faire enregistrer le mandat au greffe du juge de paix de votre lieu de résidence. Cet enregistrement est indispensable à la validité d’un mandat de protection extrajudiciaire sous seing privé. ” Récemment, j’ai dû déposer un mandat de protection extrajudiciaire au greffe du juge de paix, déclare Ann Maelfait. Le greffier ne savait pas du tout de quoi il s’agissait. Preuve que les mandats de protection extrajudiciaire sous seing privé sont assez exceptionnels “.
Généralement, le mandat de protection extrajudiciaire sera enregistré par un notaire. Le passage devant un notaire est d’ailleurs indispensable si vous attribuez des pouvoirs importants dans le cadre du mandat extrajudiciaire, comme la réalisation de donations. ” Sans enregistrement notarié, de tels actes ne pourront être exécutés. ” Un mandat de protection extrajudiciaire notarié coûte – enregistrement compris – de 350 à 500 euros.
8. Si vous êtes mandataire, souscrivez une assurance
” Les mandataires d’un mandat de protection extrajudiciaire portent une très lourde responsabilité. Je conseille à tout le monde de bien réfléchir avant d’accepter cette charge “, explique Ann Maelfait. Dès lors que le mandat de protection extrajudiciaire comprend la gestion d’un patrimoine important, il est également recommandé aux mandataires de souscrire une assurance responsabilité civile, comme c’est l’habitude pour les administrateurs d’une société. ” J’ai même connu des cas d’enfants qui attaquaient le mandataire, lui reprochaient de mauvaises décisions, voire l’accusaient de vol, témoigne Ann Maelfait. Si le patrimoine est important, il est préférable de se couvrir. Car le mandat de protection extrajudiciaire est un instrument très précieux, mais uniquement si toutes les parties font preuve de la diligence nécessaire. “
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