Comment éviter que votre petit-fils ne dilapide son argent dans une Ferrari?

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Pour optimiser la planification de votre succession, vous envisagez d’effectuer une donation. Sachez qu’il existe plusieurs manières d’éviter de perdre le contrôle de son objet.

“Ce qui est donné est donné»: ce principe vaut aussi pour ce dont vous vous dépouillez par donation. Il est heureusement possible de soumettre la donation à un certain nombre de conditions, histoire d’éviter que l’enfant ou le petit- enfant ne dilapide l’argent dans l’achat de voitures de sport, par exemple, ou ne le consacre à d’autres dépenses que vous jugez déraisonnables.

Vouloir conserver jusqu’au bout la jouissance ou les revenus du bien donné peut être une autre raison d’assortir la donation de conditions. Votre notaire ou votre conseiller patrimonial pourra élaborer une formule sur mesure. Trends-Tendances a d’ores et déjà sélectionné ici huit clauses susceptibles de se révéler intéressantes.

1. Clause de destination

Nous vous présentons Marie-Jeanne, 80 ans, qui habite Braine-le-Château, en Brabant wallon. Dominique, son petit-fils, est sur le point d’acheter une maison. Pour l’aider, elle voudrait lui faire don de 100.000 euros, pour autant que cette somme serve effectivement à l’achat du bien. Elle peut, pour s’en assurer, faire inscrire dans l’acte de donation une clause de destination, qui précisera clairement l’usage qui peut être fait des fonds.

«Prévoir une clause d’interdiction – qui est en fait l’inverse de la clause de destination – est possible également, ajoute Johan Adriaens, planificateur successoral et spécialiste de la fiscalité patrimoniale chez Adriaens & Partners. Ainsi le donateur peut-il interdire certains achats, comme celui d’une voiture de sport ou d’une moto. Mais dans la pratique, ces interdictions sont difficiles à verrouiller, car énumérer tout ce qui n’est pas autorisé est tout bonnement impossible.»

2. Interdiction d’aliéner

En faisant insérer l’interdiction d’aliéner dans l’acte, Marie-Jeanne empêche son petit-fils de donner les fonds à un tiers. «Une certaine circonspection s’impose, note Johan Adriaens. Notre jurisprudence ne tolère l’interdiction d’aliéner que si deux conditions sont réunies: elle doit être limitée dans le temps, et servir un intérêt légitime. Le notaire ou le conseiller patrimonial vous dira ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.»

Prévoir que l’interdiction d’aliéner s’éteindra au décès du donateur est en principe considéré comme une limitation dans le temps acceptable. Vouloir qu’elle dure jusqu’au décès du donataire ne l’est généralement pas.

Un intérêt légitime est par exemple la condition qui veut que les bijoux de famille restent dans la famille, ou que le terrain à bâtir demeure inconstruit, pour permettre au donateur de continuer à vivre sur la parcelle voisine en toute tranquillité.

3. Clause d’exclusion

Dominique étant marié sous le régime légal, la donation, une fois faite, lui appartient en propre. En d’autres termes, elle n’entre pas dans la communauté matrimoniale. S’il devait un jour divorcer, elle resterait en sa possession et son ex-épouse ne pourrait y prétendre… à moins qu’il n’ait lui-même apporté les fonds à la communauté dans l’intervalle. Le cas des donataires mariés sous le régime de la communauté universelle doit lui aussi faire l’objet d’une attention particulière.

«Pour éviter les problèmes, il est possible d’interdire formellement, dans l’acte notarié, d’apporter le bien à la communauté, répond Johan Adriaens. C’est à cela que sert notamment la clause d’exclusion. Elle peut même s’étendre aux revenus – le loyer de l’appartement ou les dividendes des actions donnés, par exemple.»

4. Clause «boisson, drogue et secte»

Marie-Jeanne est convaincue que son petit-fils mène une vie parfaitement saine, mais elle est d’un naturel méfiant. «Elle peut envisager d’insérer dans l’acte une clause dite ‘boisson, drogue et secte’, conseille Johan Adriaens. Ce qui lui permettrait de révoquer la donation si Dominique commençait à se droguer ou à boire, s’il intégrait une secte ou, par extension, s’il était lourdement condamné.»

5. Réserve d’usufruit

Depuis le décès de son mari, l’an passé, Marie-Jeanne vit seule dans sa jolie villa. Pour planifier intelligemment sa succession, elle envisage de donner dès à présent la maison à sa fille Julie, tout en restant dans les lieux le plus longtemps possible. La donation notariée avec réserve d’usufruit est la solution: Julie obtiendra la nue-propriété de la villa, mais ni sa jouissance ni son usage. Au décès de sa mère, elle deviendra pleinement propriétaire du bien, sans avoir à s’acquitter de droits de succession. Notons toutefois l’existence de droits de donation payés en amont.

La donation avec réserve d’usufruit peut porter sur des biens mobiliers également. Marie-Jeanne peut donc aussi donner à sa fille des actions, des parts dans des fonds d’investissement ou des obligations, dont elle continuera à percevoir chaque année les dividendes et les coupons. Elle peut également lui transmettre de cette façon bijoux, œuvres d’art et bateaux de plaisance, sans se priver d’en jouir au quotidien.

6. Clause de bien-être

On ne donne, en principe, que si on ne manque soi-même de rien. Mais comme on ne sait jamais comment les choses peuvent tourner, Marie-Jeanne oblige Julie, par le biais d’une clause de bien-être, à lui assurer logement, subsistance et soins en cas de besoin. Pour Johan Adriaens, «même si certains juristes doutent encore de sa validité, cette clause est aujourd’hui très largement acceptée. Il convient toutefois de préciser ce qu’elle recouvre», ajoute-t-il.

«Il est également possible d’imposer au donataire la prise en charge de la facture de la maison de repos. Le donateur n’oubliera surtout pas de décrire exactement le type d’institution dans laquelle il souhaite être admis, pour éviter toute discussion le moment venu. Il peut aller jusqu’à prévoir une fourchette de prix (indexée).»

7. Rente viagère

Marie-Jeanne peut exiger que Julie lui paie une rente viagère, fixée à 500 euros par mois par exemple. «Une telle charge est valable à condition d’être raisonnable et de ne pas annuler indirectement la donation, précise notre expert. Le donateur peut ajouter que le paiement ne sera effectué qu’à sa demande explicite: la clause de rente viagère sera alors facultative.»

8. Clause de retour

Que se passerait-il si un des bénéficiaires venait à décéder avant Marie-Jeanne? «Supposons que Dominique décède inopinément: les biens donnés reviendraient automatiquement à Marie-Jeanne, souligne Johan Adriaens. Pour autant que les biens soient encore présents en nature dans le patrimoine de Dominique et que celui-ci ne laisse pas d’enfants.” Habitant en Wallonie, elle devrait s’acquitter de droits de succession sous certaines conditions (c’est également le cas en Flandre). Si elle tétait domicilée en Région bruxelloise, elle serait d’office imposée.

Pour s’assurer que la donation lui reviendra même si les deux conditions citées plus haut ne sont pas satisfaites, Marie-Jeanne peut faire prévoir dans l’acte une clause de retour conventionnel, qui lui permettra d’atteindre le même objectif, tout en étant exonérée des droits de succession (une mesure applicable dans les trois Régions).

Il est plus judicieux encore de rendre le retour conventionnel facultatif. Car si Dominique devait décéder avant elle, sa grand-mère pourrait décider à ce moment-là seulement de récupérer la donation, ou de la laisser à Julie.

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