Cohabitation : et à la fin, c’est toujours la femme qui est perdante
Lorsqu’un couple en cohabitation légale se sépare, c’est généralement le partenaire économiquement plus faible qui en pâtit. Et souvent, il s’agit de la femme, selon une étude réalisée par l’Université libre de Bruxelles et l’Université de Liège.
Selon la notaire Hélène Casman, il existe encore beaucoup d’ignorance sur le statut de cohabitation légale parmi les citoyens belges. Ce statut est en effet moins avantageux que le mariage. Lors d’une séparation, ce sont surtout les femmes qui en sont les principales victimes, selon une étude réalisée par l’Université libre de Bruxelles et l’Université de Liège à la demande de la secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Marie-Colline Leroy (Ecolo).
Une des raisons en est que les femmes travaillent de nos jours moins souvent à temps plein que les hommes et consacrent plus de temps aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants. Par conséquent, les femmes accumulent moins rapidement un patrimoine. “Les couples choisissent eux-mêmes s’ils optent ou non pour une forme de cohabitation protectrice, comme le mariage“, explique Elisabeth Alofs, professeure de droit patrimonial familial à l’ULB ayant participé à l’étude. “Le législateur renvoie la responsabilité au couple. Les partenaires doivent décider s’il y aura ou non une protection sur le plan du droit familial et patrimonial.”
Aucune pension alimentaire
L’étude dévoile que les régimes de la séparation des biens, de cohabitation légale et de fait, protègent moins bien les personnes les plus faibles économiquement qu’un mariage. Ainsi, dans le cadre du mariage, et plus précisément dans le régime légal de communauté de biens, il existe une solidarité patrimoniale, explique Elisabeth Alofs. “Cela signifie que le patrimoine est partagé à la fin. Le partenaire économiquement plus faible a, en outre, droit à une pension alimentaire.” Les personnes mariées sous un régime de communauté, comprenant notamment un patrimoine commun, sont celles qui bénéficient de la meilleure protection financière.
Les couples en cohabitation légale qui se séparent pensent trop souvent, à tort, qu’ils ont les mêmes droits que les personnes mariées, surtout si la relation a duré longtemps. Selon la notaire Hélène Casman, c’est un ‘problème fondamental’. La loi accorde à peine des droits aux couples vivant en cohabitation légale et qui décident de se séparer. Ils ont toutefois un peu plus de droits que les couples vivant en cohabitation de fait, ces derniers ne jouissent d’aucune protection (lire aussi l’encadré ci-dessous).
En tant que cohabitant légal, vous ne pouvez compter que sur le fait que si votre partenaire décède, vous avez le droit de rester dans la maison familiale. “La loi n’accorde pas plus que cela. Pour hériter davantage, cela doit être réglé avec le partenaire, le plus souvent par le biais d’un testament. Ce n’est pas parce que les droits de succession en cas de décès sont les mêmes que pour les personnes mariées que l’étendue des droits de succession est la même”, déclare la notaire Hélène Casman.
Des déclarations en hausse
Depuis 2011, le nombre de cohabitations légales a fortement augmenté. L’année dernière, le nombre de nouvelles déclarations s’est élevé à 38.359, soit une augmentation de 1,6 % par rapport à l’année précédente. Hélène Casman s’inquiète de cela, car beaucoup de ces personnes ne prennent pas la peine de s’informer correctement. “Ils prennent la décision de ne pas se marier, par exemple parce qu’ils ne veulent pas dépenser d’argent pour un grand mariage. Les couples optent alors pour la solution moins avantageuse, sans réaliser que la loi n’accorde pas la même protection à la cohabitation qu’au mariage.”
“Le problème majeur est qu’il existe déjà une disparité de patrimoine entre hommes et femmes sur le plan socio-économique, comme l’écart de salaire et de pension“, ajoute Elisabeth Alofs. “Les femmes sont déjà en position défavorable sur le marché du travail. Cette inégalité persiste également au sein de la famille : nous savons grâce à des études antérieures que les femmes consacrent neuf heures de plus par semaine aux tâches ménagères que les hommes, qu’elles travaillent ou non. Si un couple opte ensuite pour un statut non protecteur, cela ne fait qu’accentuer cette disparité.”
La secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Marie-Colline Leroy (Ecolo) qualifie l’étude de ‘signal d’alarme‘. “Les personnes qui choisissent le statut de “vivre en cohabitation légale” et réduisent leur temps de travail pour s’occuper des enfants ou aider leur partenaire dans son travail doivent être financièrement compensés”, déclare-t-elle.
Le statut de cohabitant n’est pas de la cohabitation légale
Le statut de cohabitant diffère de la cohabitation légale, qui est une forme de vie commune conférant une protection légale aux partenaires qui vivent ensemble, notamment dans le cadre successoral. Les partenaires qui vivent ensemble sans avoir fait une déclaration de cohabitation légale auprès de la commune ou sans être liés par le mariage sont considérés comme des cohabitants de fait. Les cohabitants de fait introduisent leur propre déclaration d’impôts chacun séparément. Les cohabitants légaux et les couples mariés, quant à eux, rédigent une déclaration commune : ils recevront un seul avertissement-extrait de rôle commun. Ils se portent ainsi caution pour les impôts l’un de l’autre.
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