Ces milliards qui transitent par les fonds de fonds
Fin 2018, les gestionnaires de fonds assortis d’une surveillance du cours plancher se sont massivement désinvestis des actions et des obligations. Mais des 6,6 milliards d’euros mis en sécurité au cours des derniers jours de l’année, 3,7 milliards ont été remis au travail début 2019, nous apprend l’Association belge des ” asset managers “.
Le Belge est un investisseur prudent, enclin surtout à opter pour des fonds qui lui promettent qu’il ne perdra jamais plus de 5, 10 ou 15 % de son apport. Ces fonds investissent l’argent de leurs clients, directement ou par le truchement d’autres fonds, dans des actions et/ou des obligations, mais en offrant la garantie d’une surveillance du cours plancher. Lorsqu’un krach boursier entraîne une dévalorisation des actions détenues, des ordres de vente sont en effet automatiquement générés. Le produit de ces transactions est alors parqué dans des fonds monétaires – fonds qui investissent dans des titres de créance à très courte durée, équivalents des liquidités pour les investisseurs. L’argent ne rapporte plus rien, mais le client n’a pas à se préoccuper de savoir si la Bourse ne va pas tomber plus bas encore.
190 milliards
La Beama, l’Association belge des asset managers, calcule tous les trois mois ce que contiennent les fonds commercialisés en Belgique. Elle nous apprend qu’entre octobre et décembre 2018, des ” interventions techniques dans les portefeuilles des fonds de fonds mixtes ” ont provoqué la fuite, en direction des fonds monétaires, de 6,6 milliards d’euros initialement investis dans des fonds en actions et des fonds obligataires – rappelons que les fonds de fonds sont des fonds qui investissent, par le biais d’autres fonds, en actions et/ou en obligations.
Ensuite, entre janvier et mars 2019, les gestionnaires de ces fonds de fonds mixtes ont fait reprendre à un peu plus de la moitié de ces actifs (3,7 milliards d’euros) la direction des fonds en actions et des fonds obligataires. En d’autres termes, les investisseurs et les gestionnaires ont remis au travail un peu plus de 50 % de l’argent qui avait été placé à l’abri au cours du trimestre précédent.
Nous avons demandé à la Beama quels montants gérés par les fonds de fonds mixtes sont assortis d’une surveillance du cours plancher, mais elle n’a pas pu nous répondre. ” La surveillance du cours plancher est une technique appliquée par les gestionnaires de fonds de fonds mixtes, nous a seulement indiqué un porte-parole. Nous ne publions pas l’actif net des fonds qui en font l’objet. Je suis juste en mesure de vous dire que les fonds de fonds contiennent actuellement 76,3 milliards d’euros. ” On recensait, fin mars, 190 milliards d’euros investis dans les fonds commercialisés en Belgique, soit 40 % des actifs confiés à des fonds d’investissement.
“Stop-loss” et “stop-limit”
Entre le sommet atteint en janvier et la date du 1er octobre 2018, l’indice Bel 20 a perdu plus de 10 % de sa valeur et l’Euro Stoxx 50, environ 6 %. L’investisseur qui se sera défait de ses actions le 1er octobre aura évité une nouvelle chute de 15 % en 2018. Au cours des trois premiers mois de 2019, les indices boursiers européens se sont redressés d’une manière quasi aussi spectaculaire qu’ils ne chutèrent durant les trois mois précédents.
A l’évidence, le mécanisme de surveillance des cours a fonctionné. Reste évidemment à savoir si les investisseurs se sont attelés à racheter ces mêmes actions devenues moins chères qu’à l’époque où ils les ont revendues – d’autant que la différence entre le prix d’achat et le prix de vente doit également couvrir les frais supplémentaires inévitablement liés à la surveillance du cours plancher.
Comment ces mécanismes fonctionnent-ils ? Les investisseurs en actions ou en fonds indiciels cotés ont la possibilité de limiter les pertes ou de sécuriser leurs bénéfices en émettant des ordres stop-loss ou stop-limit. L’ordre stop-loss est la perte maximale que l’investisseur admet sur une position en Bourse : si l’action tombe en deçà d’un certain plancher, il cherchera à s’en défaire, quel que soit le prix obtenu en Bourse. Dans le cas d’un ordre stop-limit, un ordre de vente assorti d’un cours limité, qui est le prix minimum que l’investisseur cherche à obtenir, sera émis. L’investisseur doit donc définir deux niveaux : le seuil que le titre peut atteindre et le prix minimum voulu. Il n’est par conséquent pas impossible que le titre ne soit jamais vendu. Simultanément, l’investisseur est protégé contre les chutes de cours brutales et inopinées.
Plusieurs systèmes disponibles
Plusieurs systèmes sont disponibles sur le marché des fonds. Belfius, par exemple, propose une gamme de fonds Lock, où l’investisseur est invité à préciser le cours à partir duquel un ordre de vente est automatiquement activé si la valeur intrinsèque du fonds baisse par rapport à sa valeur d’achat. KBC intègre la surveillance du cours plancher dans la gestion même de ses fonds, qui investissent plus ou moins en actions, selon le contexte. Il est enfin possible de prévoir une protection supplémentaire en investissant dans une assurance-vie individuelle (branche 23) couplée aux prestations d’un ou plusieurs fonds, comme le Smart Fund Plan de BNP Paribas Fortis.
Nous avons demandé à quatre supermarchés de fonds quels étaient les fonds les plus vendus en Belgique cette année. Keytrade Bank, BinckBank et MeDirect évoquent le fonds flexible mixte Flossbach von Storch Multiple Opportunities II (LU1038809395). Les gestionnaires de ce grand classique osent investir plus de 60 % de ses actifs en actions – c’est du moins le cas actuellement. Ils avouent par ailleurs ne pas distinguer de meilleure opportunité d’investissement que les liquidités, d’où le fait que plus de 20 % de l’argent de la clientèle est investi dans des fonds monétaires.
Un certain nombre de fonds sont très régulièrement vendus par deux des quatre supermarchés consultés au moins. Il s’agit entre autres du fonds immobilier DPAM Real Estate Europe proposé par la Banque Degroof Petercam, que gère notamment le très réputé Olivier Hertoghe. Parmi les autres fonds prisés, citons le Robeco Consumer Trends Equities (LU0187079347) du néerlandais Robeco. Ce produit exploite trois tendances structurelles en termes de dépenses de consommation : la consommation numérique, la croissance des dépenses de consommation sur les marchés émergents et le succès de ” marques fortes “. Relevons enfin deux fonds, commercialisés par MeDirect et BinckBank, du français Comgest : Comgest Growth Europe (IE0004766675) et Comgest Growth World (IE0033535075). Comgest est un gestionnaire indépendant dont le capital est entièrement aux mains de ses salariés : si ses fonds se portent mal, le portefeuille d’investissements du personnel le ressent.
Deutsche Bank évoque par contre des produits tout à fait différents de ceux des autres supermarchés. Deux d’entre eux sont des fonds mixtes flexibles, c’est-à-dire des fonds dont les gestionnaires peuvent, dans les cas extrêmes, investir zéro ou 100 % des actifs en actions. Il s’agit des produits Allianz Dynamic Multi Asset Strategy 50 et Funds For Good Global Flexible – Sustainable. Les gestionnaires de fonds de la banque allemande privilégient par ailleurs certains thèmes, dont la sécurité (Pictet Security), la technologie (DWS Invest Artificial Intelligence) et les soins de santé (BlackRock Global Funds – World Healthscience Fund). ” Le succès des fonds thématiques s’explique par les défis auxquels la société est confrontée au quotidien, comme le changement climatique, la quatrième révolution industrielle, le vieillissement de la population et la sécurité personnelle et numérique, explique un porte-parole. En s’attaquant à ces défis, les fonds thématiques sont souvent très proches de la sphère d’intérêt personnel des investisseurs “, conclut notre interlocuteur.
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