Bracelet “cashless” dans les festivals: une pratique commerciale déloyale ?
Les visiteurs de Werchter doivent payer 3,5 euros pour récupérer le montant restant sur leurs bracelets dits cashless (un système qui remplace les bons et les jetons). L’inspection économique examine s’il ne s’agit pas là d’une pratique commerciale déloyale.
Les bons des plus grands festivals (Werchter, Graspop, Tomorrowland, Les Ardentes, Core) ont été remplacés par un système de paiement non numéraire, soit via un bracelet avec un QR code sur lequel on charge de l’argent.
Les visiteurs achètent des jetons numériques qui sont transférés sur le bracelet à certains endroits dédiés, voire directement via l’application du festival. Ceux-ci seront ensuite dépensés via le même système aux différents stands. En gros, le bracelet devient aussi un portefeuille virtuel.
Mais comme avec les bons, il est possible qu’il vous en reste à la fin du festival. Si vous souhaitez récupérer le montant disponible, il faudra payer pas moins de 3,5 euros à Werchter. Un montant pudiquement appelé “taxe de remboursement”. Cette taxe n’est pas une exclusivité de Werchter. Elle est également d’application dans d’autres festivals bien que le prix varie. Ainsi au Graspop, elle s’élève à 0,5 Skully (1,75€), tandis qu’elle est de 2 Pearls (3,50€) à Tomorrowland. A Ronquières, on ne rembourse tout simplement pas s’il y a moins de 3 euros sur le bracelet. Enfin, la date limite de remboursement change aussi d’un festival à un autre. Ainsi pour Werchter, on n’a ainsi que 14 jours pour récupérer son dû. Le remboursement lui-même par contre peut prendre jusqu’à un mois, peut-on lire sur le site web de Rock Werchter
Des bugs lors du chargement en ligne ?
Les organisateurs reconnaissent que certains doubles paiements ont été enregistrés à TW Classic. “Toutefois, cela n’est pas dû à notre système sans argent liquide, mais à un problème chez Worldline (qui traite les paiements, ndlr)”, explique Nele Bigaré, de l’organisateur Live Nation. “Ce problème fait l’objet d’un suivi et les paiements en double seront remboursés. Worldline a fait tout son possible pour éviter de nouveaux problèmes” précisent-ils dans De Morgen.
Si le système “cashless” a des avantages (on ne perd plus de bons et c’est plus rapide), il permet aussi au festival d’engranger encore un peu plus de deniers.
Selon la ministre de la consommation Alexia Bertrand (Open VLD), l’inspection économique vérifie si le montant de cette redevance est bien légal. « Je comprends que les frais soient plus élevés que pour un paiement électronique ordinaire, mais 3,5 euros – soit des dizaines de fois plus que pour une transaction numérique standard – me semblent beaucoup. Je vais donc examiner objectivement si ces montants sont corrects” précise-t-elle encore dans Het Laatste Nieuws.
Elle n’est pas la seule à se poser des questions puisqu’en 2019 déjà, l’association Testachats avait pointé du doigt les frais demandés, sans être pourtant entendue.
Des « monnaies » virtuelles qui prêtent à confusion
Que ce soit en perles, en coins ou autre chose, cette “monnaie” propre à chaque festival peut aussi prêter à confusion. Et c’est d’autant plus vrai que tous les achats ne sont pas des multiples de cette monnaie. Par exemple à Werchter tout n’est pas un multiple de 3,5 euros (valeur d’un coins). “Tout le système sans cash est construit pour créer de la confusion et vous donner, en tant qu’utilisateur, le moins d’idée possible de ce que vous dépensez” se plaignent certains festivaliers dans De Morgen. Un système qui permet surtout de rendre moins aigu ce qu’on appelle la douleur de payer, le fameux Pain of Paying. Soit le lien psychologique qui existe entre le plaisir d’acheter et le moment, moins sympathique, où il faut payer. Sentir concrètement « la douloureuse », réduit en effet singulièrement l’envie d’achat. Un biais qui serait régulièrement faussé par la monnaie virtuelle.
La fraude aux QR-codes à Werchter est pourtant connue depuis des années
Le bracelet cahsless a par ailleurs encore un autre souci. Le crédit contenu sur le bracelet de festival de quelqu’un à Werchter peut en effet être visionné et même transféré. Selon le hacker éthique Inti De Ceukelaire « il était relativement facile de visionner les commandes passées par quelqu’un au moyen du QR-code intégré au bracelet du festival de Werchter Boutique et de TW Classic, mais aussi qu’il était possible de virer le crédit restant vers un autre compte au cas où l’utilisateur n’aurait pas de compte en ligne auquel est associé le bracelet.
Weezevent, l’entreprise à l’initiative de la technologie, connaît pourtant le problème depuis 2017 dit DataNews. Der Spiegel découvrait en effet quasiment une situation identique lors de l’édition allemande de Lollapalooza.
Malgré cela il semble donc ne pas y avoir la moindre intention d’adapter les procédures chez Weezevent. Cela signifie aussi qu’il sera encore et toujours possible de détourner de l’argent des bracelets de festival à Rock Werchter, prévient encore DataNews.
Live Nation, l’organisateur de Werchter, a lui réagi en déclarant ne rien savoir à propos de cas de fraude, mais prévient depuis lors les festivaliers de ne pas partager de photos de leur QR-code sur les médias sociaux. « Il est fortement conseillé de ne pas partager de photos du QR-code ou le code chiffré au dos du bracelet. Mais soyez également vigilant, si quelqu’un prend des photos de votre bracelet. La meilleure protection est de créer un compte à Rock Werchter et d’y associer votre code. Dans ce cas, l’argent ne pourra pas être transféré vers un autre numéro de compte. »
David De Wever, directeur de Weezevent en Belgique, insiste également sur le fait que la fraude à grande échelle est impossible: ‘Le montant moyen sur le bracelet est inférieur à dix euros. Et si vous avez créé un compte, le montant du crédit restant sera remboursé via la même transaction.’
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